Le Team Les Galapiats est une association créée en 1974, basée à Grenoble. Elle a pour but de faire construire des répliques de voitures de course ("F1" ou "protos Le Mans") à des enfants. J'ai passé un après-midi complet en leur compagnie afin de connaître le fonctionnement de leur association mais aussi ce qui pousse tous ces jeunes et moins jeunes à passer autant de temps dans cet atelier.
Les Galapiats, j'en avais entendu parler il y a longtemps quand j'étais gamin. De nombreux reportages télé ou papier ont régulièrement gravé l'image des Galapiats dans mon esprit. Et le destin aidant, mon appartement de Grenoble se trouve à 300 mètres de leur actuel "garage". Je n'avais jamais osé aller voir mais, il y a 2 semaines, l'attirance a été plus forte et j'ai pris contact avec eux par l'intermédiaire de leur site internet. Rendez vous est pris pour une visite guidée le samedi 18 novembre à 13h45. Je me rends tout joyeux muni de mon bloc note et de mon appareil photo. La rue dans laquelle se trouve l'atelier ne paye vraiment pas de mine. De dehors, j'entends déjà des bruits de meuleuses, de postes à souder, de clés qui s'entrechoquent, mais quand je franchi la porte, la vision est sur-réaliste : un petit bout d'1m50 est en train de souder 2 morceaux de tube, un autre est occupé à poncer un élément de carrosserie, tandis qu'une jeune fille meule une partie de châssis. Alors que l'atelier ressemble à n'importe quel beau garage auto, le personnel qui travaille dans celui-ci n'est fait que d'enfants, bien entendu sous couvert de quelques adultes.
C'est Jean-Louis, un bénévole, qui m'accueille, très vite rejoint par Alexandre Pujols, un ancien Galapiat employé par l'association pour assurer sa gestion et diriger son fonctionnement. Mais un jeune vient le trouver pour un souci sur une voiture et le voilà déjà reparti. Ca grouille dans tous les sens puis, à 14 H, rassemblement général dans la salle de réunion et de repos pour faire le point sur le travail de l'après-midi. Après le pointage, les 25 enfants présents écoutent attentivement Alexandre qui leur explique que des travaux de mise en conformité de l'atelier vont commencer : installation d'un vestiaire et d'un local pour le stockage des matières dangereuses. La petite réunion se termine par un point sur le travail de chacun. Kévin doit finir les basculeurs avec Victor. Pour Baptiste, il devra terminer les prises d'air sur une carrosserie. Moi qui ne suis pas mécanicien pour 2 sous, j'ai l'impression que tout le monde parle chinois. Mais pour eux, rien que du normal et tous les jeunes rejoignent leurs postes de travail sans sourciller. L'atelier est ouvert le mercredi après-midi, le samedi toute la journée ainsi que pendant toutes les vacances scolaires. Cela permet à l'équipe de pouvoir fabriquer, préparer et réparer les voitures en vue des nombreux rassemblements et animations prévus dans l'année. Le Team est composé d'une quarantaine d'enfants qui pour les plus jeunes d'entre eux ont 10 ans. Ils sont accompagnés et encadrés par une quinzaine d'adultes, tous plus passionnés les uns que les autres.
Ca y est, le mot est lancé : Passion. C'est ça qui anime aussi bien les enfants que les bénévoles. Ils ont tous la passion des voitures, de la mécanique mais aussi de la conduite qui n'est que l'aboutissement de tout le travail préparatoire. La première question qui me vient à l'esprit est de savoir comment ils sont arrivés là. Pour Philippe, tourneur fraiseur, il a intégré les Galapiats à 24 ans, après être tombé par hasard sur un article dans Mickey Magasine. A 45 ans, il est toujours là, avec son expérience acquise plus jeune au sein d'une société de préparation de voitures pour la compétition. Las des voyages à répétition, il a intégré Les Galapiats pour apporter ses connaissances techniques. Jean-Louis, retraité du nucléaire, est bénévole depuis 3 ans. Lui est arrivé sans trop connaître la mécanique. Il a tout appris au sein des Galapiats et est maintenant spécialiste dans la réalisation des masters en mousse puis des moules pour fabriquer les carrosseries.
Le point commun de tous, c'est le hasard qui les a amenés là. Et c'est la même chose pour les enfants : Florian a découvert le Team lors du 30e anniversaire. Pauline a suivi son frère et Kévin à vu un reportage à la télé. L'amour de la mécanique et des voitures a fait le reste. Vu de l'extérieur, tout semble facile. « Il a fallu et il faut toujours un gros travail de fond pour en arriver là » m'explique Yves Anelli, actuel Président de l'association.
Commence alors la visite guidée des 800 m² de l'atelier mis à disposition par la Ville de Grenoble. On commence par le coin de fabrication des masters. C'est ce qui permet de voir la voiture finale en volume mais aussi de faire les moules, qui eux-mêmes serviront à fabriquer les carrosseries. C'est Jean-Louis qui m'explique la méthode de travail. Il a même conçu une machine afin de découper la mousse pour les masters. Les enfants collent la fibre pour solidifier le tout, poncent, ajustent. Dans la pièce, le master en cours est celui d'un concept-car. Je suis au milieu d'un vrai bureau d'étude. « Mais complètement » ajoute Yves. « Nous testons actuellement des montages composites en vue de la réalisation de châssis plus léger et tout autant solide ». Jean-Louis me montre les différents essais et ajoute « d'anciens Galapiats sont maintenant intégrés au sein de bureau d'étude au niveau industriel. Ils utilisent et maîtrisent ces nouveaux matériaux et n'hésitent pas à nous transmettre leur savoir. C'est ça aussi l'intérêt des Galapiats. Nous évoluons en permanence. Et puis nous nous permettons quelques fantaisies comme la twingo qui nous sert de safety car" Philippe qui passe par-là ajoute que c'est justement ça qui le motive à rester aussi longtemps en tant que bénévole « avoir de nouveau objectifs, évoluer, partir de rien et aboutir à un nouveau modèle » Il entreprend de m'expliquer les différentes évolutions. Les premiers modèles étaient motorisés par des moteurs Honda de 250 et 350 cm³. Mais le manque de couple rendait les démarrages un peu difficiles à gérer par les apprentis pilotes. C'est pourquoi il a été décidé d'utiliser des moteurs de voitures. Même puissance avec plus de couple, c'est le moteur de la 2 CV qui a été monté sur les châssis. « mais le surplus de couple tordait le cadre. Il a fallut trouver de nouvelles solutions. 6 ans plus tard, nous sommes arrivés à presque faire de la série tellement l'ensemble était fiable ». « Nous avons donc décidé d'intégrer un moteur à 4 cylindres » reprend Yves. « Nous avons dû adapter les différents périphériques, mais aussi des barres stabilisatrices pour renforcer le tenue de route. En 2003 et après 9 mois de travail, nous sortions le 1er modèle ». Les prochains modèles seront aussi motorisés par un moteur de voiture. En effet, Toyota France a récemment offert 7 moteurs neufs de Yaris, tout droits sortis des chaînes de Valenciennes. Il a fallu repartir d'une feuille blanche. Je demande alors qui a réalisé les dessins et plans : un adulte ? « non non » m'explique Jean-Louis, « c'est Vincent, un jeune. Ah tiens, Vincent, vient voir ! » Je vois se pointer un jeune homme de 17 ans, PC sous le bras. Il a passé des centaines d'heures pour dessiner sur son ordinateur les plans du futur modèle. Depuis octobre 2004, il a réalisé 5 ou 6 modèles. De nombreuses réunions ont permis d'aboutir à un modèle unique. Quand je vous dis que ces gamins sont bluffant. A 15 ans, partir de rien et concevoir un châssis en intégrant un moteur dedans, je dis « chapeau ».
La visite continue par l'atelier carrosserie mais cette fois pour la partie préparation avant-peinture. C'est Noé qui me guide. Ancien galapiat, à aujourd'hui 20 ans il maîtrise parfaitement le métier. L'échelle des carrosseries équivaut à peu près au 2/3 d'un modèle réel. C'est donc de grosses pièces en composite qu'il faut manipuler pour les mettre dans la cabine de peinture. Une fois dedans, tout est possible pour coloriser un véhicule. Réplique de la "F1" d'Alonso ou proto aux couleurs d'un partenaire, les Galapiats sont capables de tout faire comme les pros. Je me dirige maintenant vers la zone de travail sur les parties cycles. Mais j'aperçois Florian en train de changer un nez de "Formule 1". Clé Allen de 5 dans les mains, il n'en a pas pour longtemps à démonter et remonter le nez de la "Ferrari répliqua". Un petit souci le retarde un peu mais un appel à l'aide à un adulte et le problème est réglé. C'est cet échange permanent entre adultes et enfants qui est la colonne vertébrale de l'association. Personne n'est avare de conseils et tous les problèmes sont vite résolus. Je crois que parmi tous les présents cet après midi, Florian est celui qui m'a semblé le plus exprimé son plaisir d'être ici. Si vous aviez vu les étincelles qu'il avait dans les yeux en me parlant de son travail. Il a bientôt 2 ans de Galapiats derrière lui et s'occupe principalement de la maintenance des véhicules. Ses motivations pour entrer dans le Team « à 4 ans, je démontais déjà des petites voitures. J'adore la mécanique et je rêve de devenir pilote. Quand j'ai découvert l'équipe lors de leur 30e anniversaire, j'ai dit à ma maman : inscris-moi ». Peu de temps après, son 1er rêve devenait réalité. Et des rêves il en a plein la tête. Mais il en a aussi réalisé : rouler sur le mythique circuit des "24 Heures du Mans", et celui de Formule 1 de Nevers Magny-Cours. Nombre de grands pilotes aimeraient déjà avoir le même palmarès. Quand je lui demande quel est son meilleur souvenir, les étincelles que je voyais se transforment en flamme. Sans aucune hésitation et le plus spontanément du monde il m'annonce que la 1ère fois qu'il a roulé au Mans a été magique. « J'ai été très ému quand je suis entré sur la piste. Etre au volant de sa voiture sur le plus grand circuit du monde et rouler sur les traces des corvettes pendant 2 tours... » Je sens qu'il a du mal à trouver les mots « ...et puis ce frisson quand on sort des voitures sur la ligne d'arrivée devant tout ce public. Des copains n'osaient pas se tourner face aux gens tellement ça fait du bruit ». Le voilà parti dans des grandes explications. « Quand on est sorti des voitures, un adulte est venu me voir en me demandant si c'est moi qui pilote. Il croyait que c'était télécommandé. Alors je lui ai montré que non, que c'est bien moi qui conduisais ». Son prochain rêve à Florian : conduire une "4 cylindres" plus puissante. Il devrait très vite le réaliser puis il en trouvera un autre. Mais le devoir l'appelle, le voilà reparti vers une nouvelle opération. Je m'amuse à le voir aussi heureux. Le bruit d'une disqueuse me fait reprendre mon travail. C'est Pauline qui meule une partie de châssis. Etudiante en terminale L, elle est venue chez Les Galapiats pour l'ambiance (son frère y est passé avant et est devenu encadrant) mais aussi parce qu'elle adore souder. Le team est principalement masculin mais 3 jeunes filles complète l'équipe des enfants. Malgré quelques appréhensions au début, Pauline, Emeline et Malika me disent que les garçons les ont très bien intégrés et que tout se passe très bien. Mais il faut avancer, Pauline rechausse ses lunettes, remet la disqueuse en route pendant qu'Emeline retourne au changement d'une durit d'embrayage. C'est qu'il y en a de la maintenance à faire sur ces petits bolides pour qu'ils soient près à rouler lors des manifestations. C'est une autre des motivations de ces gamins. Rouler sur des circuits mythiques mais aussi rencontrer des pilotes connus et reconnus. Vincent, tout en préparant un moteur sur le banc en vue des tests, m'explique qu'il a rencontré Alain Prost au début 2006. « Il est venu lors d'une manche du "Trophée Andros". Il a visité l'atelier en nous disant qu'il retrouvait l'ambiance des écuries de course des années 70. Il est super sympa et c'était vraiment un moment magique ». Mais Prost n'est pas le seul à être passé ici. Olivier Panis rend également régulièrement visite aux Galapiats puisqu'il est le parrain de l'association depuis 1993. Victor acquiesce par un signe de la tête. A 14 ans, et après 3 ans en mécanique, il a acquis suffisamment de connaissances pour maintenant apprendre aux plus jeunes. Il explique donc à Maksis, 12 ans, et à Ludovic, 13 ans, les rudiments de la mécanique moteur. Et je peux vous dire que ces deux là en connaissent un rayon aussi « ce que l'on fait là, bah en fait, on rôde les soupapes. Comme ça chauffe, ça s'use, alors on remet un peu de pâte. Après, la soupape, elle vient se fixer sur le ressort pour l'ouvrir ou la fermer ». Je tombe des nues : ce môme de 12 ans est en train de me donner une vraie leçon de mécanique. Ce qui les animes : « On peut faire ici ce que d'autres jeunes ne peuvent pas faire. C'est aussi ça qui nous motive. Et puis on apprend à conduire, ce sera plus facile pour le permis ». Derrière moi, je retrouve Florian, vous savez celui avec les étincelles dans les yeux. Il est en train de faire visiter l'atelier à un papa et son fils. Un futur Vaurien (Galapiat : petit vaurien, vagabond, terme souvent utilisé dans le sud de la France pour désigner un enfant un peu turbulent... (dictionnaire Larousse) ? Sans doute, car quand on entre dans cet atelier et que c'est Florian qui fait la visite, on ne peut pas ressortir sans la folle envie de faire partie de l'équipe. Il connaît tous les recoins, les techniques, le fonctionnement et donnent toutes les explications pour enivrer n'importe qui (et moi le premier). Mais revenons à la conduite ! En voilà un autre maître mot chez Les Galapiats. Même si la conduite n'est pas une fin en soit pour l'association, je sens bien que pour les enfants, c'est une récompense de tout leur travail. Apprendre dans un premier temps afin de devenir autonome et rouler seul sur les circuits « ça reste gravé dans nos mémoires, c'est inoubliable », m'explique Kévin. Il a fait 3 fois "Le Mans" et même s'il arrive qu'il rate un peu l'école pour cela « c'est pas grave, c'est trop bien d'aller sur les circuits ».
« Mais pour avoir le droit de rouler, il ne faut pas prendre un drapeau noir ». Je me retourne et fait la connaissance de Bruno, un bénévole de 61 ans devenu un peu le « monsieur sécurité ». Comme tous, c'est le destin qui l'a conduit jusqu'ici. Un après-midi, une rencontre avec un Galapiat voisin d'un ses amis et le voilà lancé dans l'aventure. La première chose qu'il a instauré ici, c'est le casque anti-bruit et les lunettes de protection : la sécurité avant tout. « Et si un jeune ne le porte pas, il prend un drapeau jaune ». Au bout, de 3 drapeaux jaunes, c'est le drapeau noir. Et qui dit drapeau noir, dit interdiction de conduite. La sécurité, dans un atelier comme celui-ci est très importante. Quand un jeune soude ou perce, il ne faut pas faire n'importe quoi. « on est très à cheval là dessus ». J'ai maintenant fait le tour de tous les ateliers, je relève la tête en direction de la porte et je m'aperçois qu'il fait nuit. Je regarde ma montre, il est déjà 18 H. Plus de 4 heures que je suis ici et je n'ai pas vu le temps passer. J'ai vraiment été impressionné par tous ces jeunes qui travaillent d'arrache pied (certaines soirées durant, quand il faut préparer les voitures pour un rassemblement) pour vivre leur passion de la mécanique. Je quitte l'atelier plein de souvenirs. Derrière moi, j'entends toujours les clés s'entrechoquer. Dans une heure ou deux, ou même trois, les portes se refermeront en gardant bien au chaud, la passion et le bonheur de tous ces acteurs. Promis, je reviendrai vous voir Les Galapiats.
Avec l'aimable autorisation du Team Les Galapiats pour l'utilisation de leur photos
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