Enquête - Les délires des nouveaux maires écolos
Pierre-Olivier Marie , mis à jour
Une « vague verte » a déferlé sur plusieurs grandes villes de France à l’occasion des dernières élections municipales, et celle-ci va entraîner de profonds changements au quotidien. Interdiction du diesel, 30 km/h généralisé, autoroutes à vélo, etc : nos chers élus ne manquent pas d’idées, et ce dans l'intention pleinement assumée de « dégoûter l’automobiliste ». Sacré programme !
« Nous réduirons encore la place de la voiture. Il n’y aura pas de pause. Il ne peut y en avoir, puisqu’il s’agit de rendre l’air plus pur », assénait Anne Hidalgo durant la dernière campagne des municipales, au terme de laquelle les parisiens lui ont assuré une confortable réélection le dimanche 28 juin. Après une première mandature marquée par une réduction drastique de l’espace alloué à l’automobile - le trafic a baissé de 19% durant la période, ce qui n’a pas empêché une hausse sensible des bouchons - la maire de Paris risque bel et bien de se sentir pousser des ailes (et non diesel…).
Outre l’interdiction de circulation des voitures diesel à partir de 2024 et la réduction du nombre de places de stationnement en surface (environ 60 000 seraient supprimées sur les 133 000 encore disponibles, et les automobilistes seraient incités à se garer en sous-sol), l’exécutif parisien compte bien s’attaquer au périphérique, qualifié de « frontière d’un autre âge ».
La vitesse s’y verrait limitée à 50 km/h, une voie y serait réservée aux transports partagés (covoiturage, taxis et bus), et il est même question d’y installer des passages réservés aux piétons. Si une majorité de parisiens jubile (les deux tiers des ménages n’y possèdent pas de voiture), les franciliens risquent de peu goûter cette révolution touchant un axe emprunté par 1,1 million de véhicules chaque jour.
D’autre part, il est question de limiter à 30 km/h la vitesse dans les rues de la capitale (hors axes majeurs, comme les maréchaux ou l’avenue des Champs-Elysées), ce qui réduirait le différentiel de vitesse avec des vélos auxquels on déroule le tapis rouge et pour lequel un plan de circulation spécifique sera élaboré, ceci en complément des 50 km de « coronapistes » qui ont vocation à être pérennisées. Bref, on est loin d’avoir tout vu !
Et il faut s’attendre encore à des surprises de la part de Mme Hidalgo, qui a récemment prévenu : « la traversée de Paris d'est en ouest en voiture, c'est quelque chose qu'il faut oublier. » (Le Parisien, 03/10). Notez au passage qu’une fermeture des quais hauts de la rive droite parisienne est par ailleurs à l’étude : ces voies seraient réservés aux « véhicules propres », bus et taxis.
En revanche, on ne voit rien venir concernant des projets de grands parkings aux portes de Paris, qui permettraient aux banlieusards d'effectuer la fin de leurs trajets à vélo, par exemple. Voilà qui serait un bon moyen de limiter la thrombose intra muros, et intéresserait ceux qui, Coronavirus oblige, rechignent désormais à emprunter les transports en commun.
Etat d'urgence climatique
Il n’y avait pas de raison que cette furia anti-automobile épargne les grandes villes de province. Après Grenoble, première ville de plus de 100 000 habitants à élire à un maire écolo en 2014 - Eric Piolle sera d’ailleurs réélu cette année, après un mandat notamment marqué par le passage à 30 km/h d’une grande partie des voies de circulation, la création d’une grande Zone à Faibles Emissions, mais aussi par l’accession au quatrième rang du classement des villes les plus embouteillées de France! – voici que Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Annecy, Poitiers ou Tours passent maintenant entre les mains des écologistes (seuls où dans une coalition). Et pour les automobilistes du cru, cela promet de virer au casse-tête.
A Bordeaux, on se souvient de l’interview accordée à 20 Minutes (01/07) par le nouvel édile Pierre Hurmic. Celui-ci y dénonçait des aménagement urbains où « 70% de la voirie est consacrée à la voiture, or elle représente 29% des déplacements à Bordeaux... je ne veux pas interdire la voiture, mais rééquilibrer les choses, même si à terme je pense qu’on ira vers une interdiction. Le piéton a le droit de marcher au milieu de la route, et la voiture s’adapte. Par ces mesures, vous pouvez dégoûter progressivement l’automobiliste d’emprunter ces chaussées. »
Et l’élu, qui sitôt officiellement en poste a déclaré l’ « état d’urgence climatique » dans sa ville, de manifester son intention de « dégoûter progressivement l’automobiliste » d’emprunter certaines chaussées, ce qui est un moyen moins violent mais tout aussi efficace de bannir les voitures. A moyen terme, il est aussi question d’alléger le trafic sur la rocade en y réservant une voie au covoiturage.
« Libérer les habitants de la voiture »
Des dispositions comparables sont en vue à Lyon, où le nouveau maire Grégory Doucet fait de la lutte antipollution sa priorité. Au programme de celui qui veut mettre tout le monde à vélo tout en s’opposant au passage du Tour de France dans sa ville, une réduction de la vitesse à 30 km/h dans la plupart des rues de la ville, avec l’objectif d’y installer un double-sens cyclable : « rééquilibrer la voirie, c’est donner plus de places aux piétons et aux vélos. Cela ne signifie pas interdire la voiture. Je veux juste lui donner une place moindre en développant les alternatives. En aucun cas, il ne s’agit de punir qui que ce soit mais plutôt de déplacer les normes. »
Le nouveau maire veut aussi renforcer le dispositif de Zone à Faibles Emissions et s’attaquer au trafic de transit, comme par exemple en réduisant à une voie le célèbre tunnel de la Croix Rousse. Enfin, il est question d’aider les habitants à « se libérer de la voiture » en choisissant notamment entre un abonnement gratuit à un service d’autopartage ou en percevant une prime à l’achat d’un vélo d’électrique pour un montant de 500 €. Pas certain que ces pratiques dispendieuses suffisent à se « désintoxiquer », toutefois…
A Marseille, le programme de la militante écologiste Michèle Rubirola associait l’automobile aux termes d’« insécurité, bouchons, stress, fatigue, pollution, atteinte à l’environnement et à la santé humaine. » N’en jetez plus ! De ce fait, il est question d’accélérer la mise en œuvre du plan vélo déjà voté par la Métropole (et doté de 60 millions sur 5 ans), de mettre en place un plan d’entretien de la voirie (pas du luxe !), de limiter la vitesse à 30 km/h (les 50 km/h seraient conservés sur quelques grands axes), et de favoriser l’autopartage. Voilà qui promet d’arranger la situation d’une ville réputée pour ses embouteillages, même si l’on conçoit que les Marseillais aient dû apprécier la volonté affichée de « diminution drastique de la pollution liée aux navires »…
Autoroutes à vélos
Strasbourg, ville qui accorde depuis longtemps une place de choix à la bicyclette et avait annoncé dès 2019 son intention de bannir le diesel à partir de 2025, a porté l’écologiste Jeanne Barseghian à sa tête. Celle-ci va notamment continuer de développer les pistes cyclables, à raison de 15 kilomètres par an (dans une ville qui compte déjà plus de 600 km) et mettre en place de véritables « autoroutes à vélos » : « Il est important que les piétons et les cyclistes disposent d’un espace suffisant et distinct pour pouvoir circuler », précise l’élue, qui prévoit aussi d’offrir une prime pour l’abandon de la voiture individuelle. Parce qu'il est bien connu que l'on n'utilise une voiture que pour le plaisir de polluer en ville, et non pour ses incomparables aspects pratiques.
Une voiture individuelle qui a du souci à se faire à Tours, où le maire écolo Emmanuel Denis prévoit que « chaque cœur de quartier et le centre-ville soient limités à 30 km/h, favorisant ainsi une cohabitation sereine entre les piétons, les cyclistes et les automobilistes ». Parce que « la ville de demain, c’est retrouver le plaisir de la marche, faire du vélo un mode de déplacement quotidien, disposer de transports en commun rapides et accessibles et privilégier une conduite automobile apaisée. » C’est beau…
Joignant le geste à la parole, le tout juste élu a commencé par interdire à la circulation automobile le pont Wilson, artère importante de la circulation tourangelle. Après trois mois d’expérimentation durant l’été, il a été décidé de prolonger celle-ci jusqu’au mois de janvier prochain. On imagine sans peine la suite.
Bilan
Liberté, égalité, immobilité
Cette place réduite allouée dans toutes ces villes à l’automobile (et aux transports en commun de surface, notamment à Paris où il devient même difficile de circuler en bus) se fait au bénéfice des « circulations douces », au premier rang desquels les trottinettes et autres bicyclettes, engins réservés à une population en forme, valide, souvent peu regardante du code de la route, et bien sûr parfaitement connectée si elle veut avoir accès aux engins proposés en libre-service. Les autres sont priés de rester chez eux, ou de déménager.
Quant aux "dinosaures" citadins qui, malgré une adversité de plus en plus marquée, restent adeptes de l’automobile, ils sont instamment priés de passer à l’électrique…et de se débrouiller avec un nombre de bornes de recharge notoirement insuffisant.
Surtout, mieux vaut qu’ils ne soient pas trop riches s’ils veulent bénéficier du stationnement résidentiel. La ville de Bordeaux envisage ainsi d’en moduler le tarif en fonction des revenus, comme avait tenté de le faire – sans succès – Grenoble en 2016.
La disposition avait alors été retoquée par un tribunal administratif, mais du temps a passé et il est possible que les digues cèdent si plusieurs villes envisagent cette mesure. Car si une chose est certaine avec les écologistes, c’est bien leur propension à avoir de la suite dans les mauvaises idées.
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