80 km/h : un bilan sur la sellette
Les voix sont nombreuses à discuter le bilan des 80 km/h sur route établi par le ministre de l'intérieur Christophe Castaner. L'une d'entre elles pèse fort : celle du Comité Indépendant d'Évaluation de l'efficacité de la mesure.
Unhappy birthday, 80 km/h
Mis en place le 1er juillet 2018, l'abaissement de la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens et sans séparateur central fête son premier anniversaire. En un an, il devait permettre de faire baisser de 400 le nombre de morts sur la route et son efficacité re évaluée après une période d'essai. Le bilan annoncé positif par notre ministre fait à présent l'objet de vives critiques, la première portant sur la manière de compter les vies épargnées. En effet, le chiffre de 206 vies "sauvées" grâce à la mesure ne serait aucunement calculé comme par le passé, mais de manière à orienter le chiffre obtenu. Quelle ironie. Comment est-ce possible ? En prenant comme référence les années 2013 et 2017 dans leur intégralité de janvier à décembre - soit les moins bonnes en matière de mortalité routière-, et non la période à cheval sur 2017 et 2018 et celle courant entre juillet 2018 et le 30 juin 2019, ce qui aurait été logique et sensé. Dans ce cas, nous aurions constaté un chiffre certes toujours en faveur de la baisse des tués sur la route, mais il n'y aurait eu que 105 vies potentiellement épargnées. (3 344 morts contre 3 239 selon les chiffres de la Direction de la Sécurité Routière). Soit bien moins que la tendance engagée lorsque l'on roulait encore à 90 km/h sur notre réseau secondaire (environ 185 "vies").
80 km/h, aucun fair-play du gouvernement
Autre point de discorde dénoncé par le comité indépendant d'évaluation : la globalisation des chiffres. À l'heure où l'on demande aux préfets de région de "prendre leur responsabilité" devant la remise en route des 90 km/h, quitte à les punir par la suite en cas de mauvais résultat, la DSR n'a pas fourni les informations en fonction des axes routiers, mais de manière générale, en ne tenant pas compte des analyses des accidents corporels. Des données pourtant remontées à leurs services. Impossible dans ce flou artistique (du moins politique), de dissocier les axes à 80 km/h des autres axes hors agglomération (routes à 70, 90, 110 par exemple). Impossible d'analyser point par point le bénéfice ou non bénéfice de l'obligation. On sait combien les politiques n'aiment pas revenir sur une décision, aussi inique, opaque et peu probante soit elle. Avoir tort ? Jamais. La preuve par la manipulation des chiffres.
De meilleures pistes que le 80 km/h
À trop viser un objectif, à se tromper d'ennemi, il semblerait qu'on se perde en route. Une fois encore, manipuler les chiffres a semblé une option facile, quitte à perdre en une crédibilité déjà fragilisée. Nous aimerions tous ne jamais plus pouvoir perdre personne sur la route, et y travaillons chaque jour, en évitant le pire et en donnant le meilleur de nous-même. Pour autant, l'erreur dit-on est humaine et aussi français soit-on, on n'en est pas moins humains. Reste donc à améliorer la sécurité des véhicules et de leur environnement routier, sans forcément penser que la vitesse, de mieux en mieux modérée et modulée par chacun, soit le seul facteur de progression. Bonifier et valoriser les bons conducteurs serait un axe à creuser, tout comme s'attaquer efficacement aux comportements inappropriés et résolument dangereux dans un flux/flot de circulation. Diminuer le nombre de morts, d'accord, réduire autant que possible celui des accidents graves aux conséquences lourdes serait également un bon axe. Réduire les injustices et le sentiment allant de pair aussi.
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