François Gemenne: "l'électrique a des défauts, mais reste infiniment préférable au thermique"
Lancée fin 2023, l'Alliance pour la décarbonation de la route réunit des acteurs des mobilités routières publics et privés. Parmi les personnalités à l'origine du projet figure le climatologue François Gemenne, co-auteur (entre autres) du rapport du GIEC, qui nous a accordé une interview.
Plutôt large, cette Alliance pour la décarbonation de la route ! De BMW à la Maif en passant par Vinci Autoroutes ou BlaBlaCar, celle-ci réunit plus d’une vingtaine de grands acteurs publics et privés* qui s’engagent à « mettre en œuvre les solutions de décarbonation les plus efficaces afin de réussir la transition écologique et énergétique des mobilités. »
On ne peut que soutenir un mouvement de ce type, dont l’ambition est notamment de favoriser des solutions concrètes telles que l’électrification du parc automobile (de ce côté-là les choses avancent vite) et du parc de poids lourds, mais aussi le déploiement massif des bornes de recharge pour véhicules électriques, l’installation de stations de distribution de biocarburants et d’hydrogène, l’incitation au covoiturage, ou bien encore l’installation de dispositifs permettant la production d’énergies renouvelables le long des réseaux routiers et autoroutiers (panneaux solaires, notamment).
A l’occasion du lancement officiel de l'Alliance, Caradisiac a eu l’opportunité de s’entretenir avec le climatologue François Gemenne, co-auteur du rapport du GIEC sur le climat.
Côté automobilistes, que va proposer l’Alliance ?
Sans trop en dire avant la révélation prochaine de nos propositions, il va y avoir beaucoup de choses sur les voitures partagées et le covoiturage au premier semestre. On va aussi mettre l’accent sur l’équipement en bornes de recharge en zone rurale et semi-rurale. Le plan de leasing social gouvernemental va dans le bon sens, mais il y a aussi un soutien à apporter sur les équipements dans ces zones.
L’autopartage est un autre axe fort ?
Il faut aussi des solutions de transport collectif, de voitures partagées pour les gens qui n’y auront pas accès. L’autopartage suppose de changer ses habitudes et son rapport à l’auto, mais aussi de changer les infrastructures. Il faut que les gens aient la garantie d’avoir la voiture quand ils en auront besoin. Il faut mettre un place un écosystème de mobilité partagée, par exemple avec des applis.
Comment rendre plus attirante la voiture électrique ?
L’un des freins vient de ce que les gens ont peur de ne pas avoir assez d’autonomie pour partir en vacances ou sur long trajet. Il y a aussi de la désinformation sur les matériaux critiques et les terres rares, ce qui nous fait voir uniquement défauts et imperfections des voitures électriques sans regarder le potentiel qu’elles ont.
Les terres rares sont un faux problème ?
On voit parfois des vidéos sur YouTube qui disent qu’il n’y aura jamais suffisamment de terres rares. Tout ça n’est pas fondé, mais beaucoup de gens en viennent aujourd’hui à se dire qu’une électrique est moins écolo qu’une thermique. Elle a des défauts bien entendu, mais elle reste infiniment préférable au thermique, surtout dans un pays où le mix électrique est largement décarboné.
On marche un peu sur la tête, parfois ?
Oui tout a fait. Il y a de gros efforts à fournir en matière de pédagogie et de lutte contre la désinformation en ligne. D’ailleurs, l’Alliance publiera aussi régulièrement des notes ou des points consacrés à toutes ces questions.
Les politiques agissent-ils suffisamment ?
On n’en fait pas suffisamment. On a parfois peur de bousculer certaines habitudes. Il faut montrer que c’est un projet plus qu’une contrainte.
Embarquer les constructeurs auto dans le projet, c’est important ?
Oui, bien sûr. Les constructeurs Français sont parfois un peu plus longs à se décider mais nous sommes confiants. A nous de les convaincre que l’Alliance ne sera pas un truc anti-voiture. La route va rester le moyen de déplacement principal des français. Il faut voir comment on va décarboner ça ensemble et en faire un vrai projet.
*Les membres signataires de l’Alliance pour la décarbonation de la route : Association des Economistes de l’Energie, Avere-France, BlaBlaCar, BMW Group France, ChargePoint, Nicolas DARAGON (Ville de Valence), Michaël DELAFOSSE (Montpellier Métropole), François DUROVRAY (Conseil départemental de l’Essonne), Ecov, Electra, Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR), Geodis, Getaround, GRDF, Karos, Keolis, MAIF, Mobilité Club France, Powerdot, Shippeo, Systra, Transdev, VINCI Autoroutes.
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