Des aides à la conduite qui perdent les pédales
Censées nous faciliter la vie et nous protéger, les aides à la conduite, ou ADAS, font parfois exactement l’inverse, nous plaçant dans des situations inconfortables, voire périlleuses. Voici quelques cas auxquels a été confronté votre serviteur lors de ses divers essais…
Voici déjà une quinzaine d’années que des aides à la conduite agissant non plus seulement sur les freins et l’accélérateur équipent nos voitures. Après l’ABS et l’ESP, elles sont mises à actionner légèrement sur le volant, pour aider la voiture à rester sur sa file. Désormais, le progrès avançant, elles sont capables de centrer la voiture sur sa voie, mais aussi de suivre celle-ci, même si elle est sinueuse, sur une certaine distance. Autre fonction développée, la capacité à freiner automatiquement, parfois fort et jusqu’à l’arrêt, en cas d’urgence. Tout ceci est bel et bon pour notre sécurité, mais débouche parfois sur des actions de la voiture tout à fait imprévisibles, incongrues et… dangereuses.
Je ne parle pas de tomber sur une faille du système lors d’une séance de conduite très sportive, comme cela a pu arriver au pilote-journaliste anglais Tiff Needell qui, cherchant à effectuer un appel/contre appel avec une McLaren MP4-12C, s’est retrouvé dans l’herbe, l’ESP de la supercar ayant empêché la manœuvre en plein milieu de son exécution.
Imaginez plutôt. Vous conduisez tranquillement, régulateur de vitesse et aides diverses enclenchées, et tout d’un coup, votre voiture décide une manœuvre folle. Cela m’est arrivé plusieurs fois ces dernières années, durant des essais. Exemple le plus frappant, et qui aurait pu déboucher sur un accident.
En 2019, j’essaie le Volvo XC90 dans Marseille. Un bien bel SUV, luxueux et confortable, que je mène de façon pépère. Je roule dans le tunnel du Prado, au milieu d’un après-midi ensoleillé, régulateur programmé sur 50 km/h, aides et GPS enclenchés. Comment se sentir plus en sécurité ? Ce tunnel, précisons-le pour les gens qui ne l’ont jamais emprunté, est sinueux. Donc, je roule dans le mastodonte suédois, et tout d’un coup, alors qu’il n’y a aucun autre usager sur la voie, il plante les freins. Bam. Par réflexe, j’accélère pour éviter d’être percuté à l’arrière : coup de bol, il n’y avait personne. Apparemment, comme cela s’est produit en courbe, le Volvo a interprété la paroi du tunnel, presque face à lui, comme un obstacle, et a enclenché l’arrêt d’urgence. Alors que j’avais les mains sur le volant et suivais scrupuleusement ma voie. Surprenant !
Et ironique. Car quelques temps auparavant, le constructeur suédois avait souhaité faire une démonstration de ce freinage d’urgence devant un parterre de journalistes et, patatras, il n’a pas fonctionné : la voiture a percuté l’obstacle qu’elle devait éviter. La faute, apparemment à une batterie défectueuse.
Il m’est arrivé une chose assez similaire très récemment, au volant du Maserati Grecale. Je redescends de Gréolières, après la séance photos, en direction de Mougins. La route est très sinueuse, donc je n’ai pas activé le régulateur ni son cortège d’aides. Se présente un virage serré, en zone relativement urbanisée, à l’extérieur duquel se trouve garée une VW Polo rouge, devant une maison. Tout comme le Volvo dans le Prado, le Maserati déclenche un arrêt d’urgence, ayant certainement interprété la petite allemande comme un obstacle. Il semble que dans les deux cas, le GPS ne communique pas avec le dispositif d’aides à la conduite, ce qui génère ce genre de désagrément potentiellement accidentogène…
J’ai connu pire encore. A plusieurs reprises, dans d’autres modèles, j’ai été confronté à des coups de freins impromptus et étranges. Je roule sur une 4-voies, le soleil brille et aucun obstacle ne se profile à l’horizon. Tout d’un coup, l’auto décide de piler. Aux aguets, je corrige instantanément la manœuvre en accélérant puis me demande ce qui a pu provoquer ce freinage. Et je comprends. J’allais passer sous un pont, et l’ombre projetée de ce pont sur la chaussée dessinait une large barre noire, que, là encore, le dispositif a dû interpréter comme un obstacle… Quand cela se produit sur le périphérique parisien, cela n’a strictement rien de rassurant !
Je me dis, bon, au moins la voiture cherche-t-elle à me protéger quitte à le faire à mauvais escient. Mais je suis tombé sur le cas inverse : elle essaie de faire sauter mes points de permis ! Je m’explique. En 2020, juste avant le confinement, je teste une Mercedes CLA 45 AMG + Shooting Brake, une babiole coûtant une centaine de milliers d’euros. Je suis sur l’autoroute A6, dans l’Essonne, régulateur réglé sur 110 km/h, vitesse maxi autorisée. Soudain, l’allemande se met à accélérer fortement. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je freine et tout rentre dans l’ordre. Sauf que cette facétieuse et onéreuse monture me refait la même, cette fois sur le périphérique, vers la porte de Vincennes. Régulateur sur 70 km/h, mais inopinément, la Mercedes me gratifie d’une forte accélération. Petit détail : c’était à l’abord d’un radar automatique ! Méfiant, j’ai freiné juste avant. Pourquoi a-t-elle décidé ce coup de gaz ? Je n’ai toujours pas la réponse. Mon hypothèse est que la caméra du régulateur actif, capable de lire les panneaux routiers, a aperçu un autocollant « 90 » à l’arrière d’un camion et cru qu’il s’agissait de la nouvelle limitation à cet endroit.
Autre gag, lié, lui, à un paramétrage du système, toujours chez Mercedes, cette fois une A35 AMG. Je suis sur l’autoroute, maintien de file activé. Après avoir fini un dépassement, bêtement, je décide de me rabattre. Toujours bêtement, j’active le clignotant, en mode séquentiel, pour changer de voie. J’amorce la manœuvre, et la Classe A me gratifie d’un coup de volant à gauche. Alors que le cligno fonctionne ! Je comprendrai plus tard qu’il faut actionner celui-ci en mode continu pour éviter que le système de maintien de file n’intervienne…
Plus récemment, lors du road-trip en électrique dans les Alpes, c’est l’inverse qui s’est produit. La Renault Mégane a cherché à changer de file alors que je ne lui avais rien demandé. Mais elle ne l’a fait qu’une fois. Je passe sur les actions inappropriées mais logiques de certains dispositifs, comme celui du Groupe Volkswagen, consistant à ralentir automatiquement avant un virage pourtant abordé à la vitesse réglementaire, qui peut mettre dans l’embarras lorsqu’on effectue un dépassement, ou les régulateurs de vitesse actif qui freinent au moment où on déboîte pour doubler car il aperçoit brièvement le véhicule qu’on s’apprête à dépasser pour me dire que la conduite 100 % autonome n’est pas pour demain.
Il faut savoir que les caméras des voitures ont constamment à résoudre un problème horripilant que nous connaissons bien, nous les humains. Les captchas. Vous savez, ces images floues où il faut repérer un feu tricolore, un pont, un bus, un vélo pour être autorisé à accéder un site web… C’est que les caméras de nos voitures voient ! Pas facile de programmer l’algorithme chargé d’interpréter l’image, surtout quand la saleté la rend encore plus floue. Et que dire quand elle a été mal réinstallée sur un pare-brise après le changement de celui-ci ? Un décalage d’1 mm suffit à dérégler tout le système.
Toujours est-il qu’alors que la conduite autonome est censée rendre la conduite plus facile et sûre, elle suscite chez moi un stress supplémentaire car il faut sans cesse gérer non seulement les défauts naturels de fonctionnement des ADAS mais aussi leurs éventuelles défaillances, et ce, en moins d’une seconde. Ceci rappelle les soucis rencontrés par les pilotes de ligne, qui ne comprennent pas forcément les actions de leur avion hyper-automatisé dans certaines circonstances, comme lors du drame du Rio-Paris. On n’en est pas là avec les voitures (même si les directions entièrement électriques arrivent), mais j’ose espérer que les constructeurs ont en mémoire cette tragédie.
Reconnaissons tout de même que les ADAS fonctionnent de mieux en mieux, mais l’obligation européenne de les rendre actives par défaut (règlement GSR II) sur tous les véhicules en vente dès le 7 juillet 2024 me paraît tout à fait prématurée. Tout comme la marche forcée vers l’électrique, ce qui est, certes, une autre histoire…
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