Avec le chanteur Christophe, c'est un dandy de la musique et de l'automobile qui s'en va
Il a mêlé toute sa vie ses deux passions : la musique et l'automobile. Collectionneur compulsif, pilote à ses heures, le chanteur Christophe a disparu la nuit dernière des suites d'une complication liée au Covid19. Hommage au dernier des Bevilacqua, son véritable nom et le titre de l'une de ses chansons.
Il chantait, dans les Mots bleus que « le vent d’hiver souffle en avril ». Depuis cette nuit, il est encore un peu plus glacé, depuis que Christophe s’est éteint, à 74 ans, d’un emphysème pulmonaire aggravé par le Covid19. Il ne pouvait d’ailleurs s’éteindre que la nuit, lui qui ne se réveillait qu’à 19h dans son nid du boulevard Montparnasse pour s’y endormir dans la matinée. Car le bruit de la ville le berçait dans son sommeil et le silence le tenait éveillé. Le beau bizarre, du titre de son album de 1978, est parti avec dans la besace qu’il traînait partout avec lui, les 1 000 vies de sa carrière contrastée. Un itinéraire fait de chansons très grand public du début (Aline, les Marionnettes, Petite fille du soleil), jusqu’à sa rupture avec sa maison de disques qui l’ont mené à une carrière d’auteur et de chercheur de sons nouveaux, au succès parfois mitigé, qui l’ont érigé en musicien culte pour les générations qui lui ont succédé. Mais Christophe, le prénom prédestiné qu'il s'était choisi (celui du saint patron des automobilistes) nourrissait une autre passion, celle qu’il a eue, jusqu’à la déraison pour les voitures, la vitesse, et la course automobile qui allie les deux, et qu’il a pratiquée. Et qu’il aurait pu pratiquer à haut niveau.
C’est une vie en parallèle entre ses deux déraisons qu’il a menée. Car ses premiers succès musicaux ont rythmé ses premiers tours de roues sur la piste, celle de Magny-Cours, en l’occurrence, ou, en 1968, trois ans après Aline. Il affirmera plus tard avoir remporté le critérium Jean Behra, « au nez et à la barbe des pros », avec ce fond de vantardise de gosse qui était aussi sa marque de fabrique. Une vantardise qui permet quelques petits mensonges, car c’est un autre pilote, bien professionnel, qui l’a emporté cette année-là : René Trautmann. Pas grave, il était resté ce gosse fasciné par les petites voitures.
Le succès aidant, il a pu s’offrir les vraies, les grandes, les Bentley, les Rolls, les Ferrari, les Lamborghini, les Ds 21 Palace. Il y a celles qu’il n’a pas eu aussi, comme cette 2ch sans la vitre de custode à l’arrière, sans la nouvelle calandre qu’il n’a pas trouvée, faute, sans doute, d’être déjà passé à un autre coup de cœur pour une autre voiture, plus grande, plus tape à l’œil, plus américaine. Elles étaient en tête de son panthéon automobile, surtout lorsqu’elles étaient millésimées entre 1950 et 1959. Comme cette Cadillac de 1958, pour laquelle il a créé une couleur spécifique, un blanc au nacré rose dont il s’est toujours flatté. Une couleur référencée de son nom : le rose Christophe. Mais les deux passions se confondent parfois, et sur son album le plus personnel Bevilacqua, qu'il a écrit composé et mixé, celui dont il sera le plus fier, figure une boucle sonore, celle d'une voix italienne, celle d'Enzo Ferrari.
Il a usé et abusé des autos, accroché à leur volant de jour et surtout de nuit, jusqu’à l’excès, jusqu’à ce qu’un juge décide de mettre fin à sa passion. En 2000 son permis est annulé. Il ne le repassera jamais, expliquant souffrir d’une phobie judiciaire. La même qui l’empêchera de divorcer de sa première épouse, malgré sa rencontre avec la chanteuse Michèle Torr (avec laquelle Christophe se rendait souvent - me souffle le rédacteur en chef de Caradisiac - au restaurant Le Pavillon du Lac à Paris où le jeune chef de cuisine prometteur qu'était son père, Jacques Barreau, lui servait son plat préféré, la bouillabaisse marseillaise). À moins que ce malicieux raconteur d’histoires nostalgique n’ait renoncé au volant volontairement, pour conserver son amour des voitures à distance et, dans sa vie, a renoncé au divorce pour garder de son amour de jeunesse un cachet officiel.
Passager et spectateur des autos de sa vie
De ses nombreuses voitures, il ne conservera qu’une Porsche 911, rachetée à un footballeur. Et jusqu’à ces dernières années, il alpaguait les amis de passage pour les obliger à conduire, à sa place, mais avec lui. Il continuera, aussi, jusqu’à la fin à écumer les salons de voitures anciennes pour admirer les autos qu’il ne conduisait plus. Et s’il était peu bavard lorsque les journalistes essayaient de le faire parler de son travail, il devenait très loquace lorsqu’il s’agissait d’évoquer ses chères autos. Les ambiguïtés, et les contradictions, du dandy de Montparnasse étaient celles d’un artiste, du dernier des Bevilacqua, son nom de famille. Celui qui a disparu cette nuit, entre finalement dans son jour de noctambule à lui. Et dans le nôtre, puisqu’un chanteur ne meurt jamais. Il s’arrête simplement d’écrire de nouvelles chansons.
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