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L'avenir est électrique? Oui, MAIS...

De plus en plus de bornes déployées, une offre qui se diversifie chez les constructeurs, et des utilisateurs séduits : la voiture électrique pousse peu à peu ses pions. Pour autant, de nombreux freins à son développement se dressent encore, à la fois financiers, sociétaux, industriels et tout simplement techniques. Etat des lieux.

L'avenir est électrique? Oui, MAIS...

Il existe différentes manières de percevoir l’avenir électrifié qui se dessine pour l’automobile, et il n’est pas interdit d’être optimiste.

Dans la cinquième édition de son baromètre consacré aux Français et à la mobilité électrique, réalisé avec Ipsos et tout récemment publié, l’Avere France nous apprend ainsi que « 83 % des Français se disent prêts à changer leurs habitudes de mobilité pour améliorer la qualité de l’air et 82 % pour lutter contre le changement climatique. »

Sachant par ailleurs que 76% des personnes interrogées disent parcourir moins de 50 km chaque jour (29 km en moyenne), alors même que 60% des voitures électriques commercialisées disposent d’une autonomie de plus de 300 km, on voit que l’électrique pourrait rapidement trouver toute sa place dans le quotidien d’une grande partie des Français.

Des Français qui se laissent de plus en plus tenter par les voitures à batteries, lesquelles ont représenté près de 10% des immatriculations de voitures neuves l’an dernier, soit 162 000 voitures, et 46% de mieux qu’en 2020.

La France s’électrifie progressivement, à la faveur d’aides à l’achat encore généreuses et d’un réseau de charge qui s’étoffe peu à peu (ici une station Fastned). On est certes encore loin de l’objectif de 100 000 bornes accessibles au public (53 667 au pointage du 31 décembre), mais une dynamique est bel et bien créée.
La France s’électrifie progressivement, à la faveur d’aides à l’achat encore généreuses et d’un réseau de charge qui s’étoffe peu à peu (ici une station Fastned). On est certes encore loin de l’objectif de 100 000 bornes accessibles au public (53 667 au pointage du 31 décembre), mais une dynamique est bel et bien créée.

Les annonces se succèdent de tous côtés depuis quelques semaines. Outre Tesla qui ouvre progressivement son réseau de Superchargeurs aux autres marques et installe des bornes sur des parkings de supermarchés, on peut citer le gestionnaire de parking Q-Park, qui prévoit l’installation de 4 000 bornes, sur les 126 000 places qu’elle exploite dans 70 villes de France.

Dans les Hauts-de-France, Stations-e vise les 1 000 stations d’ici 2025. Le Hollandais Fastned poursuit quant à lui son déploiement le long des autoroutes, où il comptera bientôt 11 stations de la recharge rapide.

Vinci Autoroutes, lui, annonce que 55% de ses aires seront déjà équipées de bornes de recharge rapide, et vise les 100% à l’horizon 2023. Ambition identique du côté du groupe Sanef, notamment.

Et l’on pourrait multiplier les exemples à l’envi, comme par exemple avec Norauto qui d’ici la fin de l’année aura équipé 135 de ses centres en bornes de recharge rapide (50 à 180 kW).

Dans ces conditions, on peut estimer que le rythme de déploiement des bornes se hissera dès cette année au niveau de la hausse du marché des voitures rechargeables (hybrides ou 100% électrique), qui avait crû de 63% l’an dernier.

Inquiétude des industriels

L’automobile électrique est bel et bien lancée, et il va maintenant falloir accompagner le mouvement, notamment du côté des industriels que la rapidité de cette mutation effraie, à juste titre d’ailleurs.

A ce chapitre, on se réfèrera aux réguliers coups de griffes délivrés par Carlos Tavares, Directeur général de Stellantis. « Ce qui a été décidé, c’est d’imposer à l’industrie automobile une électrification qui ajoute 50% de coûts additionnels à un véhicule conventionnel. Il est impossible que nous répercutions 50% de coûts additionnels au consommateur final, parce que la majeure partie de la classe moyenne ne sera pas capable de payer », avertissait-il récemment.

Le surcoût d’une voiture électrique par rapport à son homologue essence est en effet très important, même s’il est en partie compensé par des coûts d’usage moindres, notamment côté carburant et frais d’entretien.

Et le risque est de créer une France à deux vitesses, avec d’un côté les automobilistes électrifiés qui pourront accéder aux futures Zones à Faibles Emissions mobilités (ZFE-m), et de l’autre ceux qui faute de moyens devront se cantonner aux périphéries au volant de leurs vieux diesels.

Les ZFE-m concerneront toutes les 45 agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici le 31 décembre 2024. Si leur intérêt écologique est indéniable, les conséquences sociétales de leur mise en place inquiètent.
Les ZFE-m concerneront toutes les 45 agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici le 31 décembre 2024. Si leur intérêt écologique est indéniable, les conséquences sociétales de leur mise en place inquiètent.

« Porter la part de marché du véhicule électrique de 8% à 100% des ventes en si peu de temps (d’ici 2035, NDLR) constitue un pari extrêmement risqué. Il laissera probablement des millions de ménages parmi les moins aisés, résidant dans les territoires ruraux ou périurbains, sur le bord de la route. Faute de mesures financières fortes en faveur du budget mobilité des ménages, la conversion du parc automobile apparaît clairement comme une gageure », tonne Matthieu Séguran, délégué général de la Fédération de la distribution automobile (FEDA).

100 millions d'euros pour 1 000 km d'autoroute

Par ailleurs, si l’impulsion délivrée par les pouvoirs publics est une condition nécessaire à cette refonte en profondeur du parc automobile, elle n’est pas encore suffisante. Pour parvenir à imposer durablement les voitures dites propres, d’autres obstacles vont devoir encore être levés, au-delà des risques de casse industrielle et sociale évoqués plus haut.

Il va falloir beaucoup d’argent. Le déploiement des réseaux de charge coûte en effet terriblement cher. Une étude Vinci Autoroutes / Altermind que Caradisiac s’est procuré indique qu’il faut compter 100 millions d’euros par tranche de 1 000 km pour le seul déploiement d’un réseau de puissance et de bornes destinées aux véhicules légers. Hors de prix, certes, mais incontournable dans la mesure où l’autoroute représente 30% des distances totales parcourues en France.

La France comportant 12 000km d’autoroute, il faudrait débourser 1,2 milliard d'euros pour y déployer massivement des bornes rapides et le réseau de charge afférent. (photo Vinci Autoroutes)
La France comportant 12 000km d’autoroute, il faudrait débourser 1,2 milliard d'euros pour y déployer massivement des bornes rapides et le réseau de charge afférent. (photo Vinci Autoroutes)

Les copropriétés privées, maillon faible de la recharge à domicile, vont quant à elles pouvoir profiter d’un nouveau financement de la Caisse des dépôts, qui dispose maintenant d’une filiale dotée d’un budget de 150 millions d'euros. Objectif : 125 000 points de recharge installés dans 16.000 « copros » à l’horizon 2024.

Des coûts énormes seront là encore mobilisés, et il est dans le même temps permis de se demander comment l’Etat compensera le manque à gagner induit par la moindre appétence des Français pour les carburants fossiles.

Rappelons en effet que la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques) qui s’élève à 60,75 centimes par litre pour le gazole et 69,02 centimes pour le SP95-E5, représente la quatrième rentrée fiscale de l’Etat ! « Pour 1 centime de baisse dela TICPE, c’est un demi-milliard d’euros de coûts », expliquait à l’automne dernier Bruno Le Maire, ministre de l’économie.

Les pouvoirs publics vont financer généreusement une transition écologique qui risque à terme de générer un énorme manque à gagner…sauf à taxer, d’une façon ou d’une autre, l’électricité-carburant. Ce qui risque bien de finir par arriver.
Les pouvoirs publics vont financer généreusement une transition écologique qui risque à terme de générer un énorme manque à gagner…sauf à taxer, d’une façon ou d’une autre, l’électricité-carburant. Ce qui risque bien de finir par arriver.

Savoir-vivre et savoir-brancher

Autre souci avec l’électrique, le manque de savoir-vivre de nombre d’automobilistes.  C’est plus anecdotique (encore que) mais les forums Internet et groupes dédiés à la voiture électrique sur les réseaux sociaux fourmillent de ces témoignages (photos à l’appui) de bornes squattées par des voitures thermiques, voire (et c’est pire) par des voitures électriques qui ne s’y branchent pas et considèrent ces sources d’approvisionnement comme de simples places de stationnement qui leur seraient réservées, empêchant ainsi ceux qui en ont besoin de faire leur propre plein d’électrons.

Au-delà du caractère déplorable d’une telle attitude vis-à-vis d’autrui, cela constitue aussi un repoussoir pour des automobilistes tentés de passer du thermique à l’électrique.

Stationnement interdit sauf aux voitures EN CHARGE, faudrait -il rajouter...
Stationnement interdit sauf aux voitures EN CHARGE, faudrait -il rajouter...

Enfin, au-delà du nombre de bornes déployé, l’état des lieux de la recharge électrique en France n’a rien de folichon, ainsi que le détaille le dernier bilan dressé par l’Association Française pour l’Itinérance de la Recharge Électrique des Véhicules (Afirev).

Ainsi, 76% des conducteurs de véhicules électriques déclarent avoir rencontré une borne de recharge hors-service au cours des 6 derniers mois. De plus, 27% des points de recharge ne sont pas disponibles 99% du temps, avec des disparités d’une région à l’autre, tandis que 8 utilisateurs sur 10 ont connu une connexion impossible, un arrêt soudain de la recharge en cours de session, ou un câble bloqué.

Si les conducteurs de véhicules électriques affichent 82% de taux satisfaction concernant le service sur l’ensemble des lieux de recharge, de trop nombreux dysfonctionnements restent à déplorer.
Si les conducteurs de véhicules électriques affichent 82% de taux satisfaction concernant le service sur l’ensemble des lieux de recharge, de trop nombreux dysfonctionnements restent à déplorer.

Par ailleurs, 51% des utilisateurs ont dû faire appel à une assistance téléphonique au cours des 6 derniers mois. C’est certes 14% de moins qu’en 2020, mais cela démontre que l’utilisation des bornes conserve un caractère aléatoire.

« Bien que les utilisateurs restent à 82% satisfaits desdifférentes infrastructures de recharge accessibles au public, ces chiffres, stables par rapport à l’édition précédente, confirment les problèmes de disponibilité et de fiabilité des installations derecharge », commente l’Afirev.Et l’association de formuler plusieurs recommandations pour améliorer la qualité de service et l’expérience des utilisateurs, parmi lesquelles une formation à l’utilisation des bornes qui pourrait être mise en place dans les auto-écoles, une harmonisation des tarifs de la recharge qui rendrait les choses plus claires pour les usagers, ou bien encore un renforcement de la maintenance opérationnelle des installations. On le voit, bien du chemin reste à faire pour imposer durablement l’électrique dans le paysage automobile.

L'avenir est électrique? Oui, MAIS...

 

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