"Fun is not a straight line" (Le plaisir n'est pas dans la ligne droite) dit la publicité. Mais ça peut quand même être rigolo.
Prenez une ligne droite de 4km de longueur et de 60m de large. Une piste d'aéroport, comme ici, remplira parfaitement la fonction. Placez à une des extrémités quatorze des véhicules terrestres les plus rapides au monde. Demandez à chacun des pilotes de parcourir la distance de 1 mile (1.6km), départ arrêté et le plus rapidement possible, puis examinons les résultats. C'est la recette tout simple concoctée par les journalistes de Road&Track, le célèbre magazine automobile américain. On doit pouvoir trouver plus triste, comme test.
Pourquoi un mile et non pas l'habituel 400m (soit ¼ de mile) ? Parce que les plus puissantes voitures actuelles ont à peine entamé leur accélération au bout de 400m, quand elles n'ont pas mis une bonne part de cette distance à tenter vainement de passer la puissance au sol. Il est de plus assez rare d'être en mesure de pouvoir mesurer un 0 à 300km/h...
Les véhicules choisis proviennent de plusieurs origines. Il y a d'abord les voitures de course : Lola B02/00-Ford Cosworth de Champ Car, Jaguar XKR de Trans-Am et Pontiac-Riley Mk XI Daytona de Grand-Am. On trouve ensuite les préparateurs comme HPA Motorsports et son Audi TT de 542ch, Hennessey et sa Dodge Viper biturbo de 1000ch, appelée "Venom 1000" et Vortech qui a amené sa Mustang à compresseur de 575ch. Enfin, il y a les véhicules de série où on retrouve une Saleen S7 biturbo de 750ch, une Ford GT, deux Ruf (Ruf ayant le statut de constructeur) comme la R Turbo de 2004 et la CTR de 1986 (oui, il s'agit bien de la légendaire Yellow Bird), une Lamborghini Murcielago, une Dodge Viper d'origine et une Chevrolet Corvette C6. La C3 Pluriel HDI n'a bizarrement pas passé les éliminatoires.
Afin d'amener un élément de comparaison supplémentaire, une somptueuse MV Agusta F4-1000 Tamburini se joint au groupe de quadrupèdes.
Quel véhicule sera le plus rapide ? Le chronomètre et le GPS seront les seuls juges, le classement se faisant sur la vitesse terminale.
Difficile de le croire dans un test de performance mais à la 14ième place, on retrouve la Chevrolet Corvette C6. Mais tout est relatif. Son V8 6l tout en aluminium de 400ch en fait une voiture capable de décimer 99% de la production automobile mondiale. Le problème est qu'on retrouve aujourd'hui sur la piste le pourcent restant. Avec une vitesse finale de 248km/h et un temps de 32.7s, elle prend donc la dernière place.
Malgré les énormes pneus arrières en 345/30ZR-19, il est compliqué de faire un départ arrêté « propre » (comprendre sans lancer de fumantes bandes noires sponsorisées par Michelin) avec une Dodge Viper SRT-10. Le V10 8.3l de 500ch et 712Nm doit y être pour quelque chose. Quand elle passe la barre du mile à 257km/h et au bout de 31.4s alors que la mince capote menace de s'arracher à tout instant, l'énorme moteur est à 2400tr... en 5ième ! A elle la 13ième place.
Pour la Lamborghini Murcielago, c'est l'inverse : trop d'adhérence fait que l'embrayage est en danger de mort subite en cas de démarrages violents répétés, à cause du mélange détonnant V12 6l de 580ch / transmission intégrale. C'est la raison pour laquelle la Lamborghini ne s'alignera qu'une fois sur la ligne de départ, alors qu'elle en avait droit à 5 maximum. Mais c'est un bon passage, avec 270km/h atteint et un temps de 30.9s. La 12ième place lui revient.
A la 11ième place on retrouve la descendante d'un mythe roulant, la terrible Ford GT. Malgré les 550ch de son V8 5.4l à compresseur et sa transmission exclusive aux roues arrières, son meilleur passage se fait sans aucune amorce de patinage des énormes pneus en 315/40-ZR19. Et cela se ressent dans son temps, avec une pointe à 276km/h atteinte en 29.9s au bout du mile.
Nous voilà dans le top 10 et voici le première voiture modifiée. Et quelle voiture est l'Audi TT HPA... Le préparateur canadien n'y est pas allé par quatre chemins. Dehors le 1800 Turbo d'origine, et bonjour le V6 3.2l. Agrémentée de deux turbos soufflant chacun à 1.4 bar, elle atteint le surprenant chiffre de 542ch. Cette puissance est délivrée aux 4 roues via une boîte 6 manuelle, la transmission Haldex et un différentiel à glissement limité Quaife à l'arrière. A noter que le TT est aussi équipé d'une injection au N2O, celle-ci ne servant pas à la combustion interne, mais à refroidir les intercoolers. Le résultat est stupéfiant : bien aidé par un programme de démarrage concocté par HPA, l'Audi parcourt le mile en 30.1s, terminant avec une vitesse de 277km/h, coiffant au poteau la Ford GT.
Pour donner une idée du niveau des performances des véhicules présents pour ce test, la seule et unique moto se trouve à la 9ième place. Et quelle moto que cette MV Agusta F4-1000 MT Tamburini, dont le 4 cylindres 1000cm3 délivre 173ch... Mais l'aérodynamique particulière des motos ne la favorise pas pour cet exercice, comme le prouve le détail de ses performances : de 0 à 100km/h, elle fait jeu égal avec la Champ Car, à 400m elle est seconde, troisième à 1200m et quatrième au passage du mile, 26.8s après, avec seulement la neuvième vitesse la plus rapide, 281km/h. Mais elle remporte sans doute le prix du plus beau bruit, bien aidée par sa ligne d'échappement optionnelle en titane et son rupteur à 12 850tr/min.
Après la Ford GT, voici un autre monument de l'automobile américaine. Avec un compresseur tournant à 1.1bar, le V8 5l de la Ford Mustang Vortech délivre 575ch à 6500tr. Esthétiquement stock pour l'œil non averti, cette Mustang a pourtant fait l'objet de quelques modifications de vieux renard : un spoiler avant plus large, un diffuseur à l'arrière et le démontage des rétroviseurs améliorent l'aérodynamique, tandis que 10kg de glace sont placés sur l'intercooler entre deux runs pour refroidir l'admission d'air. Tout ceci l'aide à s'octroyer la 8ième place, atteignant 288km/h en 30.4s au bout du mile.
Alois Ruf lui-même, fondateur de la marque, s'était déplacé pour assister aux passages de ses deux bébés. La Ruf R Turbo, construite sur la base d'une Porsche 911 Turbo type 996, n'est pas là pour faire de la figuration avec ses 590ch et sa transmission intégrale et elle est très loin d'avoir déçu, atteignant les 100km/h en une distance inférieure de deux mètres à celle de la toute puissante Viper biturbo de Hennessey. Avec une vitesse terminale au mile de 290km/h au bout de 28.6s, elle prend la 7ième place.
On retrouve la première voiture de course à la 6ième place. La Pontiac-Riley Daytona Prototype n'est pas à son avantage sur cet exercice. En effet, elle est limitée par la réglementation Grand-Am en vigueur. Son V8 5l fait donc seulement 500ch, à cause de restriction à l'admission et elle est handicapée par une boîte séquentielle à la première et à la seconde longues comme un jour sans pain. Malgré tout, elle est très loin d'être fainéante, abattant le 400m en 11.3s et franchissant le mile en 27.8s à 290.1km/h.
Echappée des series Trans-Am, cette Jaguar XKR au châssis tubulaire n'a pas grand chose à voir avec le modèle luxueux d'origine. Et avec 630ch tirés du V8 à compresseur, elle n'est pas taillée pour la balade. Déçu par un premier passage à seulement 273km/h, Paul Genitlozzi, le propriétaire du véhicule et de l'écurie qui l'utilise, décide d'enlever l'aileron arrière, rendant la conduite de la Jaguar très difficile mais lui permettant d'atteindre 291km/h au limiteur de régime de 5ième au passage de la borne du mile, 28s plus tard. La 5ième place lui revient.
Et maintenant, place à la légende... Voici la vénérable Ruf CTR. La Porsche 930 d'origine de seulement 300ch (j'en ris encore) était considérée délicate à conduire. La Yellow Bird, comme elle est surnommée, en fait 469, grâce notamment au passage en biturbo de son 6 cylindres à plat 3.3l. En 1987, elle a atteint la vitesse irréelle de 339km/h sur le circuit de Ehra-Lessien en Allemagne. 18 ans et 100 000km plus tard, la mamy n'a rien perdu de sa santé, bien au contraire. Avec un passage en 28.6s et une vitesse de 299km/h, elle prend une 4ième place méritée. Quelle voiture...
Et nous voici arrivés au podium. Et si la médaille de bronze revient à la Champ Car, les performances des deux premiers devraient être terrorisantes. Les F1, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ne sont pas particulièrement aérodynamiques. Les roues exposées, les larges ailerons et le diffuseur limitent leur vitesse maxi. Mais avec les 800ch délivrés par le V8 2 .65l Turbo, capable d'atteindre 12300tr, la Lola-Ford Cosworth promet en tout cas de l'atteindre très rapidement. Comme prévu donc, elle prend la 3ième place en vitesse maximum avec 327km/h, mais la 1ère au niveau du temps, avec 24.2s.
Saleen, à la base préparateur de Mustang, fait aussi une petite série d'un modèle complet, la S7, qui fait une carrière respectable dans les courses d'endurance. Le haut de gamme est la Saleen S7 Twin Turbo, qui ne fait pas dans la dentelle. Son V8 de 7l, bien aidé par deux turbos soufflant à seulement 0.3bar, sort 750ch... Et c'est donc sans forcer que l'américaine s'octroie la 2ième place, réalisant un temps de 25.9s à 331km/h.
Si la Saleen ne fait pas dans la subtilité, que dire de la Hennessey Venom 1000 Twin Turbo Viper ? Son colossale V8 8.3l voit sa puissance doubler par l'adjonction de deux turbos. Résultat ? 1000ch. Avec ce niveau de puissance, même un cuisinière à gaz finirait à la 1ère place. Et c'est le cas : avec un temps de 25.6s et une vitesse de 338km/h, l'Hennessey est déclarée championne du jour. Un incident est à noter quand même lors du dernier passage. La Venom roulant sans filtres à air, un des turbos a aspiré visiblement trop de graviers et a subitement rendu l'âme. Fiabilité vous avez dit ? La vieille Ruf CTR et ses 100 000km ricanent tranquillement dans leur coin.
Vous aurez remarqué comme moi la totale absence de japonaises survoltées... Et quand on sait que la Nissan Skyline GTR la plus énervée, comme celle de chez Veilside, réalise le 0 à 300km/h en seulement 13s, on comprend que les américains fassent un peu de protectionnisme pour garder un semblant de compétition.
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