Essai comparatif : Suzuki GSXF 650 vs Kawasaki ER-6f
Marre de raquer au péage, à la pompe, au parking et chez le concessionnaire… La vie est chère, et laisse de moins en moins de place aux loisirs. Qu'à cela ne tienne : avec nos deux montures du jour, les grands espaces s'ouvrent,
et le porte-monnaie souffle. Et si le vrai luxe, c'était l'évasion au guidon de ces GT abordables ?
Les Japonais Suzuki et Kawasaki connaissent bien le segment du milieu de gamme, exploré notamment avec leurs roadsters de moyenne cylindrée. Tout néo-motard qui se respecte, à l'heure du choix de son premier gros cube, a au moins détaillé les fiches techniques des Bandit 650 et ER-6n, deux motos plaisir au comportement routier sain, aux performances plus qu'honorables, et aux tarifs étudiés. Leur seule « défaut » : un manque de protection certain, inhérent à leur génétique de roadster, qui implique une fatigue prématurée du dos et des cervicales sur les longs parcours. Quoi de plus logique, dès lors, que d'habiller ces deux machines de carénages enveloppants pour en faire les reines de l'excursion dominicale ? Et plus si affinité…
ROADSTERS CARÉNÉS
Si l'ER-6 s'est forgée une réputation à la hauteur de ses chiffres de vente – qui la placent deuxième des meilleures ventes des plus de 125 cm3 sur l'ensemble de l'année 2007 (5 846 unités) derrière sa sœur de sang Kawasaki Z750 (7 044 unités) –, elle reste plus courante dans sa version N (Naked), apparue sur le marché courant 2005, que dans sa déclinaison F (Fairing), ici à l'essai. Il faut dire que le sex-appeal de la petite verte, ainsi parée de son carénage typé GT, prenait aux yeux des « jeunes » motards un petit coup dans l'aile. À vous d'en juger. Mais une chose est sûre : même si elle a pris 4 kilos dans l'opération, la F conserve le châssis équilibré et le bicylindre en ligne puncheur que nous connaissons bien sur la N. Et l'idée de prendre la route à son guidon, malgré une météo pas vraiment folichonne, nous met l'esprit en joie.
Chez Suzuki, la famille GSX-F, proposée jusqu'alors en cylindrées 600 et 750 cm3, tirait sa révérence fin 2007 pour laisser la place à cette toute nouvelle et unique GSX650F. Véritables bêtes de somme, les GSX-F « ancienne génération », avec leur look bio caractéristique, souffraient d'une conception on ne peut plus basique, et d'une aura digne du merlan frit avec lequel elles partageaient le regard. D'accord, on est un peu dur…
Mais c'est pour mieux valoriser le bond en avant opéré par la toute nouvelle GSX650F. Suzuki est parti d'un constat simple : sa 650 Bandit (par ailleurs en tête des ventes gros cubes en décembre 2007), avec son 4-cylindres refroidi par eau à injection et son châssis éprouvé, est un bon roadster d'accès à la gamme d'Hamamatsu. Lui greffer un carénage inspiré de la lignée GSX-R, et ainsi en faire une sportivo-GT abordable, semblait couler de source. Niveau design, l'illusion est en tous les cas parfaite : le carénage agressif s'harmonise parfaitement avec la plastique pourtant sage de la Bandit. Vue de l'avant, on se demande même si la GSX650 ne s'est pas trompée de lettre en choisissant le F plutôt que le R !
PÉTILLANTE…
Même si les ingénieurs Kawasaki et Suzuki ont suivi des raisonnements similaires pour donner naissance à nos deux petites routières ; même si la GSX650F et l'ER-6f se disputent la même part du marché moto, force et d'admettre que ces deux montures ne partagent pas la même philosophie.
Installé sur la Kawa, je retrouve instantanément la position de conduite qui m'avait emballé sur le roadster. Normal : hormis une fourche légèrement plus longue (pour compenser le poids du carénage) et une selle rehaussée de 5 mm, sa géométrie demeure inchangée. Le guidon identique à l'ER-6n permet d'aborder la route sereinement, buste droit, tandis que l'étroitesse du twin donne la sensation de piloter un vélo. Deux atouts qui, associés à un poids contenu de 178 kg à sec, offrent à la Kawa une maniabilité idéale pour se faufiler avec facilité dans le trafic urbain.
Le parallel-twin calé à 180° fait preuve d'une souplesse rare pour ce type de moteur, et accepte de reprendre très bas dans les tours sans broncher. Seul désagrément à ce rythme : un carénage qui à tendance à vibrer lorsque l'on accélère fort pour doubler sur le couple. Les virages de la route Napoléon, malgré un bitume froid et parsemé de tâches d'humidité, mettront en relief la vivacité de la partie-cycle tubulaire et du bloc Kawasaki, aussi agréable lorsque l'on titille le rupteur que lorsque l'on enroule tranquillement. Le freinage ABS de notre version d'essai, certes rassurant dans ces conditions d'adhérence précaires, gâche quelque peu le plaisir en utilisation intensive par son absence de feeling, mais offre une puissance suffisante pour rouler à bon rythme. La fourche et l'amortisseur, malgré leur vocation d'entrée de gamme, assurent plus que convenablement leur rôle pour une machine typée GT. Pour plus de sport, des kits réglables existent chez les accessoiristes, comme Öhlins (cf. notre shopping spécial à la fin de cet essai).
... OU COSSUE ?
En enfourchant la Suzuki, j'ai l'impression de changer de catégorie : plus grosse, plus lourde, la GSX650F offre une position de conduite plus exclusive que son adversaire. Le guidon plat, le réservoir plus large et les repose-pieds, légèrement rehaussés et reculés par rapport à la Bandit, imposent une position davantage en appui sur les poignets, mais toujours confortable pour mon 1 m 80. Une ambiance « sport » accentuée par le bloc compteur directement emprunté à la famille GSX-R, et disposant même d'un shift-light (témoin lumineux de changement de rapport) réglable. À basse vitesse ou pour manoeuvrer, les près de 40 kg qui séparent la Suz de la Kawa se font ressentir. Mais dès que l'on passe la seconde, l'équilibre de la partie-cycle, bien assistée par des suspensions raffermies et un moteur étonnamment plein pour sa cylindrée, efface cette sensation de lourdeur. Si les valeurs de couples sont relativement proches entre les deux machines (6,3 mkg à 8 900 tr/min pour la Suzuki, 6,7 mkg à 7 000 tr/mn pour la Kawasaki), le 4-cylindres de 656 cm3 compense le surplus de poids de la GSX par une puissance de 85ch à 10 500 tr/min, contre « seulement » 72ch à 8 500 tr/min pour le bicylindre de l'ER-6f. Le caractère lisse du bloc Suzuki permet là aussi d'enrouler ou d'attaquer à l'envie, même s'il devient nécessaire avec la GSX650F d'anticiper ses trajectoires. Le freinage n'appelle aucune critique particulière, et s'il n'est pas prévu pour arsouiller sur circuit, il remplira largement son office à un rythme balade sportive. Globalement, la Suzuki offre le sentiment de conduire une machine plus cossue et plus intimidante que la Kawasaki, quand cette dernière met l'accent sur la facilité de prise en main.
BONNE ROUTE !
Un petit tour sur l'autoroute nous permettra de constater que la protection offerte par nos deux machines est satisfaisante… à condition d'adopter une position de type limande ! Assis bien droit, des turbulences viennent en effet secouer le casque de façon assez désagréable, et la pose d'un pare-brise adaptable semble indispensable pour enquiller les kilomètres dans de bonnes conditions de confort. Les passagers trouveront dans les deux cas une selle moelleuse et une position confortable. L'unique poignée de maintien de la Suzuki, située à l'arrière, s'avèrera peut-être plus fatigante sur les longs trajets que les deux éléments latéraux de la Kawasaki. Mais on chipote…
Toujours est-il que ces deux motos offriront à leur propriétaire de quoi aller chaque jour au boulot, partir en week-end, et même s'offrir une petite virée sportive de temps en temps. Une polyvalence qui sera encore accentuée par l'ajout de quelques accessoires (pare-brise plus haut, sacoches, échappement, suspensions réglables…). Et franchement, avec des tarifs ultra-contenus de 6 499 € pour la Suzuki, et 6 999 € pour la Kawasaki (6 399 € sans l'ABS), il serait dommage de s'en priver !
Photos Tommy MARIN (www.carbontm.com)
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