Comment Renault veut améliorer son SAV : l'IA en "Docteur House" du diagnostic mécanique
L'intelligence artificielle est partout aujourd'hui. Personne n'y échappe, et Renault pas plus que les autres constructeurs. Mais si on parle beaucoup d'IA "dans" les voitures, on parle moins d'IA pour aider au SAV. Or, c'est bien pour nous parler de cela (et de réparabilité) que Renault nous a conviés au Technocentre il y a peu.

IA, ou Intelligence Artificielle, deux mots qui sont rentrés dans notre quotidien, sans trop parfois que l'on réalise de quoi il est vraiment question. En matière automobile, on parle d'IA surtout en évoquant les systèmes multimédias les plus avancés, et leurs "avatars" avec lesquels il est possible de discuter, auxquels il est possible de poser des questions, qui répondent et qui peuvent pourquoi pas adapter seuls les réglages de votre voiture selon vos habitudes de conduite ou vos préférences musicales. Pour cela, c'est ChatGPT, Gemini ou Google Assistant qui œuvrent dans l'ombre.
Cet aspect-là, on commence à le maîtriser. Mais l'IA n'a pas seulement des applications "dans" nos voitures. Elle en a aussi en dehors. Et si Renault n'est pas le seul constructeur à se servir de l'IA au niveau du service après-vente (ainsi que dans la conception bien sûr), c'est à date le seul à avoir convié des journalistes pour en parler. En l'occurrence au cœur du Saint des Saints de la marque : le Technocentre de Guyancourt, dans les Yvelines (78).

On y trouve un bâtiment dans lequel sont testées, avant la commercialisation d'un modèle, toutes les procédures de service après-vente, toutes les réparations, pour les roder, et pour former les techniciens de la marque sur les futurs modèles qui débarqueront dans leurs concessions. C'est en ce lieu que les responsables des projets IA appliqués au SAV nous en ont dit un plus sur ce qui est en cours chez le constructeur au losange.
Les bruits anormaux : près de 10 % des raisons d'aller en atelier
Essentiellement, et en vulgarisant un maximum, sans quoi le risque était de devenir abscons (qui comprendrait les notions de système MLT, de "random forest" ou de "plus proche voisin"), Renault utilise et va de plus en plus utiliser l'IA pour aider et améliorer les diagnostics de panne. Et ils mettent l'accent aujourd'hui sur les reconnaissances de bruits suspects.

Ainsi, depuis des années, et l'avènement des voitures connectées, les voitures elles-mêmes font remonter des informations vers le réseau, quand elles ont un problème. Mais aujourd'hui, L'IA peut aider les chefs d'ateliers (et donc les clients), d'une autre façon encore, à améliorer la résolution des problèmes.
Et dans le domaine des bruits, c'est essentiel. Car une valise diagnostic peut communiquer avec les boîtiers électroniques de l'auto, ses capteurs, pour définir ce qui ne va pas, mais elle ne peut dire à quoi correspond un "bruit", ce qu'on appelle un "effet client", ou un "ressenti client". Mais une IA le peut !
Selon Emmanuel Laurain, chef de service diagnostic chez Renault, les analyses de bruit suspect font partie du Top 10 des demandes en service après-vente. Le problème est que le ressenti est subjectif, et que chaque client va verbaliser différemment le bruit. En effet rien n'est plus complexe que de décrire un son. Est-ce un "chhhhh", ou un "hiiii", un "tac tac tac" ou un "tic tic tic" ?
L'IA, le "Docteur House" du diagnostic mécanique
Pour aider à déterminer les origines des bruits anormaux, cela fait donc des années que le réseau de la marque fait remonter au Technocentre des sons, par dizaines de milliers. Les fichiers ainsi récoltés alimentent et entraînent l'IA, qui les analyse. Plus de 2 000 ont été conservés à ce jour, ayant été définis comme "propres" et pertinents. Et des nuages de mots-clés définis pour les décrire. Ainsi, la description d'un client peut orienter le chef d'atelier vers un souci, et l'écoute du bruit lors du diagnostic, analysée par les algorithmes de l'IA, orienter de façon plus efficace vers la cause réelle. Et bien sûr, le système est en constant apprentissage. Et des micros permettent toujours de capter les sons et de les envoyer à la plateforme centrale. À la fois dans les ateliers, mais aussi dans la voiture même ! Une application sera bientôt déployée dans les systèmes multimédias (baptisée Noise recorder), pour que le client puisse enregistrer un son anormal à bord, et l'envoyer à la marque directement.
Pour Emmanuel Laurain, cela devrait permettre de baisser de 10 % les appels à la hotline du Technocentre. Mais aussi, de mieux préparer l'arrivée du véhicule en atelier, en ayant déjà commandé les bonnes pièces nécessaires à la réparation, et en immobilisant de fait moins longtemps l'auto pour réparation. C'est gagnant-gagnant pour les ateliers et les clients.

Avant l'IA, Renault utilise depuis 2024 une méthode de "Remote diag" (diagnostic à distance selon ce que remontait la voiture, on parle là des plus récentes évidemment, une R19 est à la rue pour ça). Désormais, il y aura en plus "Diag predict". Pour résumer, Remote Diag remontait à distance aux ateliers des codes erreurs présents sur la voiture. Désormais, avec Diag Predict, l'analyse par IA des codes défauts permet d'arriver au diagnostic final. Et chaque modèle de la gamme à son propre arbre de diagnostic IA. Par exemple, sur Rafale par exemple, le code défaut DTCxxx + le code défaut DTCxxx = panne de caméra de recul. Un peu à la manière des plus récentes techniques de diagnostic médical : tel symptôme + tel autre symptôme + plus tel dernier symptôme = un lupus ! Merci Gregory.
L'IA, ce sera donc le "docteur House" des ateliers mécaniques dès demain, puisque ces solutions d'analyse de bruit et de "Diag predict" seront mises à disposition du réseau avant la fin de l'année, après avoir été testées dans des concessions pilotes.
Un travail sur la réparabilité des nouveaux modèles
Lors de cette journée découverte, Renault nous a aussi parlé du travail qu'ils font sur la réparabilité des nouveaux modèles. Avec pour exemple la calandre de la dernière Renault 4. Étudiée pour être facilement démontable, et avec des pièces qui se détaillent, comme la vitre de protection, les optiques, l'électronique du phare en lui-même (incroyable de se dire que précédemment, on ne pouvait pas récupérer l'électronique du phare en cas d'accident, même si elle fonctionnait toujours bien). Récupérer l'électronique permet ici de faire baisser de 20 % le prix de la réparation, par exemple.

Et les procédures de remplacement ont été simplifiées, avec des petits outils spécifiques pour faciliter la dépose/repose des éléments. Cela ferait gagner 50 % sur le temps, et donc 50 % sur le prix de la réparation. Paroles en l'air ? Les futurs clients confrontés à un choc avant avec leur R4 viendront ici témoigner. En tout cas, il est loin le temps où il fallait déposer un pare-chocs pour remplacer une ampoule (coucou Mégane 2 !).


Un autre exemple est la réparation des batteries. Renault prévoit le déploiement d'une dizaine de camions mobiles, permettant de reconstituer in situ un atelier complet et sécurisé (les normes sont drastiques pour la réparation de batteries haute tension) permettant le diagnostic, et le remplacement de modules de cellules défectueux, et de procéder à leur équilibrage sur place.
Cela permettrait l'utilisation de 30 % de pièces neuves en moins, de consommer moins d'énergie, et in fine d'émettre moins de CO2, ce qui est le but également. Et accessoirement, plutôt que de devoir déplacer un véhicule ou une batterie, c'est l'atelier qui vient jusqu'au client, ce qui permettrait de diviser par trois les temps de réparation, cette dernière coûtant 75 % de moins qu'un remplacement de batterie complète pur et simple.
Un robot peintre pour gagner du temps, et éviter les défauts
Enfin, nous avons pu assister aussi à une petite révolution à venir dans les ateliers peinture de la marque. En effet, Renault, main dans la main avec son partenaire peinture Ixell, va déployer petit à petit dans ses ateliers une solution qui permet d'une part de réaliser automatiquement n'importe quelle nuance de peinture, en utilisant juste ce qu'il faut d'ingrédients (pas de pertes), grâce à une machine.

Puis la peinture sera effectuée par un "robot peintre". Charge à lui de scanner la pièce à peindre, puis d'appliquer avec une précision extrême le mélange de peinture. Avantages : pas de risque d'en mettre trop ou pas assez. Une application régulière, moins de défauts à l'arrivée. Moins de reprises à faire. Et surtout la possibilité de travailler à "temps perdu", pendant les pauses déjeuner par exemple, et en libérant du temps pour le "vrai salarié peintre" pour d'autres tâches. Selon Renault, le coûteux robot serait rentabilisé en une seule année.

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