Quelle est l'Audi qui fait le plus rêver ?
Il aura fallu attendre que Ferdinand Piech s’occupe d’Audi au début des années 70 pour que la marque aux anneaux ne devienne enfin crédible face à Mercedes-Benz et BMW. Cinquante ans plus tard, rêve-t-on d’une Audi comme on rêve d’une Porsche ou d’une Mercedes-AMG ?
Comme abordé à de nombreuses reprises sur Caradisiac, l’histoire d’Audi a suivi l’ascension fulgurante de Ferdinand Piech au sein du groupe Volkswagen. C’est même le succès du développement de la marque aux anneaux qui a permis au petit-fils de Ferdinand Porsche de devenir crédible au sein de la direction du groupe Volkswagen, après s’être déjà fait remarquer chez Porsche pendant la conception de la toute première 911. A force d’investissements technologiques, d’engagements en compétition et de travail sur le design, Audi est devenu dès les années 90 un concurrent direct et incontournable de BMW et Mercedes-Benz.
Cette amélioration de l’image d’Audi doit aussi beaucoup aux modèles ultra-sportifs qui se sont multipliés dès l’arrivée de Ferdinand Piech chez Audi. Après le coupé GT, sa déclinaison Quattro et sa rarissime variante Sport Quattro érigée au rang de monstre routier légendaire des années 80, le constructeur d’Ingolstadt a ensuite présenté les S2 et RS2 au début des années 90 pour répliquer à la BMW M3 de l’époque. Dès 1999 et l’arrivée de la première Audi RS4, les variantes « Renn Sport » sont même devenues systématiques dans la gamme Audi. Désormais lorsqu’un match se jouait entre des familiales ultrasportives allemandes dans la presse spécialisée, les Audi de la série « RS » rivalisaient avec les Mercedes-AMG et les BMW M. Les volumes de ventes de ces variantes surpuissantes et hors de prix restent confidentiels aujourd’hui à l’échelle de tels géants de l’automobile premium (plus ou moins 150 000 modèles vendus chaque année à rapprocher des deux millions d’unités de voitures qu’écoulent les trois rois du marché dans le monde), mais ces véhicules emblématiques contribuent certainement à ramener des clients sur les versions les plus sages du catalogue.
Comme chez ses deux principaux concurrents, on trouve désormais une version ultra-sportive pour quasiment tous les modèles « normaux » de la gamme Audi. De la RS 3 jusqu’au RS Q8 en passant par le RS Q3, la RS 4 Avant, les RS 5 coupé et Sportback, la RS 6 Avant ou la RS 7 Sportback. Et comme chez BMW M et Mercedes-AMG, la plupart de ces variantes vivent les derniers moments de leur carrière « thermique » à cause de l’évolution des normes (principalement en Europe). Alors que la Mercedes-AMG C63 vient d’abandonner son V8 au profit d’un déroutant quatre cylindres hybride et que toutes les prochaines grosses familiales ultra-sportives s’électrifieront, on sait déjà que la RS 3 ne sera pas remplacée et que la R8 reviendra ultérieurement dans une version 100% électrique après l’extinction du modèle actuel.
La fin du sous-virage
Après le développement de cette gamme « RS » depuis la fin des années 90 (qu’il faut désormais nommer « Audi Sport »), les ingénieurs du constructeur allemand se sont enfin attaqués ces derniers temps à corriger le défaut récurrent de leurs autos : leur appétence au sous-virage. Quand vous preniez le volant d’une RS 3, d’une RS 4 ou d’une RS 6 il y a dix ans, les performances en ligne droite remarquables et le formidable caractère moteur de ces machines étaient malheureusement gâchés par un comportement dynamique assez peu intéressant, privilégiant la stabilité sur le plaisir et l’efficacité sportive. La dernière génération d’Audi Sport a beaucoup progressé sur ce plan, avec un bien meilleur dynamisme sur circuit là où les précédentes générations sombraient totalement. Voilà aussi pourquoi Audi nous a fait venir sur le Paul Ricard pour y tester notamment la RS 3, dont l’ancienne mouture hurlait de douleur à la moindre attaque en piste (ou même sur un col de montagne).
Il faut dire que cette nouvelle RS 3 va vraiment très loin dans la préparation sportive. A condition d’opter pour un très coûteux pack à l’achat, la machine s’équipe de freins carbone-céramique et de Pirelli P-Zero semi-slicks ultra-collants dignes d’une vraie supercar. De quoi avaler les courbes du Paul Ricard avec assurance et même beaucoup de plaisir, grâce à un train avant solide comme un roc et un train arrière qui aide tout le temps à faire tourner la voiture (à l’inscription et même à l’accélération). Des sensations de pilotage absolument inédites dans l’histoire de la RS 3, sans parler du fameux mode drift (« RS Torque Rear ») permettant d’aller très loin dans l’amusement et la glisse à condition de bien comprendre le mode d’emploi.
Malgré ces qualités dynamiques remarquables et le feulement du légendaire cinq cylindres (malheureusement atténué à cause du filtre à particules et de l’adaptation aux normes devenues plus restrictives), la RS 3 tire naturellement un peu court sur circuit face au porte-étendard sportif d’Audi, la R8. Pénalisée par la politique du groupe Volkswagen, qui préfère donner un avantage de performances à la Lamborghini Huracan Evo dotée du même châssis et de la même mécanique (avec un peu plus de chevaux et des roues arrière directrices auxquelles n’a pas droit l’Allemande), cette R8 s’impose actuellement comme le modèle le plus confortable de la catégorie et offre, plus encore depuis l’arrivée de la « phase 2 » en 2018, des sensations de pilotage toujours aussi excitantes. Il n’y a certes pas les catapultages terrifiants en ligne droite des super-sportives à turbo les plus puissantes du marché (Ferrari 296 GTB, McLaren 720S…) mais les performances demeurent marquantes et surtout, le caractère du V10 atmosphérique restera à jamais comme l’une des plus belles merveilles de l’histoire automobile. Facile à pousser et délicieuse à faire chanter, la R8 prend aux tripes comme seule une vraie voiture de sport peut le faire avec sa boîte rapide comme l’éclair et son équilibre permettant de jouer avec les limites en toute confiance. La direction très filtrée et l’attaque de pédale de frein moins franche que chez d’autres marques, revers du confort supérieur de l’auto dans la vie de tous les jours, ne suffisant pas à gâcher le plaisir sur circuit.
La R8 ne fait sans doute pas autant rêver les petits enfants que sa cousine la Lamborghini Huracan, pour d’évidentes raisons liées au design. Mais la véritable force de cette voiture, comme nous avons pu l’expérimenter lors de précédents essais, c’est d’offrir un compromis unique au monde entre l’extravagance d’une vraie super-sportive, la noblesse mécanique et la polyvalence d’utilisation. Particulièrement dans sa version Spyder décuplant le plaisir du V10 atmosphérique, cette R8 représente selon nous une certaine idée de la voiture de rêve toutes marques confondues.
Chère mais infiniment plus accessible que la R8 et devenue enfin amusante à pousser dans ses retranchements, la dernière RS 3 incarne elle aussi l’Audi de rêve à sa façon : celle bénéficiant d’une mécanique hors normes, pratique dans la vie de tous les jours mais aussi plaisante à piloter.
On parle précisément des deux modèles qui quitteront bientôt le catalogue de la marque, donc. Certes, tout le monde a salué le design de la RS e-tron GT électrique qui ne démérite pas non plus sur le circuit Paul Ricard dans les conditions de ce gros rassemblement de modèles Audi Sport. Mais la gamme d’Audi Sport continuera-t-elle à faire rêver à l’avenir alors que la marque aux anneaux se prépare à éteindre ses plus beaux moteurs thermiques ?
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