Huit jours en Caterham R300 Superlight, c'est le rêve de beaucoup. Mais peut-on utiliser cette baignoire à réaction comme véhicule quotidien, en ville, sur routes et autoroutes et par tous les temps ? C'est la question ô combien capitale à laquelle nous avons tenté de répondre.
Épisodes précédents :
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 1, la découverte
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 2, Paris s'éveille
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 3, la campagne, ça vous gagne
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 4, direction le Nürburgring
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 5, soufflons un peu
Jour 6
La nuit a été courte, la journée sera longue. Programme du matin : tourner au Nürburgring en Caterham R300 Superlight lors d'une « touristfahren », une journée ouverte au public. Programme de l'après-midi : refaire les 500 km d'autoroute dans l'autre sens pour rentrer à Paris.
Pas de petit-déjeuner, j'ai l'estomac noué. Pour la énième fois ces derniers jours, je redécapote la Caterham et plie soigneusement la toile dans le coffre. Je décide d'essayer une nouvelle configuration que je n'ai pas testée jusqu'ici en laissant juste les portes. Me voilà installé à nouveau devant ce tout petit volant, sanglé au fond du baquet en kevlar, l'échappement crachotant dans mon oreille gauche. L'entrée du circuit est à quelques kilomètres de l'hôtel, juste ce qu'il faut pour amener la mécanique à température. J'arrive vite au rond-point où attend déjà une dizaine de voitures devant l'entrée du parking. Des Porsche 911 de toutes les générations, des BMW M3 comme s'il en pleuvait, un club de Toyota Supra JZA80, que du gros client. Même si rien n'y oblige, la Nordschleife étant pour rappel considérée légalement comme une « route à péage » et non un circuit, je choisis de porter un casque. Intégral. Parce que quand tu prévois de rouler sur une piste avec une telle réputation, dans une barquette construite au fin fond de la campagne britannique et au rapport poids/puissance de Ferrari 458 Italia sans aucune aide à la conduite ni système de sécurité moderne, tu ne fais pas le fanfaron voulant préserver sa coupe de cheveux.
Je suis maintenant face au péage, avec heureusement une employée du circuit pour passer ma carte d'accès (26 € le tour, 95 les quatre). La barrière se lève. Les portes de l'Enfer. 20,8 km, 154 virages. Je ressers une dernière fois le harnais, je soupire, je baisse la visière de mon casque, je rentre le premier rapport et j'accélère. Je rattrape rapidement la 996 qui me précédait, puis la double facilement, j'enquille avec deux autres Porsche puis une M3 E46 dans la succession de virages d'Hatzenbach. Je suis bon, je suis fort, j'ai l'impression de faire corps avec la Caterham qui répond au doigt et à l’œil. Je soigne mes trajectoires, je frôle les vibreurs et encaisse les violentes compressions en serrant les dents. Je suis un pilote, un vrai, je maîtrise le terrible Nürburgring. Et puis soudainement, je me fais doubler sans effort par une Volkswagen Golf. De troisième génération. Un break. Vous savez, celle dont la plus grosse motorisation était un 2,0 l apathique de 115 ch. Et j'aimerais bien vous dire qu'elle était préparée jusqu'aux barres de toit mais pour le peu que je l'ai vue, elle avait l'air parfaitement d'origine. Bondissant de vibreur en vibreur sur ses suspensions bien souples, elle disparaît très vite au loin. Le temps de me remettre de ce camouflet, et une Suzuki Swift GTI me fait l'extérieur dans Flugplatz, la roue arrière intérieure levée. D'accord.
Je passe la sixième dans la descente de Schwedenkreuz puis de Fuchsröhre et la Caterham, comme sur chacun de ses rapports, reprend vigoureusement son accélération, parfaitement stable, comme sur des rails... mais je perds rapidement la guerre des nerfs, l'instinct de conservation reprend le dessus et je lève le pied à 180. Et ça sera ma vitesse limite psychologique pour le reste du circuit. Ce qui tombe bien, puisqu'arrive maintenant Adenauer Forst, un S soudain où il est difficile de ne pas céder à la facilité de couper à travers l'herbe... mais dans Gran Turismo seulement. On reprend la descente avec une succession de virages rapides parmi mes préférés du circuit : Metzgesfeld, Kallenhard, Wehrseifen avant d'arriver au pont de Breidsheid, où, on le sait peu, la vitesse est limitée à 50 km/h à cause de la seconde entrée. On attaque maintenant la véritable côte d'Ex-Mühle où il faut descendre quelques rapports, puis vient la courbe rapide de Bergwerk... et enfin, le virage le plus connu du circuit est en vue : le Karussel.
Je me jette dedans sans hésiter. Se jeter est d'ailleurs le verbe le plus adapté, parce qu'on a vraiment l'impression de tomber. Le fond de la Caterham frotte, les G me plaquent au fond du siège et il est assez étrange de chercher la fin du virage en levant la tête plutôt qu'en regardant sur les côtés. Puis la montée reprend en direction d'Hohe Acht avant de redescendre vers Wipperman, Eschbach puis Brünnchen. Vient maintenant Pflantzgarden, connu pour ses deux bosses où les plus courageux décollent. Autant vous dire que j'ai mis un coup de frein juste avant chacune d'entre elles, surtout que les courbes qui les suivent sont bordées de nombreux spectateurs, qui n'attendent pas que vous finissiez dans le bac à gravier, mais presque. Enfin, le dernier virage sérieux, Schwalbenschwanz, annonce la dernière ligne droite et la fin du circuit. Là, une longue file de voitures attend en warning, c'est le signal que la piste est fermée pour cause d'accident. En effet, par deux fois un drapeau jaune m'a ordonné de ralentir, pour une Honda CRX ED9 dans le rail dès Hatzenbach, puis pour une 997 GT2 un peu plus loin, visiblement en panne.
Une fois les deux malchanceuses évacuées, pas loin d'une heure après, le circuit rouvre et j'ai encore le temps de faire un second tour avant de reprendre la route pour Paris. Le dernier tour, c'est en général celui de trop, celui où on a du mal à tempérer son enthousiasme. Mais je parviens tout de même à rester raisonnable, ou presque, puisque je ferai deux beaux travers, dont un à Wehrseifen qui n'était pas loin de la catastrophe.
Il est maintenant temps de remettre les bouchons d'oreille pour avaler les kilomètres d'autoroute du retour sous un soleil de plomb. Hors de question de remettre la capote dans ces conditions, et je choisis de garder les portières. Après quelques kilomètres, une conclusion s'impose : c'est la meilleure configuration possible. La chaleur est en effet tout à fait supportable, le bruit du moteur et de la transmission ne résonne plus dans l'habitacle et les courants d'air sont bien mieux maîtrisés que dans de nombreux autres cabriolets plus traditionnels. Sur le chemin du retour, difficile de ne pas céder à la tentation de la fameuse autoroute allemande illimitée : 225 km/h affiché au compteur quand le shift light m'ordonne de passer une septième imaginaire. On pourrait craindre un aérodynamisme approximatif dans une Caterham à la ligne plus que cinquantenaire, mais ce n'est absolument pas le feeling que l'on a au volant, train avant comme train arrière continuant de sembler vissés au sol.
À ce rythme cependant, la jauge à carburant descend à vue d'œil, il est donc temps de redescendre à la vitesse de croisière favorite de la R300, c’est-à-dire 120 km/h. J'ai maintenant un peu plus confiance dans son autonomie, et au lieu de ravitailler tous les 150 km dès que l'aiguille rentre dans le dernier quart, je pousse jusqu'à 250 km. Décapoté, la consommation est de 7,6 l /100 km. Il fait beau, il fait chaud, j'ai un peu de vent dans mes cheveux, le sourire aux lèvres, le moteur ronronne, le siège, tout baquet en kevlar qu'il est, est confortable, la Caterham garde son cap de façon inflexible et les kilomètres s'égrènent rapidement. Paris est en vue. Nous sommes sur l'A4 un dimanche, on approche des 19h, le trafic s'étoffe et finit par former un bouchon. Évidemment. L'embrayage finit par se faire lourd, mais j'arrive tout de même à bon port. Certes, mon t-shirt est un peu froissé par le harnais et présente des auréoles (parce que je le vaux bien) douteuses, j'ai pris un coup de soleil sur le visage, mais pas de mal de dos ni de crampe au mollet à signaler, je me sens en fait en pleine forme malgré les 500 km que je viens de faire en Caterham. Étonnant, non ?
Demain, on tourne la suite du comparatif entamé la semaine dernière. Cette fois-ci, direction un autre circuit, Folembray, situé à environ 130 km en dehors de Paris. Plus petit et moins effrayant que le terrible Nürburgring, il devrait me permettre de tenter quelques fantaisies sympathiques.
Épisodes suivants :
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 7, direction Folembray
Caterham R300 Superlight au quotidien : jour 8, il est temps de se dire adieu
Vidéo - Caterham R300 Superlight au quotidien : à l'assaut du Nürburgring
Twitter : @PierreDdeG
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