Evidemment, il y a le feu. Evidemment, la situation de Ford en France n’est pas folichonne. Avec 4,35 % de parts de marché, la marque américaine est loin des années 90 florissantes où elle dépassait allégrement les 7 %. Alors, pour remonter la pente et polisher son image, le constructeur de Dearborn vient non pas de lancer une simple campagne de communication, mais un véritable porte-avions, un truc multimédia comme il se doit, avec de la vidéo sur le Net, de l’affichage dans les rues et des spots TV en veux-tu en voilà. Sauf qu’au lieu de prendre l’autoroute, le message de Ford semble choisir un chemin quelque peu contrarié, bourré de lacets de montagne et truffé de carrefours compliqués.

Carla change de vie

Première offensive dévoilée la semaine passée, un film diffusé sur le Net et signé, excusez du peu, de l’ex-Nul Dominique Farrugia. Mais le casting de luxe n’est pas seulement derrière la caméra puisque c’est Carla Bruni Sarkozy qui tient l’unique rôle du spot. L’ex-modèle et ex-première dame joue son propre rôle. Et celui de son sosie à qui elle a confié sa carrière de chanteuse pour embrasser une nouvelle profession : celle de coach d’une équipe de foot, avec management viril et tout le toutim. En 1mn50, le spot entend démontrer que chacun peut avoir envie de changer de vie et prendre un virage. Fort bien. En attendant, les habituels adeptes du bashing anti-Carla n’ont pas changé d’avis. Et de se lâcher depuis la mise en ligne du film sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les médias classiques. Les Inrocks évoquent le « terrible jeu d’acteur de Carla Bruni », alors que 20 Minutes en remet une couche en expliquant qu’elle « joue mal » et, que « le scénario est idiot ».

Petite sociologie automobile

On ne va pas ici faire la critique circonstanciée de la narration filmique de Farrugia ni de sa direction d’acteur. En revanche, on peut s’interroger sur la finalité de cette opération, premier étage de la fusée com' de Ford. C’est qu’on ne sait pas trop où le constructeur veut en venir. Selon ses propres dires, il vise les « néothentiques ». Pardon ? « C’est une nouvelle génération qui aspire à progresser socialement mais différemment, qui travaille pour vivre plus qu’elle ne vit pour travailler ». On est contents pour eux. On est contents aussi que le staff de Ford possède de solides bases de sociologie. Mais pour convaincre des néo-ruraux ou d’anciens urbains en goguette à la campagne de changer de voiture et de choisir une Ford, il peut être quelque peu utile de leur expliquer que cette marque a l’une des gammes les plus complètes du paysage automobile, avec deux citadines, trois monospaces, bientôt trois SUV et deux sportives. Qu’il a créé, en outre, l’un des meilleurs moteurs essence du moment (le 1.0 ecoboost) et qu’il dispose de plusieurs châssis aux petits oignons. Au lieu de faire passer ces quelques messages basiques mais efficaces, Ford et son agence de pub ont préféré tourner autour du pot du produit, et choisissent, pour ce faire, la personnalité française la plus clivante de l’Hexagone.

Mais peut-être qu’après tout, la filiale française et son agence se sont ingéniées à rechercher le buzz à tout prix, à une époque où tout est bon à prendre en matière de notoriété, en bien ou en mal. Si tel est le cas, le but qui aura été assigné à ce début de campagne est largement atteint. Et nous y aurons contribué ici même.


Le spot Ford « Prendre un virage » avec Carla Bruno