Il faut regarder les choses avec froideur. Sébastien Loeb a sa carrière derrière lui quand Sébastien Ogier représente le futur. Le rôle d'un patron d'écurie est de faire gagner la marque qui l'emploie et donc de s'assurer d'avoir les meilleurs éléments sous sa coupe, ingénieurs, mécaniciens et pilotes. Après l'avoir testé l'an dernier, Olivier Quesnel a clairement fait le choix de désigner Sébastien Ogier comme futur successeur de Loeb lorsque Ford a mis le paquet pour s'attribuer ses services lors de l'intersaison. En lui garantissant tous les moyens pour se battre pour le titre, il lui donnait également les moyens de se battre contre Loeb, ce que fait Ogier probablement de façon plus efficace qu'attendu.

Seb1 et Seb2 sont sur un bateau


Et si Sébastien Loeb acceptait de défier Ogier en 2012  dans une autre équipe ?

Depuis quelques années, ses performances surnaturelles, ses titres et le statut de sportif préféré des français ont fait que Sébastien Loeb s'est peu à peu émancipé du moule Citroën dans lequel il a été formé. Sébastien Loeb n'est pas un pilote Citroën, il est Sébastien Loeb. C'est un juste retour des choses pour le meilleur pilote que le rallye moderne ait connu. Mais Citroën n'a plus guère de prise sur lui, on ne dicte pas à un septuple champion du monde sa façon de piloter, on ne lui donne pas non plus de consignes comme l'intéressé l'expliquait si bien lors d'un rallye du Mexique où malgré les demandes officieuses de son équipe pour assurer le doublé derrière Ogier, il a continué à pousser jusqu'à envoyer le « frais » Ogier à la faute.


« C'était difficile à gérer au niveau de l'équipe, mais on essaie toujours de gagner. Je suis payé pour me battre et gagner, on ne remporte pas un championnat en faisant des cadeaux. Si on arrête la bagarre, que je reste derrière, je lui donne deux fois sept points, ceux qu'il prend et ceux que je ne prends pas. Ça fait 14 points, et s'il gagne le championnat pour dix points, il m'invitera au resto pour me remercier. »


Ogier sait pertinemment que son équipe veut de lui qu'il soit à la hauteur de Loeb, c'est pour lui le seul moyen de s'assurer que Citroën n'ira pas chercher un remplaçant à Loeb ailleurs

La tableau 2011, c'est Loeb qui l'a planté ce jour là. La seule consigne d'équipe que peut accepter « Seb1 » est celle d'être à l'arrivée. Point. C'est une attitude de champion, on ne devient pas une légende du rallye autrement et il n'y a rien de scandaleux à ça. Pas plus qu'il y en a en voyant Ogier en faire de même.


Car le problème est que Sébastien Ogier est de la même trempe, sauf que lui à tout à prouver. Pour cela, il s'inspire de ce qui se fait de mieux dans le milieu et donc de Loeb, comme on le constate avec ses notes, un système emprunté à la technique développée par son chef de file. Il faut bien comprendre qu'avec l'exemple des Duval et Sordo en tête, Ogier sait pertinemment que son équipe veut de lui qu'il soit à la hauteur de Loeb, c'est pour lui le seul moyen de s'assurer que Citroën n'ira pas chercher un remplaçant à Loeb ailleurs. Son seul objectif est donc de se battre contre Loeb, donc de se battre pour le titre. Et comme le dit si bien son « modèle » : « on ne gagne pas en faisant des cadeaux. » Une possibilité lui a été offerte lors du dernier rallye de Grèce, il l'a saisie et en a fait le meilleur usage. Quesnel a joué fin car le retour de Hirvonen, quatrième sur la route, était bien réel mais au final, il réussit comptablement sur toute la ligne. Au général, Ogier se rapproche de Hirvonen et Loeb accentue encore son avance sur le finlandais.

Mais la tension est encore montée d'un cran.


Le troisième égo à gérer, c'est celui de l'équipe Citroën


Dans ce combat d'égo, Olivier Quesnel doit gérer au mieux les intérêts de Citroën et faire en sorte que la rivalité inévitable entre ses 2 poulains ne desserve pas l'équipe au championnat. C'est l'élément qui risque de pourrir le duel entre les 2 Seb et monter les supporters les uns contre les autres. L'intensité va grimper et tant que le titre Constructeurs ne sera pas acquis, il n'y aura pas de totale équité. À cela, on ne peut rien faire et ça n'est pas propre à Citroën. Les susceptibilités vont aller grandissantes au fur et à mesure que la saison se rapprochera de son terme et si l'un des deux pilotes Citroën ne prend pas définitivement l'avantage sur le second dans les prochains rallyes, on se prépare une fin de saison au couteau en interne !


Tout ceci pour expliquer que comme Ron Dennis l'a vécu en enrôlant Ayrton Senna alors qu'il disposait déjà du meilleur pilote de l'époque (Alain Prost), vouloir faire cohabiter 2 caractères de champion sous le même toit provoque inévitablement des frictions. Et c'est là où je souhaitais en venir en débutant ce papier, une telle intensité ne peut durer éternellement et cela se termine obligatoirement par le départ de l'un ou l'autre des protagonistes. Et au cas où la saison se termine à l'avantage d'Ogier (un Loeb vainqueur cette année prendra probablement sa retraite du WRC), on peut imaginer un scénario déjà vu par le passé, les accrochages en piste en moins :


Puisque Loeb a clairement dit que Citroën avait choisi Ogier comme n°1, qui l'empêchera d'aller chez Ford en 2012 comme Prost le fit en signant chez Ferrari en 1990 ?


C'est avec l'orgueil des champions qu'on fait l'encre qui écrit les légendes ......