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Ducati entretient son mythe

Dans Moto / Loisirs

Alex

Ducati entretient son mythe

Dire que Ducati est une icône n'est pas une révélation : qui n'a jamais rêvé de posséder une 916 ? Ou aujourd'hui, une 999R et son fabuleux moteur Testastretta ? Ou pour les plus anciens, une Pantah ou la 750 "Supersport" menée à la victoire au Tourist Trophy par Mike Hailwood en 1978 ?


Malgré le prix, posséder une machine de la firme de Bologne ne laisse jamais indifférent son propriétaire qui entre dans la "tribu". Un argument que les dirigeants de la marque exploitent à fond... Et c'est bien là le problème ! Ducati a-t-elle gagné sur le plan économique ce qu'elle a perdu dans son âme ? Non ! Au risque de déplaire à ses détracteurs, elle a non seulement progressé mais aussi conservé pas mal de ses valeurs.


Les fondamentaux n'ont pas changé. Depuis 1996, date à laquelle l'actuel actionnaire, le fonds de pension américain Texas Pacific Group (TPG), a sauvé la marque de la faillite, le Desmo est toujours là. L'invention de l'ingénieur Fabio Taglioni (1955) demeure même sur la Desmosedici de Capirossi alors que des choix techniques plus audacieux auraient pu s'imposer sur une machine de GP.


La firme de Bologne, qui fêtera ses 80 ans en 2006, a même conforté sa légende : une image sportive portée par les succès en Superbike et maintenant en Grand Prix, un twin en L, le cadre tubulaire porteur et le Desmo... Même la concurrence copie un des succès de la marque (1992), la Mostro. Les Yamaha Bulldog et autres Suzuki SV ont parié sur ce concept de bicylindre séduisant. Le produit s'en ressent-t-il ?


Pas à en croire Dominique Cheraki, directeur général de Ducati France : "la famille Monster a encore progressé de 8% en 2004". L'an passé, le recul des ventes (-1,4% avec 3 117 motos pour environ 3 % du marché des grosses cylindrées) est plus qu'honorable compte tenu du contexte relativement plat de l'Hexagone (lire notre Dossier spécial marché).


Le fameux "esprit de famille" s'est-il perdu en route avec l'agrandissement de la tribu et l'arrivée de nouveaux membres attirés par une image plus fashion ? Il est clair que la marque l'encourage. Mais, à en croire un spécialiste, elle n'a pas perdu au change. "Je me souviens de l'époque où le côté tribal était trop exacerbé", raconte ainsi Marco Raymondin (Ducati Brooklands). "Les gars, c'était des ayatollahs ! Il fallait absolument que ce soit compliqué et chiant à démarrer ! Maintenant, il y a toujours un noyau dur mais ça a évolué. On vendait 100 motos, aujourd'hui c'est le double. Et c'est pas désagréable de voir de nouvelles têtes !"


Mieux, Ducati renforce le sentiment d'appartenance des "ducatistes" par l'organisation de multiples événements communautaires (Grand Prix de France, Superbike, stages de pilotage, circuit, Centopassi, etc.). "Compte tenu de l'environnement répressif mis en place sur nos routes", confie le lyonnais Pierre Col (cinq Ducati à son actif), "il n'y a vraiment que sur circuit que l'on peut véritablement profiter de nos motos. Et les sorties sur piste que l'on organise avec des amis ducatistes sont de vrais bons moments de moto et de convivialité !"


Reste la stratégie commerciale. Ducati Stores, prix des motos, entretien, nouveaux modèles, accueil dans les concessions... Tout est passé au crible par "les gardiens du temple", qui estiment notamment sur les forums de discussion internet que "l'attitude extrêmement élitiste, fermée et arrogante du marketing actuel en énerve plus d'un qui n'y retrouve plus l'esprit qui représentait l'une des caractéristiques de la marque”. Le mythe est écorné, mais Ducati continue à être sanctifiée même si le concessionnaire est régulièrement pris pour cible.


En dépit des menaces récurrentes de désertion, aucun des membres de ce "réseau" de ducatistes ne se déclare prêt à commettre le pêché ultime : troquer sa belle italienne contre, au hasard, une japonaise. Moins bavards que les internautes profitant de leur anonymat supposé sur les forums de discussion, les chiffres parlent eux aussi : malgré ses pertes, le Ducati Store de la Grande Armée à Paris affiche des progressions de 15% sur les accessoires, une cible clairement identifiée par le management italien. Ducati France a aussi l'intelligence de conserver les deux systèmes de concessions : les "stores" et les autres.


Les fans historiques sont-ils laissés au bord de la route par des prix d'achat et des coûts d'entretien trop élevés ? Olivier Grobost, 27 ans, ducatiste jusqu'au bout des ongles, relativise : "ma 900 SS, quand elle est sortie en 1989, elle valait 65 000 FF. Aujourd'hui elle en vaut autant (10 000 €), mais t'as vu la différence au niveau de la technologie ? Avant, le type qui achetait une 851, il la payait cher et il osait pas la sortir. Moi, je roule tous les jours et j'ai appris à démonter ma moto pour l'entretenir tout seul". Le fameux "réseau" du net a lui aussi en partie pallié au problème : échanges de bonnes adresses, fabrication "maison" de pièces, apprentissage de la technique pour faire ses révisions "tout seul", hors circuit professionnel.


Même les plus entichés des professionnels comme Rory Simpson ont déserté : depuis 2002, cet anglais reconnu par ses pairs comme un des "papes" de la marque a déserté Simpson Mécanique et sa superbe "cathédrale" de Montpellier pour la céder à... Honda ! Rory a beau remuer sa rancoeur en énumérant ses arguments (lire ci-contre), il reconnaît que "dès lors que DMH (Ducati Motor Holding) et TPG gagnent plus d'argent, leur stratégie est - au fond - inattaquable".


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