Fin de l'interview de Gabriele Polcari, physiothérapeute de Renault F1.
Caradisiac : Quelles sont les séquelles physiques les plus fréquentes d’un pilote après un GP ?
Gabriele Polcari : Cela dépend des pilotes mais aussi des circuits. Le cou est la zone la plus sollicitée et tous ceux qui conduisent une F1 pour la première fois ont des soucis après la course. C’est encore pire si le circuit tourne en sens inverse des aiguilles d’une montre (comme au Brésil par exemple) alors que le reste de l’année, cela tourne dans l’autre sens. Ensuite, si la piste est bosselée ou s’il faut souvent escalader les vibreurs, le bas du dos devient vite très douloureux comme les genoux qui cognent très fort dans la coque. Parfois, ce sont les poignets qui sont endoloris mais de façon moins importante.
C : On parle du cou comme étant le muscle plus important en F1. Et le cœur ? Travaille-t-on à maîtriser le rythme, les émotions chez les pilotes de F1. Comment ?
GP : Le mental est très important en F1, mais il faut l’associer à une condition physique de haut niveau. Car si le cœur d’un pilote n’est pas capable de supporter un rythme de 160 p/mn sur une longue période, alors il perdra sa concentration, sa clairvoyance et pilotera moins bien. Nous travaillons en permanence sur l’amélioration de la vivacité mentale du pilote grâce à des exercices de concentration, de relaxation, et de respiration. Nous développons des logiciels destinés à améliorer le temps de réaction, la précision.
C : A quel type de sportif pourrait-on assimiler un pilote de F1 ?
GP : C’est une comparaison difficile à faire car la F1 est assez unique dans ses contraintes. Par certains côtés, il y a quelques analogies avec le tennis qui demande de garder une concentration optimale sur une longue période, avec en même temps des réflexes et une réactivité maximum. Comme les tennismen, le haut du corps est particulièrement important. Mais vous n’avez pas les mêmes temps de repos car en F1 l’effort est soutenu du début jusqu’à la fin. Mais en F1, le pilote est en position assise et on ne lui demande pas autant d’agilité. Je pense vraiment que chaque sport à ses particularités et que la F1 ne ressemble à rien d’autre.
La F1 est un sport dit passif dans le sens où il ne demande pas d’effort musculaire pour effectuer des mouvements mais plutôt de résister à des forces plutôt intenses. D’ailleurs, à ce propos, les FR et [F3 dont les directions ne sont pas assistées requièrent aujourd’hui plus de "muscles" qu’une F1 ! C’est une des raisons qui expliquent pourquoi, comparativement à leurs aînés, les jeunes générations sont tout de suite à l’aise dans une F1. Le pilote de F1 est d’ailleurs interdit de "musculation" au sens volumique et massif du terme ! D’une part, c’est du poids en plus dans la monoplace et d’autre part, prendre du muscle affecterait la réactivité et donc le temps de réaction, essentiel en F1. Il n’y a que les abdos qui sont vraiment travaillés.]
C : Pour vous, quelle est la caractéristique physique ou/et mentale la plus importante que doit posséder un pilote de F1 ?
GP : Physiquement, l’important c’est le cou. Il doit être fort, pour pouvoir piloter la voiture et garder sa concentration, mais aussi parce que si le pilote commence à balancer la tête assez violemment d’un côté puis de l’autre, cela peut perturber la circulation sanguine dans le cerveau et avoir des conséquences sur sa clairvoyance et donc son pilotage. Il faut que le pilote garde l’esprit clair afin de maintenir sa concentration le plus longtemps possible.
En aparté, sachez que les médecins constatent très souvent une [modification du bassin des pilotes. Ceux-ci, amenés dès leur plus jeune âge à piloter, voient leur corps prendre la forme du… baquet. Véridique.]
C : Que doit travailler un jeune qui débute pour progresser ? Quelle erreur ne pas commettre ? Quels sports éviter ?
GP : Il doit éviter de se blesser, comme tout jeune sportif, car c’est la cause la plus fréquente de l’abandon de carrière. Ils doivent évidemment travailler fort et être agressifs, mais pas excessivement. Et il faut s’accorder de bonnes plages de repos. Après ça, je pense que le message à donner est que le talent ne suffit jamais. Peu importe votre niveau, s’entraîner correctement vous permettra toujours de vous améliorer et d’être logiquement meilleur que celui qui ne s’entraîne pas.
C : Selon vous, quel est le domaine le plus étonnant ou/et enrichissant de votre travail sur les pilotes de F1 ?
GP : Le plus gratifiant pour moi est certainement lorsque les pilotes descendent du podium et qu’ils me disent merci pour leur avoir permis d’arriver à un tel résultat. Pour tous ceux qui sont impliqués dans le sport, la récompense ultime est toujours la victoire.
C : Durant votre carrière et dans votre domaine, quelle anecdote vous a le plus marqué ?
GP : Travaillant avec Heikki Kovalainen, j’ai été impressionné par la rapidité avec laquelle il a progressé intellectuellement durant sa première saison. Physiquement, il était bien préparé au début du championnat, mais j’ai été stupéfait par sa faculté d’apprentissage. J’ai été étonné de voir comment il a très vite réussi à transposer ses nouvelles connaissances dans sa façon de régler sa voiture et comment il a intégré tous ces nouveaux paramètres à son pilotage pour tirer le meilleur parti de sa monoplace.
L’aspect intellectuel requis par le métier de pilote de Formule 1 a été une grande surprise et une grande découverte pour moi.
Merci Gabriele Polcari. Rendez-vous en Mars 2008 pour la prochaine saison de Formule 1 !
Le début de l'interview est visible en Partie 1 et Partie 2.
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