La semaine dernière, Caradisiac vous faisait part de l’intention de Nicolas Sarkozy, s’il revenait aux affaires, de confier la tâche de contrôle de vitesse aux sociétés d’autoroute, ceci dans l’intention d’alléger la charge des gendarmes. Une initiative fraîchement accueillie par lesdites sociétés, par les militaires (à en juger par les réactions très mitigées recueillies sur le site de L’Essor de la gendarmerie, organe de presse non-officiel des pandores), par les syndicats, mais aussi par le grand public. Un sondage réalisé par lefigaro.fr auprès de ses internautes montrait que 76% d’entre eux étaient contre l’idée émise par Nicolas Sarkozy.

En réalité, l’ex-Président reprenait une proposition émise par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve le 3 octobre à l’issue du Comité interministériel de Sécurité routière, qui cherchait à « augmenter, dans les meilleurs délais, l’utilisation des radars embarqués dans des véhicules banalisés, en confiant leur mise en œuvre à des prestataires agréés, sous étroit contrôle de l’Etat. » Au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC le 6 novembre, Bernard Cazeneuve en a remis une couche en évoquant l’idée de faire appel, pour les contrôles de vitesse, « à des réservistes de la gendarmerie. [...] Et, si on n’y arrive pas, de faire appel à des sociétés privées. », justifiant sa proposition par le fait que les contrôles de vitesse sont trop chronophages à l’heure où les forces de l’ordre doivent être utilisées dans des tâches liées au renseignement, à la sécurité publique, la lutte antiterroriste ou le contrôle des flux migratoires. Le même jour, le délégué interministériel à la sécurité routière Emmanuel Barbe appuyait le ministre en précisant que la mesure en question concernerait, si elle se concrétisait, les seuls 260 radars embarqués dans des voitures banalisées (sur un total de 4 124 radars automatiques).

La mesure serait déjà actée par le gouvernement, avec pour objet d’augmenter l’utilisation des radars embarqués, dont l’utilisation mobilise à elle seule deux policiers ou gendarmes (un qui conduit, et un qui s’occupe de l’appareillage). De fait, un officier de police judiciaire continuerait en fin de course de décider s’il valide ou non l’infraction transmise par les opérateurs privés (ou réservistes, le cas échéant). Bref, il s’agissait pour le gouvernement de reprendre la main et couper l’herbe sous le pied de Nicolas Sarkozy, adepte lui du « tout-privatisé »... On le voit, la sécurité routière demeure une question hautement politique.

Mais en réalité, les choses vont plus loin. Cette semaine, le Canard enchaîné explique que plusieurs contrats de maintenance des équipements arriveront à échéance au second semestre 2016 , et qu’un appel d’offres sera passé par les pouvoirs publics. Celui-ci contiendrait aussi un volet concernant la conduite des voitures banalisées, ce qui devrait attirer des sociétés de VTC (voire Uber). Et l’hebdomadaire de préciser que « leurs missions effectuées, les prestataires toucheront, pour chaque feuille de route correctement suivie, et après contrôle des données GPS, un montant forfaitaire. Sans compter des « primes au rendement », comme pour certaines sociétés d’enlèvement et de mise à la fourrière. »

En d’autres termes, les pouvoirs publics s’apprêteraient à déléguer partiellement une mission régalienne à des prestataires privés dont le salaire dépendrait – partiellement là aussi – de l'abattage. Et seuls les mauvais esprits redouteront une contradiction avec le discours officiel, selon lequel « Aucun radar n’est placé en considération des recettes qu’il pourrait générer en raison des infractions commises »... Bref, un dossier où il est donc question de politique, de business, et finalement assez peu de sécurité routière proprement dite. Et pendant ce temps, les statistiques n’en finissent pas de grimper.

Contrôles radars privatisés: ça se précise!

260 voitures banalisées peuvent opérer des contrôles de vitesse embarqués, mobilisant deux gendarmes (ou policiers) à la fois. Cela prend du temps, certes, mais les « bleus » en patrouille peuvent aussi assurer d'autres missions que le contrôle de vitesse pur.