Ce n'est pas moi, c'est Vicki Butler Henderson, la délicieuse présentatrice de l'émission britannique Fifth Gear, qui l'a dit en se confiant au Times. La première fois qu'elle a conduit une supercar reste la voiture de ses rêves. C'est avec émotion qu'elle se rappelle de cette soucoupe roulante jaune et rugissante se frayant un chemin à travers les grilles de l'usine de Sant'Agata, en Italie. C'était à l'époque la voiture la plus rapide en vente, la Lamborghini Diablo GT. Seulement 83 exemplaires avaient été construits, et on lui avait donné les clés pour s'amuser avec l'un d'eux sur la piste d'essai de la marque. Capable d'atteindre 340km/h, elle avait un V12 6.0l de 575ch et un prix à peine inférieur à la barre des 300 000€. Mais ce qui faisait surtout de la GT une voiture très particulière, c'est qu'elle a marqué la fin d'une ère pour les supercars, et surtout pour Lamborghini. C'était effectivement la toute dernière Lamborghini à être assemblée à la main, juste avant que la marque ne soit absorbée par Volkswagen.
A cette époque, les supercars n'étaient pas construites en imaginant que des femmes pourraient se mettre à leur volant. Il fallait d'abord être gymnaste pour monter à bord, le confort était digne d'un canapé en marbre, l'embrayage était dur comme un parpaing, le changement de vitesse nécessitait un bras d'haltérophile allemand, et leurs conducteurs préféraient les abandonner au milieu de la rue plutôt que de tenter de réaliser un créneau. Deux fois plus large que haute, avec un nombre d'entrées d'air et d'ailerons à faire pâlir d'envie un avion de chasse, la conduire à travers les pourtant habituées villes de la Toscane ne manquait pas de provoquer à chaque fois un large attroupement.
Etre à son volant était non seulement éprouvant physiquement, mais nécessitait aussi votre totale attention tant que les énormes jantes tournaient. Un clignement d'œil au mauvais moment et le camion vous croisant pouvait être redécoré de morceaux de carbone et de pistons de V12. C'était une voiture qui exigeait qu'on la pousse à ses limites, tout en n'hésitant pas à vous mordre si vous essayiez. Les supercars d'aujourd'hui sont très différentes et peuvent être conduites par la plus fluette des femmes. Vicki l'avait d'ailleurs prouvé l'année dernière en mettant sa propre mère au volant d'une Murcielago sur un circuit.
Prenons par exemple la Bugatti Veyron. C'est la voiture la plus rapide du monde, et elle ferait manger la poussière à la Diablo GT sans transpirer. Mais elle est aussi docile qu'un jeune labrador. D'accord, le conducteur ne profite pas d'une grande visibilité arrière et son moteur ne peut cacher un certain penchant pour la boisson. Mais à part ça, vous pourriez tout à fait l'utiliser pour aller au supermarché. On reprend : 16 cylindres, quatre turbos, 1001ch soit bien plus qu'une Formule 1, deux tonnes, 7 vitesses, 2.5s pour atteindre les 100km/h et 400km/h en pointe... mais aucune raison pour ne pas y mettre votre chargement de course hebdomadaire. Pour comparer, la Diablo GT n'a ni rétroviseur central, ni même un coffre. Pas de vitesses au volant non plus et encore moins d'aide à la conduite...
La mode pour des supercars faciles à vivre commença avec les japonais dont la volonté était de créer quelque chose d'aussi rapide qu'une Lamborghini mais aussi facile à conduire qu'une Honda Civic. Ainsi naquit la NSX, développée par Ayrton Senna et considérée comme la supercar la plus conduisible jamais assemblée. Elle était si facile à conduire et si fiable, que vous n'aviez pas besoin d'un autre véhicule pour tous les jours. Vous pouviez mettre une valise dans le coffre sans devoir laisser la roue de secours à la maison, vous pouviez rouler confortablement et dans le silence sur autoroute, l'embrayage était suffisamment léger pour ne pas rendre cauchemardesque le moindre embouteillage et la visibilité était suffisante pour faire un créneau facilement.
Depuis la NSX, beaucoup de chose ont quand même changé. A l'époque, 280ch était une puissance tout à fait respectable, mais maintenant vous pouvez trouver des descendantes des GTI de cette puissance. En 2006, aucune supercar n'a moins de 500ch : Lamborghini Murciélago, Mercedes-Benz SLR McLaren, Koenigsegg CCR, Pagani Zonda . . . Ces voitures ont des puissances si extraordinaires qu'elles nécessitent quand même toute votre attention mais c'est l'électronique qui lutte pour garder la voiture sur la route, pas vous. Vicki se rappelle toutefois d'une supercar moderne qui se comporte comme une ancienne, l'Aston Martin Vanquish S, qui est tombé en panne deux fois entre ses mains alors qu'elle tentait de vérifier sa vitesse maximum.
« Alors qu'une équipe de tournage filmait pour l'émission Fifth Gear, je m'étais glissé dans le siège, avais démarré le V12 6.0l, et engagé le premier rapport avant d'accélérer d'un pied lourd en braquant à gauche... et plus rien. La seule chose à avoir décollé était la courroie de distribution. Ce n'était pas trop ce à quoi je m'attendais. Je fais ça tous les jours dans ma Honda S2000 à 35 000€ mais l'Aston à 200 000€ ne semblait pas d'humeur. Des mécaniciens d'Aston furent spécialement dépêchés par hélicoptère et diagnostiquèrent qu'une pierre quelconque avait dû heurter la courroie. Le tournage reprend et je répète ma manœuvre... Je tente en tout cas, puisque le même problème se répète. Pierre quelconque, mes fesses. »
L'hélicoptère revint donc et les mécaniciens conclurent que la Vanquish n'était tout simplement pas faite pour être conduite de cette façon, le moteur pliant ses silent-blocks et rejetant la courroie par la même occasion. Ce genre de problème mécanique de nos jours est plus une exception qu'une règle.
Tout ça pour arriver à la conclusion que le cœur de Vicki n'appartient qu'à une seule voiture, celle qui positionne la qualité du conducteur avant l'efficacité des aides : la Lamborghini Diablo GT.
Source : Times On Line
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