Hopium et Sono en déroute : et si le bon sens faisait son retour ?
Coup sur coup, deux start-up européennes pleines de promesses sont dans la tourmente. En France, Hopium et ses voitures à hydrogène croulent sous les pertes et en Allemagne, Sono et ses autos solaires ne sont pas plus vaillantes. Les utopies s'écroulent et les vieux constructeurs sont confortés par une évidence : on ne s'invente pas constructeur auto par la grâce d'une simple levée de fonds.
Le soufflé est retombé, à Munich comme en Normandie. En Bavière, la start-up Sono licencie 300 salariés et tente de se reconvertir. À Vernon dans l’Eure, la moitié des 130 salariés d’Hopium pourraient bien subir le même sort. Que s’est-il passé ? Pourquoi les jeunes pousses de l’automobile européennes sont-elles en pleine déconfiture ?
La voiture solaire ? mais quelle (fausse) bonne idée
Tout avait pourtant si bien commencé, façon conte de fées. Il y a deux ans, Sono présentait sa petite Sion et on s’extasiait. Enfin une petite auto électrique simple, spacieuse et pas chère, puisque le prix ne dépassait pas 25 000 euros. En plus, l’auto est économique puisque, en plus de sa batterie, elle est recouverte de panneaux solaires. Mais quelle bonne idée. Immédiatement, la presse s’emballe, les clients, les pouvoirs publics et les marchés aussi. La petite entreprise au grand devenir est introduite en Bourse à New York, l’Europe y va de ses subventions et 45 000 commandes sont enregistrées. Jouez haut bois, résonnez musettes, tremblez vieux constructeurs : la nouvelle génération est dans la place et va vous disperser façon puzzle.
La voiture à hydrogène ? mais quelle (fausse) bonne idée aussi
Plus à l’Ouest, au même moment, une autre start-up voyait le jour. Son nom : Hopium. Son truc : l’inverse de Sono, avec une techno totalement différente et un positionnement sans aucun rapport. La voiture de la petite firme normande, la Machina Vision, est une grande berline hydrogène de 4,90 m, ultrapremium qui s’affiche à 120 000 euros, pas moins. Comme pour la petite Sion, tout le monde s’emballe.
Lors de la présentation de l’auto au Mondial de l’auto de l’an passé, les médias s’esbaudissent et les pouvoirs publics surenchérissent, sûrs d’avoir misé sur le bon cheval en le subventionnant. Même le très raisonnable Crédit Agricole promet un gros chèque en commandant 10 000 autos, sûr de pouvoir les relouer facilement, via sa filiale de leasing. Mais la réalité a, là encore, rattrapé l’utopie. Et une fois encore, le soufflé de la belle histoire est retombé. Hopium est en grande difficulté, son action a plongé de 80 % et l’entreprise appelle à l’aide pour sauver le navire. Mais que s'est-il passé ? Comment se fait-il que ces deux start-up s’effondrent d’un coup, presque au même moment ?
Une auto pas chère ? Impossible, si elle est recouverte de panneaux solaires
On pourrait, à l’inverse, se demander comment elles ont pu, ces deux dernières années, susciter un tel engouement. Comme si tous les investisseurs qui ont cru dans ces fables, avaient inhalé des gaz euphorisants et se baignant dans un doux nuage d’intox leur masquant la réalité. Prenons Sono. Qui peut croire raisonnablement qu’une auto électrique recouverte de panneaux solaires forcément beaucoup plus chers que des pièces de tôle ou de plastique, puisse être vendue 25 000 euros ? Qui peut s’imaginer que les clients, au moindre accrochage, soient prêts à payer un bras le moindre changement de ces mêmes panneaux ?
Du côté des fans d’Hopium, qui peut croire qu’un particulier, ou une entreprise, puisse louer ou acheter une berline à 120 000 euros, en sachant qu’en France, il n’y a qu’une trentaine de stations à hydrogène susceptibles de la recharger ? Qui peut seulement imaginer qu’un quidam, ou une boîte, puisse établir ses trajets non en fonction de ses besoins, mais de la carte de France des stations de recharge ? Tous les professionnels qui travaillent sur l’hydrogène sont d’accord : l’avenir à moyen terme de cette techno est réservée aux poids lourds, utilitaires et taxis, à des professionnels qui effectuent des trajets en boucle autour des stations et n’ont que faire de berlines de luxe.
Pourtant, malgré ces évidences, les pouvoirs publics français, allemands et européens, comme les marchés, ont plongé et ont nourri une utopie sur la base de quelques promesses d’embauches et d'un avenir plein de dividendes. Comme si, pour eux, n’importe quel start-up était susceptible de se transformer, d’un coup de baguette magique en ce nouveau Tesla qui manque tant à la vieille Europe.
L’explication de cet engouement tient justement dans ce fantôme, celui de Tesla qui trotte dans toutes les têtes des financiers. Personne ne veut passer à côté de la future poule aux œufs d’or. Alors, on investit à tour de bras, y compris dans le n’importe quoi, de peur de rater quoi que ce soit. Une stratégie financière au doigt mouillé ou l’on préfère perdre un peu d’argent, pour, le cas échéant, et un miracle, en gagner beaucoup.
Les bons vieux constructeurs rassurés
Mais au-delà de ces errances, cette chute des deux jeunes pousses françaises et allemandes, permet de rappeler quelques évidences de bon sens. L’industrie automobile n’en est plus à l’ère des pionniers, à l’aube du XXe siècle, lorsque des ingénieurs un peu fous bricolaient des engins automobiles dans des ateliers de Levallois. Les années ont coulé sous les pneus, la filière s’est ramifiée, structurée. Elle est devenue tellement gigantesque qu’il paraît illusoire de partir d’une page blanche pour créer une nouvelle marque, pour devenir un nouveau constructeur.
On a tant répété, au cours des dernières années, que les vieux constructeurs étaient finis, que leur temps était révolu. Cette double annonce de jeunes pousses mal en point fait donc leur affaire et les conforte dans leurs tours de verre de leurs puissants sièges sociaux. Qu’ils veillent quand même à ce qu’elles ne se transforment pas en tour d’ivoire.
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