A l’intérieur, il fait bien 27°C. Forcément, une voiture (presque) tout en plexi, ça chauffe. Pourtant, sur le visage des jeunes mariés de l’Ecume des jours, Audrey Tautou et Romain Duris, il n’en paraît rien. Magie du cinéma, des maquilleurs… mais aussi des décorateurs. L’autre star du film est une voiture : elle s’appelle « Limovian ». C’est celle qu’offre Colin à Chloé pour partir en lune de miel, conduite par le cuisinier/avocat/chauffeur/homme à tout faire incarné par Omar Sy. En salles depuis le 24 avril dernier, l’adaptation du chef d’œuvre de Boris Vian par le réalisateur Michel Gondry donne une place toute particulière à l’automobile : aux côté de la Limovian, une kyrielle d’autos anamorphosées, avec l’avant à la place de l’arrière, et vice-versa, des silhouettes hors du temps et des couleurs flashy. Peugeot a directement participé aux dessins de la double 404 break, de la 306 verte inversée, et de la petite 104 jaune dotée d’un avant de 404 à l’avant (cf nos images). Sous le joug de François Duris, responsable de la stratégie du design Peugeot (et frère du comédien), les idées de Gondry (le coffre se transforme en table de pique-nique !), ont pris forme plus précisément à travers la Limovian.

Le cinéaste bricoleur ne pouvait décemment pas se contenter de froides autos modernes "de série »… il lui fallait du sur-mesure. Par le biais d’une agence spécialisée, le projet atterrit chez Peugeot en décembre 2011, au service product placement, sur le bureau d’Isabel Salas Mendes. C’est elle qui décide de prêter (ou non) des voitures aux productions de films et séries, à condition qu’ils collent à l’image du Lion. L’Ecume des jours est un cas particulier car elle impliquait la participation du style Peugeot. François Duris explique le projet, démarré en janvier 2012, et exécuté en seulement deux mois :  « connaissant l’univers de Boris Vian et celui de Michel Gondry, l’idée de les croiser, c’était sublime. L’autre point,  c’est que mon frère tient le rôle principal dans le film. Il m’a appelé pour me dire qu’il y avait une voiture à dessiner, il m’a juste dit : « dessine-la ! » . Cela a été une longue aventure, la rencontre de mondes très opposés… Gondry, Boris Vian, le surréalisme, des choses très abstraites et puis nous, constructeur automobile, au contraire très concret… mais le courant est très vite passé. » La démarche est à contre-courant de celle, traditionnelle, du design, puisqu’il fallait sortir du credo sérieux des Peugeot, de l’objet parfaitement dessiné pour aller vers un objet plus onirique, improvisé, spontané : l’intérieur kitch à souhait, avec sa moquette beige et ses sièges en moumoutte, est à mille lieues des habitacles ultra-raffinés des dernières Peugeot. 

« Michel Gondry avait deux éléments de brief »  reprend Duris «  il voyait la voiture transparente alors que dans le roman elle est blanche. Un coup de génie cinématographique, qui donne une magie, une majesté à l’objet… sublime, on voit les personnages à l’intérieur ! Sa deuxième volonté, c’était le temps… il voulait que la voiture ne soit pas vraiment « datable » car son film évolue quelque part entre les années 70 et 2020, il y a une espèce d’aller-retour vers le futur, mais il y avait une période de prédilection vers les années 70,  au moment où il découvrait les voitures quand il était enfant. »

Une limousine dans l’histoire récente de Peugeot ? Difficile à trouver. On songe à la rigide 604 Limousine, carrossée par Heuliez, mais celle qui vient à l’esprit est la grandiloquente 607 Paladine, qui servira de véhicule d’apparat à Nicolas Sarkozy lors du défilé d’investiture à la Présidence de la République en mai 2007. Pourtant, le style Peugeot avait une autre icône en tête : la 404, à nouveau. Une idée qui fit rapidement mouche : le grand-père de Gondry en possédait une. L’idée fut alors de reprendre une base de limousine « externe », en fait une Cadillac Brougham qui fut découpée, défigurée et ajourée par les décorateurs et carrossiers pour permettre l’installation des éléments transparents. L’équipe Peugeot tentera d’y appliquer certains éléments du style actuel, comme la typographie de la marque, ou bien les deux rampes de trois feux arrière, censés évoquer la triple griffe lumineuse qui anime les poupes des derniers modèles (508, 208, 2008, future 308). Le capot est orné d’un Lion Baudichon, du nom du sculpteur René Baudichon, qui l’a proposé en 1923 comme emblème dans le cadre d’un concours lancé par la marque. Surnommée « Lion Fou » ou « Lion humoristique », cette sculpture est un objet rare (il s’en est vendu une chez Artcurial en 2009 contre 3222 € !).  La cerise sur le gâteau pour cette « limo » un rien décadente, à laquelle un joli documentaire de 26 minutes a été consacré, « Chloé’s dream », sur les coulisses de sa réalisation.


Enfin, pour les fans, il est possible d’aller admirer la Limovian sur les Champs-Elysées, dans le show-room de Peugeot, jusqu’au 16 juin.