Cette Lamera, je l’avais bien sûr déjà vue. Pas fou. Je n’allais pas accepter de participer à une course auto sans voir la bête. Je suis allé sur le site de la Lamera Cup quelques secondes seulement après que Wilfried Merafina, le fondateur de la Lamera Cup, m’a fait cette proposition au téléphone.
Spontanément, je l’ai trouvée belle, racée, mais pas intimidante malgré la présence des portes en élytre. Alors banco, j’ai dit oui. Moi le conducteur urbain de petites citadines de quelques dizaines de chevaux, je vais me retrouver au volant d’un bolide de 300 chevaux et de 900 kg ! Moi qui n’ai quasiment pas posé les roues sur un circuit depuis ma participation à un volant Elf Winfield au Castellet il y a plus de vingt ans, je vais devoir m’attaquer au circuit de Nogaro.
Je suis confiant, excité à l’idée de passer une « combine », un casque, des gants. Bref, je suis à deux doigts de me prendre, par anticipation, pour un pilote. En tout cas, jusqu’à ce vendredi 12 juin. En arrivant ce jour-là sur le circuit, j’ai un mauvais pressentiment en découvrant les camions installés à l’arrière des stands. Trop grands, trop pros pour héberger des écuries et des pilotes amateurs. Manifestement, on n’est pas là pour s’amuser et je n’ai peut-être pas pris en compte tous les paramètres avant de confirmer ma participation.
Cette Lamera a tous les attributs d'une véritable voiture de course
Mes inquiétudes se confirment lorsque j’entre dans les stands et que je découvre, cette fois « pour de vrai » la Lamera. Elle est devant moi, portes relevées, si bien que je peux observer l’habitacle : siège baquet, harnais, une console centrale avec plein de boutons etc. Bref, cette Lamera a tous les attributs d’une véritable voiture de course. Je ne me vois pas du tout faire les essais libres, les essais qualifs et participer à cette course d’endurance de onze heures en deux jours ! « Que croyait-il ?» allez-vous dire, « Quelle naïveté ! », « Eh oui, une voiture de course, ça ressemble un peu à une voiture de course ». Vous n’y êtes pas. Je peux vous assurer que ça ne fait pas le même effet d’observer avec passion une voiture de course dans un salon professionnel et de savoir que vous allez passer des heures dans ce cockpit surchauffé !
Comment ai-je pu croire que tenir le volant d’une voiture au sein d’une meute qui fonce à 200 kilomètres/heure au bout d’une ligne droite avant de freiner le plus tôt possible allait être une promenade de santé ! J’ai la réponse. Et le coupable, bien sympathique en réalité, se nomme Wilfried Merafina. Tout est de sa faute. Je l’entends, insistant, pour me convaincre : « La Lamera Cup est la seule course qui permet à des amateurs de participer en toute sécurité au même championnat que des pilotes professionnels. Vous bénéficierez des mêmes infrastructures, vous prendrez le même départ et vous serez soumis aux mêmes règles ». D’emblée, c’est cette démocratisation de la course auto qui m’avait séduit. Je me souviens lui avoir répondu que les pros allaient me mettre dix secondes au tour et que j’allais être une chicane mobile. « Pas de problème : ils sont habitués et surtout, vos voitures portent une plaque d'immatriculation gentleman qui permet de vous identifier ».
La Lamera Cup au circuit de Nogaro. Au premier plan, la voiture de l'équipe du journaliste de Caradisiac
Luc Ferry à l'entraînement avant le Castellet
Je n’en suis pas là. Les essais libres vont commencer et on m’invite à me rendre dans le « motor-home » (c’est à cause de ce type de vocabulaire qu’on finit par se la jouer) pour me changer. Je ne suis pas seul dans cette aventure. Luc Ferry, l’ancien ministre de l’Education, dont on connaît la passion pour l’auto, est aussi à Nogaro pour Car Life Magazine. Il est venu pour les essais libres mais participera à la course du Castellet les 18 et 19 juillet. Son comportement, pas beaucoup plus « gaillard » que le mien (dirait-on dans le sud-ouest) me réconforte. Je ne suis pas le seul à craindre cette course sans entraînement préalable.
Les mécaniciens et l’organisation doivent connaître l’appréhension des amateurs. Il s’agit de m’empêcher de réfléchir. Je me retrouve harnaché – c’est bien le mot - dans l’auto, assis aux côtés de Wilfried Merafina pour quelques tours de reconnaissance. Ça va vite. Très vite même. Quinze minutes plus tard, je sors blême de La Lamera, avec un mal de ventre pas possible. Je fais une pause. J'ai besoin d'un peu de relaxation pour me retrouver avant de partir cette fois seul au volant pour les essais « qualifs ».
Dès les premiers tours de roues, l’inquiétude, sans totalement s’estomper, fait place à des sensations de plaisir. L’accélération et le freinage, puissants, sont impressionnants. La Lamera est presque rassurante pour un novice. Petit à petit, je me surprends même à retrouver des sensations oubliées : freinage, point de braquage, point de corde, point de sortie, les gestes appris à l’école Winfield reviennent comme des automatismes. Je pourrais presque me faire plaisir si, comme on dit dans les paddocks, je n’étais pas obligé de conduire au rétro, c’est-à-dire d’avoir en permanence un œil dans les rétroviseurs pour anticiper les dépassements. Dans ces conditions, pas de chrono extraordinaire. Et ce sont mes deux coéquipiers « gentlemen » mais expérimentés, Jérôme de France (France Toner) et Emmanuel Charles (Plast Moulding), qui vont qualifier la voiture pour la première course et n’auront de cesse pendant tout le week-end de m’encourager. Nul doute que cet esprit d’équipe fait partie de l’ADN de la Lamera Cup.
Bien regarder dans les rétros quand les gentlemen sont poursuivis par les pros !
Début de la course. Je préfère laisser les deux premiers relais à mes coéquipiers et je me prépare à prendre leur suite. Là aussi, on s’y croirait. On n’est certes pas aux 24 Heures du Mans, mais c’est une vraie course d’endurance. Les relais en témoignent. L’un des mécaniciens expulse le pilote en place avant de m’engouffrer dans la voiture. On m’attache pendant que je vois un homme casquer faire le point et un dernier égrener les secondes me séparant du départ. Surtout, ne pas caler. Et c’est parti pour trente minutes... et un peu plus de 15 tours.
Les tours s'enchaînent et le plaisir du pilotage s'impose
Immédiatement, j’ai l’impression d’avoir la tête dans un shaker. Les pilotes chevronnés me doublent facilement, d’autres pas. C’est bon signe d’autant que je vais prendre de l’assurance au point de faire deux tête-à-queue qui me feront sortir de la piste. Au moins, j’aurai essayé de dépasser mes limites… L’appréhension a totalement disparu. Hier, je voulais quasiment quitter le circuit. Aujourd’hui : je double mêmes quelques voitures ! Sur le tableau de bord, je vois mes temps au tour qui défilent. Je parviens à m’améliorer. Dans mon cerveau, c’est la tempête. Il ne se souvient que de quatre mots : freinage, braquage, corde, accélération. Virage après virage, toujours le même et seul vocabulaire : freinage, braquage, corde, accélération…
Un double relais sur un nuage…
Mes leitmotivs en tête, plus rien d’autre n’existe. Le temps, même, se dilue. Seule la chaleur me ramène un peu à la réalité, me sort de mon tourniquet infernal mais excitant. J’enchaîne les tours sans compter, et j’étouffe : il doit faire près de 50° dans la voiture. Au passage devant les stands, je tourne la tête et je vois les mécanos de l’équipe me faire signe de rentrer au stand. Tant mieux, je n’en peux plus. Encore un tour et j’entre dans les stands. Devant les box, une seule équipe en position pour le changement de pilote, la nôtre. J’arrive, je stoppe le moteur et sors de la Lamera sous les applaudissements bienveillants de l’équipe. Les deux autres pilotes, Jérôme de France et Emmanuel Charles, me donnent une tape amicale dans le dos en souriant. Tout cela est bien sympathique, mais je m’interroge sur les raisons de cet accueil chaleureux. Et je comprends tout à coup que j’ai fait en réalité un double relais. J’ai roulé une heure au lieu de trente minutes, sans m’en rendre compte ! C’est dire à quel point je n’étais pas lucide, mais ça met également en exergue le plaisir que j’ai eu à piloter. Et c’est sans doute cela le miracle Lamera, c’est la capacité qu’a cette course atypique à donner de l’assurance à des néophytes, à leur faire partager des sensations fortes sur circuit, à les faire se dépasser, et à leur faire découvrir tout un univers que l’on ne croyait accessible qu’aux seuls pilotes professionnels.
Le journaliste de Caradisiac (à gauche) avec ses coéquipiers Jérôme de France et Emmanuel Charles. Au final, sur 20 participants, notre Lamera, la numéro 28, finira à une honorable douzième place tandis que le team Car Life Magazine l’emportera.
La Lamera Cup en bref
Les circuits - Navarra (Espagne), Nogaro, Lédenon, Castellet, Val de Vienne, Barcelone (Espagne), Dijon.
Le moteur – Moteur Ford 5 cylindres turbo en ligne – 2 500 cm3 – 890 kg – 300 chevaux
Le tarif – 22 000 euros HT la saison Moins de 3 000 euros HT la course
Reportage photos : Nico Gomez
Prochaine course : Le Castellet – 18/19 juillet 2015
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LaurentZ06, L'un des membres du Club Cara, a participé en 2014 à une course de la Lamera Cup. Il était coaché par notre pilote maison Soheil Ayari qui cette année encore encadre une équipe de gentlemen.
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