Pollution - Les professionnels de l'enfumage

Ce qui m'a le plus choqué dans cette affaire de cobayes, c'est que l'on ait mis sur le même plan d'indignation singes et humains. Au point que l'on parle de "monkey gate".

Des tests sur des animaux, il y en a depuis que la médecine existe et ceux-là ne furent pas bien cruels si l'on songe aux bestioles écorchées depuis des lustres pour étudier les effets de crèmes anti-rides ou de rimmels.

D'accord, les macaques américains ont respiré un peu plus de NOx que ceux du zoo de Vincennes, et encore, je n'en suis pas si sûr.

Mais comment associer cette inutile crétinerie avec le fait que trois entreprises allemandes, celles qui ont jadis motorisé les divisions SS d'Hitler, aient pu, en 2014, s'associer pour "gazer" des étudiants ? Un tel niveau d'inculture, d'imbécillité et de cynisme donne une idée de l'infini.

Et tout cela pour quoi ? Apprendre que le rustique diesel d'un vieux pick-up Ford émet moins de NOx que le moderne TDI d'une Volkswagen Beetle pourtant spécialement bidouillé pour l'occasion. Même moi, je le savais que les émissions brutes d'oxydes d'azote d'un diesel sont corrélées à son rendement.

Pendant que l'on s'indigne de ce mauvais épisode du feuilleton Diesel Gate, on passe sous silence un autre scandale aux retombées autrement inquiétantes. Un scandale sans secret car tout le milieu automobile est au parfum et presque tous les médias spécialisés en ont parlé, sans que cela ne fasse la moindre vague.

Des bombes sanitaires à la norme Euro 6

Au cas très probable où vous l'ignoreriez, nous Européens, sommes tous les cobayes involontaires d'une expérience qui dure depuis 2014, sera conclue en septembre prochain et dont les effets se feront sentir - c'est le mot - pendant encore une ou deux décennies.

Cette expérience de chimie non amusante, on la doit à la norme Euro 6 qui, depuis quatre ans, autorise par dérogation les moteurs essence à injection directe à émettre jusqu'à 10 fois plus de particules que les diesels postérieurs à 2009, qui répondent à la norme Euro5. Pourquoi une telle dérogation alors que l'on sait, depuis quinze ans au moins, cette technologie très polluante ? Pourquoi cette différence de traitement entre diesel et essence ? On se perd en conjectures.

Le législateur a t-il jugé trop rude d'obliger les constructeurs à installer un filtre à particules sur ces petits moteurs à vocation économique ? Etait-il à ce point aveuglé par son combat anti-diesel qu'il a préféré ignorer que ce n'est pas le carburant qui crée la pollution, mais son mode de combustion, en l'occurrence très proche de celui d'un diesel ?

En attendant, on aura vendu, pendant quatre ans, des millions de ces TSI, TCE, Ecoboost, PureTech, Multiair qui crachent sans filtre en toute légalité et portent les vignettes Critair 1 ou 2.

Il y a deux semaines, j'apprenais d'un ingénieur de l'Ademe que les particules issues de ces petits moteurs essence s'avèrent bien plus nocives que celles des diesels car elles sont en moyenne plus fines et donc plus susceptibles de pénétrer notre organisme en passant par le sang. Et surtout, bien plus chargées en benzène, toluène et autres composés aromatiques aux effets cancérogènes prouvés.

Bref, les NOx du scandale Volkswagen et compagnie, c'est du patchouli comparé à cette véritable bombe sanitaire.

Les professionnels de l'enfumage ...

 Mais l'affaire des petits moteurs essence cancérigènes n'a pas encore éclaté et peut-être n'éclatera-t-elle jamais. Après tout, le scandale des diesels truqués pour les tests d'homologation était éventé dans la presse automobile depuis quinze ans avant qu'il ne devienne le Volkswagen gate. Comme une bombe a besoin d'une amorce, une information technique importante a besoin d'un pétard "grand public" pour exploser. Quelque chose d'aussi fort qu'un haut cadre de VW qui ment à la justice américaine, un juge qui perquisitionne un grand constructeur ou des étudiants enfumés contre rétribution. Alors, en attendant qu'un haut fonctionnaire de la commission européenne se fasse surprendre à un guichet d'aéroport avec une valise de billets ou qu'un ingénieur passe à confesse sur Médiapart ou Die Welt, il ne se passera rien.

Hier, j'achetais le Journal du dimanche affichant en une l'interview d'Anne Hidalgo. La maire de la capitale de la France y affirme "Grâce à nos actions, en dix ans, la pollution de l'air a baissé de 30 % à Paris". Quels polluants ont à ce point diminué ; sont-ce les particules fines, les plus fines, les moins fines ? En masse ou en nombre ? Les oxydes d'azote, les hydrocarbures imbrûlés ? Ou bien le plomb, le monoxyde de carbone, les odeurs de crottin ?

Les professionnels de l'enfumage ne travaillent pas seulement chez les constructeurs.