Vous savez comment on éteint l'incendie d'un puits de pétrole ? Non ? Je vous explique, avec un exemple tout frais.

Tenez, au hasard, l'incendie géant qui ravageait la réputation et les bénéfices de Volkswagen : le scandale de la triche au NOx. Des semaines, qu'on ne parlait que de ça : amendes records, ventes en baisse, bénéfices dévorés, rappels en cascade, enquêtes gouvernementales…

Le 4 novembre, ça empire encore avec de nouveaux aveux : non content de nous polluer les bronches avec des moteurs émettant vingt ou trente fois plus de Nox qu'autorisé, le constructeur au triple V annonce, sans qu'on lui ait rien demandé, avoir faussé les mesures d'émission de CO2 de quasiment un million de voitures. Et hop, l'incendie repart dans les médias.

 

Truquer les émissions de CO2, tous les constructeurs le font


Étrange cet aveu… Car bidouiller les tests de consommation (et donc les chiffres d'émissions de CO2), c'est un grand classique, quasiment un minimum syndical, une figure imposée. Batterie chargée à bloc pour soulager l'alternateur, pneus surgonflés, huile bien plus fluide que celle préconisée et même ruban adhésif sur les ouvrants pour améliorer l'aérodynamique, tous les constructeurs font cela. Un secret de polichinelle, un peu comme si j'avouais à ma femme que c'est moi qui ai fini la boîte de chocolats.

C'est ainsi que d'année en année l'on voit augmenter la différence entre les consommations réelles de nos voitures et celles annoncées par les constructeurs. C'est même ce qui explique que la consommation de carburant en France et dans la plupart des pays européens stagne, alors que les consommations "théoriques" ont fondu de 25 % en 20 ans et que les parcs automobiles ne grossissent plus.

Bref, pas de quoi fouetter ein techniker. Le trucage des consommations, même Madame Michu est au parfum et ne s'étonne pas que sa Clio n'ait jamais consommé 3,6 l/100 km, cette bonne blague..

Doivent drôlement avoir besoin de battre leur coulpe chez VW pour avouer un péché aussi véniel. Qu'apportait cet aveu ? Par quoi était-il motivé ? Faute avouée à moitié pardonnée ? Bizarre, vraiment.


Hommage à Jacques Chirac, inventeur du "pschitt…"


Le 9 décembre, ça devient encore plus bizarre. Volkswagen fait savoir que finalement, ce ne sont pas 900 000 voitures qui sont concernées par la triche au CO2, mais seulement 36 000. Ach so…

Le soir même un copain m'appelle.

- Tu as vu, le scandale Volkswagen ?  Ça se dégonfle, c'était bien la peine de faire tout ce foin.

- Crétin, le truc qui se dégonfle, c'est l'affaire du CO2, pas celle des NOx. Ça n'a rien à voir.

- Ben, c'est pas ce qu'ils disent à la radio.

Il a raison, et ce n'est pas non plus ce qu'on lit dans bien des journaux. Que titre la presse ? Que le scandale Volkswagen fait en partie pschitt. Un "en partie pschitt" qu'on retrouve à la une et dans les articles de nombreux quotidiens et sur plusieurs sites internet, comme un élément de langage. Tapez "scandale Volkswagen ; en partie pschitt" sur votre moteur de recherche : quasiment tous les sites et journaux reprennent l'expression. A croire qu'on leur a passé le mot ou qu'ils voulaient rendre hommage à l'inventeur de l'expression, Jacques Chirac, hospitalisé le même jour…

Dans un article sur son site, un grand quotidien national du matin fait à ce point l'amalgame entre les deux affaires qu'il faut être un spécialiste du sujet pour ne pas croire que l'affaire des NOx a trouvé sa conclusion.

Et là, ding, la pièce est tombée dans mon cortex préfrontal : bravo les artistes, le scandale Volkswagen est terminé !


 NOx, CO2, particules, la grande confusion profite à Volkswagen

 

Pour l'automobiliste moyen qui, comme notre bonne ministre de l'Environnement et la plupart des journalistes, confond particules, dioxyde de carbone et oxydes d'azote, pollution locale et globale, le pschitt de l'affaire du CO2 masque l'incendie du scandale des NOx.

On parlera sans doute encore des rappels des TDI, des procès d'automobilistes mécontents et des amendes records que la justice américaine se fera un plaisir d'infliger au constructeur allemand, mais aux oreilles du grand public européen, ces informations parviendront comme les échos lointains d'une vieille affaire qui aura été beaucoup exagérée.

 

Je n'oserais pas affirmer qu'il s'agit là d'un coup de maître du service de com' de Volkswagen, que cet étrange "aveu-désaveu" de trucage des tests de consommation était un joli coup monté. Peut-être bien qu'ils ne l'ont pas fait exprès. En tout cas, il mériterait de figurer en une de tous les manuels de gestion de crise…