Suite de l'interview de Gabriele Polcari, physiothérapeute de l'équipe Renault F1 Team.
Caradisiac : Existe-t-il des risques de commotion cérébrale par le simple fait de piloter une F1 ? Dans quelle mesure l’activité du cerveau est-elle perturbée par les contraintes de pilotage d’une F1 ?
Gabriele Polcari : Non, il n’y a aucun effet négatif sur le cerveau. La capacité à rester lucide, à garder l’esprit clair durant une course est directement liée à la résistance à la fatigue physique. Si un pilote manque de condition physique, alors sa performance mentale pourra être moindre, mais nos entraînements visent à éliminer ce facteur de risque. Le seul GP où les pilotes rencontrent des problèmes d’endurance physique, c’est la Malaisie qui se déroule dans des conditions difficiles : chaleur et humidité.
L’enchaînement des GP [Malaisie-Bahrein en une semaine pose de gros problèmes de récupération. Les pilotes perdent de 3 à 4 kg d’eau durant la course. Mais ils perdent surtout des sels minéraux qu’il est très difficile de « récupérer » en 6 jours. Sachez aussi que les pilotes ne disposent que d’un litre d’eau dans la voiture qu’ils sifflent en ¼ d’heure. Pourquoi ne pas emporter plus d’eau ? Ce serait un ajout de poids, certes, mais c’est essentiellement parce qu’après 20 mn de course, l’eau atteindrait les 60° et serait donc imbuvable !]
C : Peut-on imaginer des combinaisons ou même des casques anti-G en F1 ?
GP : Non, les forces appliquées ne sont pas assez importantes aujourd’hui. Au début des années 80, la technologie de l’effet de sol était utilisée en F1 pour améliorer les vitesses de passage en courbe. Logiquement, les ingénieurs ont pensé que les G en virage allaient poser un problème aux pilotes si les F1 continuaient à repousser les limites de l’adhérence. Ce type de vêtement adapté à la F1 a donc été étudié en prévention mais l’effet de sol ayant été banni en 1983, cela ne s’est plus imposé ensuite. Aujourd’hui tous les paramètres de vitesses sont mesurés et enregistrés et les changements réguliers de réglementation ont généralement pour but de maintenir la vitesse (en courbe) sous un seuil que l’on peut appeler de sécurité.
C : L’activité cérébrale et cardiaque des pilotes sont-elles observées durant les courses ? Quel est le rythme cardiaque moyen en course ? Au repos ?
GP : Environ 170 pulsations par minute en course. Au repos, la moyenne est de 60. Nous effectuons régulièrement des électrocardiogrammes.
C : Existe-t-il une explication physiologique (physique ?) à l’absence de femmes-pilotes (qui réussissent) en F1 ?
GP : Physiologiquement non, pas du tout. Les capacités physiques que requiert le pilotage d’une F1 ne sont pas si extrêmes que ça. Hommes et femmes sont égaux de ce point de vue. Les obstacles sont plutôt l’argent, l’état d’esprit et les opportunités plus que la condition physique.
C : La « désinhibition » du type de celle que peut générer un alcool ou une drogue douce et que l’on dit capable de faire gagner quelques dixièmes sur un tour est elle une voie de travail déjà explorée ?
GP : La F1 a une politique anti-dopage stricte et chacun connaît les risques de combiner boisson et conduite. Logiquement, rien de tout ça ne peut avoir d’application en F1. Avoir une performance constante sur 70 tours demande un engagement extrême. Bien plus que celui d’un seul tour rapide.
Le seul stimulant que nous essayons de contrôler est naturel, c’est l’adrénaline qui agit à long terme. Nous pratiquons un échauffement des pilotes juste avant la course de façon à ce que leur niveau d’adrénaline soit déjà haut avant le départ. Il faut qu’ils soient très bien préparés pour le départ qui est une phase cruciale de la course.
C : Avant une course, est-il préférable « d’exciter » (mise en condition musculaire et mentale pour se préparer à la fureur d’un départ) ou de relaxer un pilote ?
GP : Quand je dois décrire l’état d’esprit, le mental qu’un pilote se doit de posséder lors d’un départ, il me vient souvent en tête la phrase « la vengeance est un plat qui se mange froid ». Ils doivent être intensément compétitifs et motivés mais également froids et analytiques avec un contrôle parfait de leurs émotions. Il faut que leur engagement soit total mais qu’ils soient capables de faire face à n’importe quelle situation en restant calmes et lucides.
[Cet échauffement mental d’avant course ressemble un peu à celui des skieurs qui « jouent » leur descente avant le départ. Les yeux fermés, les pilotes simulent des tours en reproduisant les gestes qu’ils réalisent effectivement en piste jusqu’à entrer quasiment en transe. Le pilote doit être dans la course avant l’extinction des feux.]
A suivre en partie 3. Le début de l'interview est à lire en partie 1.
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