Pourquoi l'E85 est un feu de paille ?
Hausse des prix des carburants aidant, de nombreux automobilistes se rallient au bioéthanol ou rêvent de le faire par le biais de l'ajout d'un boîtier dédié ou de l'achat d'une auto pré-équipée. L'E85 est une solution, certes économique, mais à très court terme seulement. Un sursis de courte durée qui explique le fait que peu de constructeurs s'engagent dans ce procédé.
75 cts le litre d'E85 au lieu d'1,70 euros pour le sans-plomb 95. De quoi hésiter au moment de faire le plein. Ou plutôt de quoi ne pas hésiter du tout et de craquer au moment de choisir sa nouvelle auto, ou d'avoir la possibilité de faire reprogrammer la sienne. Pour autant, l'engouement des particuliers pour cette conversion, et le peu d'engouement pour ce type de carburation de la part des constructeurs pose quelques questions.
C'est une évidence, puisque le fameux E85 coûte, au bas mot, deux fois moins cher que le SP 95, les économies à la pompe sont intéressantes, même si la consommation de bioéthanol est plus importante de 20 à 25% par rapport à un carburant classique. En plus, grâce au bio carburant, le taux d'émissions de C02 est à la baisse, le malus s'envole et la vignette Crit'air 1 qui lui est octroyé permet de circuler dans les centres-villes limités. Pour couronner le tout, plus de 2 700 stations-service permettent de faire le plein de cette essence verte dans l'hexagone. Autant dire qu'une majorité de clients ont intérêt à s'ofrir une auto programmée en usine pour recevoir le précieux carburant.
En dehors de Ford et de Jaguar - Land Rover, point de salut
Seulement voilà : deux marques seulement proposent de tels modèles : l'Américain Ford et l'Anglais Jaguar - Land Rover. Pourquoi aussi peu d'enthousiasme pour ce qui est, sur le papier, une poule aux oeufs d'or ? Une poule qui fait d'ailleurs le bonheur de la filiale française de Ford qui propose 6 modèles en flexifuel, de la Fiesta au Kuga en passant par le best-seller Puma, ou la Focus et qui a vu ses prises de commandes augmenter de 16 % en 2020, même si les délais de livraison se sont fortement allongés l'an passé et qu'au final ses immatriculations ont baissé de 20 %.
Du côté des plus huppés Jaguar et Land Rover, la filiale française a réagi elle aussi en proposant des versions dopées à l'E85 du Discovery Sport et de l'Evoque pour le second et de l'E-Pace pour le premier. Ces succès auraient dû pousser n'importe quel décideur de l'automobile à équiper tous ses modèles à tour de bras. Pourtant, il n'en est rien, ni au sein des trois marques hexagonales, ni chez les importateurs. Et pour cause. Avec la Suède, la France est le seul pays européen ou l'E85 est en vente libre dans les stations-service. Dans les autres contrées, il n'est disponible qu'au sein des entreprises et des administrations (un peu à la manière de l'hydrogène chez nous). Du coup, aucun constructeur ne veut s'embêter à réaliser des productions spéciales pour ces deux pays, même si la reprogrammation des moteurs et l'ajout d'un boîtier ne sont pas très compliqués.
L'Était rejette l'éthanol...
Mais il y a une autre raison à cette hésitation : l'éthanol n'a que des ennemis. Pour l'État il constitue non seulement un manque à gagner en matière de TIPP perdue par autant de clients qui ne vont pas faire de pleins à 1,80 euro le litre, mais en plus, ce carburant du troisième type pompe un maximum d'eau dans les nappes phréatiques pour sa production qui n'a de surcroit n'a de bio que le nom, ce qui en fait un produit détesté par les écologistes. Résultat : les pouvoirs publics perdent de l'argent, mais perdent aussi de potentiels électeurs. De quoi être dégoûté du bioéthanol.
... l'Europe aussi
Et puis, il faut bien se mettre en conformité avec Bruxelles. Pour la commission européenne, la messe est dite : « Les biocarburants produits à partir de matières au fort risque d’impact sur les sols seront plafonnés puis réduits jusqu’à atteindre un niveau nul ». Alors la France s'aligne, mais ne ferme pas la porte aux carburants différents. Pour l'hexagone comme pour l'UE, l'E85 est condamné, mais pas les biocarburants. Porsche travaille sur une essence de synthèse et de son côté, les recherches sur les carburants à base de déchets et même d'algues s'accélèrent. Reste à savoir si les autos équipées pour recevoir du flexfuel devront être reprogrammées ou profondément modifiées. Autant de raisons qui font reculer les constructeurs devant un carburant que d'aucuns considèrent comme déjà mort et enterré.
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