Pour les revendeurs d'occasion peu scrupuleux, particuliers comme professionnels, français comme étrangers, le "rajeunissement" d'une occasion via la baisse de son kilométrage affiché est extrêmement tentant. En effet, c'est un moyen facile (parfois) et rapide de faire grimper artificiellement la valeur d'un véhicule. Il n'est pas rare de voir de grosses berlines allemandes, qui vieillissent bien, perdre 100 000 km, et même plus, dans ces opérations.

Pour l'acheteur au contraire, c'est une catastrophe. Il achète en toute bonne foi un véhicule qui nécessitera des remplacements de pièces bien avant l'heure prévue, et qui perdra à la revente une grande partie de sa valeur. On peut se retrouver avec une courroie de distribution qui casse parce que son échéance de remplacement kilométrique est dépassée, alors même que le compteur dit le contraire. Et là, c'est un moteur à remplacer ! L'acquéreur peut même risquer des poursuites, si lui ne se rend compte de rien, mais que l'acheteur suivant découvre le pot aux roses… Très désagréable évidemment. Rappelons ici que la baisse de kilométrage est un délit en France (délit de tromperie, sanctionné par l'article L213-1 du code de la consommation), passible de 2 ans d'emprisonnement et de 37 500 € d'amende.

On pensait que le phénomène perdrait de son intensité avec le passage aux compteurs numériques, au milieu des années quatre-vingt-dix, sur lesquels il est impossible d'agir physiquement. Au contraire ! Avec l'électronique, un équipement adapté et quelques connaissances, c'est encore plus facile ! Et très rapidement, après une période d'adaptation, les arnaques ont repris.


Ces dernières, il faut le savoir, sont parfois indécelables sans un passage en concession (et encore…) mais voici cependant quelques astuces pour repérer les anomalies, et passer à l'occasion suivante le cas échéant.


Commençons par les basiques : une occasion vendue par le beau-frère/cousin/neveu/meilleur ami (rayez la mention inutile), avec donc une carte grise pas à son nom, sans factures d'entretien, à un prix inférieur à la cote de marché, ça sent déjà mauvais.

Une occasion identique, mais en provenance de l'étranger, ça pue carrément (excusez le langage, mais je n'ai pas trouvé d'autres mots). Les occasions en provenance d'Allemagne sont selon les chiffres entre 50 et 80 % à être rajeunies.

Il faut toujours, à moins de connaître le vendeur personnellement, privilégier une auto dont le propriétaire est le vendeur, et qui est cédée avec un carnet d'entretien et des factures prouvant son historique. À défaut, on s'expose…


Le cas du compteur "à l'ancienne"


Comment repérer un compteur de voiture trafiqué

Les compteurs à rouleaux, pour les bricoleurs, ne posaient pas beaucoup de difficulté en termes de retour en arrière dans le temps. Perceuse branchée sur le câble de compteur ou directement sur les rouleaux, on faisait tourner, et hop, le tour était joué… La technique du "débranchement" pendant une période plus ou moins longue était également largement répandue.

Pour détecter ce type de fraude, vous pouvez surveiller l'alignement des chiffres. Ils peuvent se retrouver décalés. Si c'est le cas, méfiance. Vous pouvez aussi regarder l'état des vis de fixation des rouleaux sur le combiné. Si elles ont été touchées pour le démontage, elles présenteront des traces de dévissage/vissage.

En cas de débranchement pendant quelques dizaines de milliers de kilomètres, il faut surveiller l'usure des éléments suivants : caoutchoucs de pédales, volant, pommeau de levier de vitesse, sellerie. Si 20 000 km ne feront pas de différence, entre 100 000 km et 200 000 km réels, la différence sera visible.


Ces observations valent d'ailleurs pour tout type de véhicule. Ancien, récent, peu importe. Si vous observez des pédales usées, dont les sculptures disparaissent, si le volant est lisse comme un œuf (ou carrément craquelé, ou avec le cuir déchiré ou pelé), si le pommeau de levier de vitesse est tellement usé que les chiffres ont éventuellement disparu, c'est que le véhicule approche des 200 000 km. Il ne peut en aucun cas avoir les 100 000 affichés au compteur ! La sellerie est aussi un indice. Un tissu élimé, des mousses avachies au point de sentir la structure, des coutures déchirées sont le signe d'un kilométrage avancé. L'analyse d'huile, un moyen peu utilisé, peut aussi donner une (simple) indication. En effet, elle peut révéler si un moteur est peu ou très usé, ou en fin de vie, mais la finesse du procédé est illusoire, on est dans des fourchettes d'estimation de kilométrage de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres…


Le cas des compteurs numériques

Avec ces derniers, depuis 17/18 ans complètement généralisés, impossible d'agir physiquement dessus pour en modifier l'affichage. Il faut passer par les boîtiers électroniques de gestion de la voiture, qu'elle soit multiplexée ou non, pour agir dessus. Les concessions des marques peuvent depuis les débuts le faire, grâce à leur matériel de diagnostic et d'intervention, même si dans certains cas le kilométrage est verrouillé. Disons que les professionnels peuvent depuis longtemps jouer à ça s'ils le désirent, c'est plutôt facile pour eux, et même autorisés dans certains pays comme l'Allemagne, ou la modification du kilométrage est autorisée dans certains cas précis comme le remplacement du moteur par exemple.

Comment repérer un compteur de voiture trafiqué

Mais ce qui est nouveau, c'est que depuis quelques années, on voit fleurir sur internet des appareils permettant de réaliser cette opération sur tout type de voiture, toutes marques confondues, à des prix parfaitement abordables. Parfois moins de 150 € ! Et la manipulation est tout simplement enfantine (je vous laisse chercher sur le web, on trouve des exemples en quelques secondes, mais je ne suis pas là pour encourager ces visionnages…). Il suffit d'avoir un ordinateur (un boîtier est même parfois fourni, voir photo ci-contre), d'avoir choisi la bonne prise à brancher sur sa voiture, et en 30 secondes l'affaire est pliée.

Quand on sait que l'on peut facilement valoriser une voiture de plusieurs milliers d'euros en abaissant les chiffres. On comprend l'attrait que cela peut avoir pour les petites frappes, ou les revendeurs transfrontaliers peu scrupuleux. Et même, de plus en plus, des particuliers.


Comment déjouer alors ces manipulations, par essence invisibles au premier coup d'œil ?

Il faut se pencher sur l'historique de la voiture. Vérifier la cohérence du kilométrage avec les factures fournies. Nous l'avons dit, si pas de factures, une extrême prudence est nécessaire. Mais même avec facture, il peut y avoir baleine sous gravier. Par exemple, si une voiture avait un entretien par an avec à chaque fois 20 000 km d'écart, et que tout d'un coup l'entretien suivant est 3 ans plus tard avec toujours 20 000 km d'écart, il faut poser des questions. De même si le dernier entretien date de 3 ans mais que le kilométrage depuis a très peu augmenté, le vendeur doit pouvoir s'en expliquer sereinement et sans détours. Normalement, un arnaqueur aura tout de même fait en sorte que le kilométrage du compteur soit supérieur à celui du dernier entretien, sinon comment dire… C'est grillé.

Comment repérer un compteur de voiture trafiqué

En cas de doute, prenez même le temps de contacter un concessionnaire de la marque. Si le véhicule est passé dans le réseau, il pourra y avoir une trace informatique, et on pourra vous dire quel a été le dernier kilométrage relevé. C'est soit au niveau national, soit au niveau de la concession. Idem avec un petit garage.

Vous pouvez aussi vous retrouver devant des factures et un carnet d'entretien falsifiés. Comment les repérer ? Si vous avez en face de vous un carnet remplit trop méthodiquement, avec la même écriture, le même tampon exactement, avec la même couleur d'encre, et une signature toujours identique, il y a fort à parier que ce soit un faux. Regardez donc le vôtre et vous verrez que le plus souvent, les tampons diffèrent, les signatures aussi, les encres également, tout simplement car chaque entretien a été effectué à un moment distinct. Dans ce cas, un appel au professionnel censé avoir réalisé les entretiens vous éclairera de suite (cherchez vous-même les coordonnées sur internet, on n'est jamais trop prudent…).


Autre méthode. Si vous en avez la possibilité, montrez le véhicule à un concessionnaire de la marque. En branchant la voiture sur sa valise de diagnostic et de contrôle, il pourra le plus souvent vous donner le kilométrage réel, en allant fouiller dans les mémoires des boîtiers. Ce n'est pas garanti, mais le plus souvent ça marche, si le kilométrage n'a pas été modifié partout. En effet, il peut avoir été abaissé au niveau du compteur, mais pas de la clé (oui pour certaines marques, le kilométrage se retrouve aussi dans la clé…) ou du boîtier de gestion moteur. Et parfois les boîtiers dialoguent entre eux pour se mettre au même kilométrage, parfois non, ce qui peut donc vous sauver la mise…


Vous pouvez également, sur demande auprès de L'UTAC, l'organisme qui gère le contrôle technique en France, obtenir les kilométrages relevés lors des contrôles techniques. C'est un droit, il faut juste fournir les pièces prouvant que vous êtes bien le propriétaire du véhicule. La demande d'information est faisable depuis le site web : www.utac-otc.com


C'est toujours mieux de déceler ce type d'arnaque avant l'achat… qu'après, évidemment. Dans ce dernier cas de figure, il faut tenter une procédure amiable avec le vendeur, et sans succès, porter plainte contre lui pour tromperie au tribunal d'instance ou de grande instance selon le montant du préjudice. Vous pouvez demander l'annulation de la vente, ou la diminution du prix payé pour le mettre en rapport avec le kilométrage réel. Mais ce sera à vous de prouver l'arnaque par tout moyen concret, une expertise étant la meilleure solution.