L’ONU et le transport durable : entre interrogations et contradictions
Les Nations Unies ont organisé fin novembre dernier leur première conférence sur le transport durable. Durant deux jours, à Achgabat, capitale du Turkménistan, hauts responsables, dirigeants des grandes entreprises de ce secteur et représentants de la société civile ont réfléchi sous la présidence du Secrétaire général Ban Ki-moon à rendre le monde plus sûr et plus sain pour tous. Et ce n’est pas si facile.
D’abord, on peut s’interroger sur l’opportunité de réfléchir à un monde sûr et durable dans un pays où la situation des droits de l'homme est critique. Le régime du Turkménistan est de type autocratique qui restreint un grand nombre de libertés tandis que l’on estime qu'un peu plus de 50 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Une conjoncture dans laquelle a évolué la communauté internationale concentrée sur une question qui dépasse et de loin le triste quotidien de la population qu’elle n’a pu totalement ignorer dans son quotidien. Mais il est vrai que le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon avait déclaré dans son discours inaugural : « nous sommes ici pour les habitants de cette planète dont nos enfants et nos petits-enfants ». Les manquements dont souffrent spécifiquement ceux du Turkménistan n’étaient pas à l’ordre du jour.
Ensuite, il a été beaucoup question de la propulsion électrique. À l’aune de ce credo martelé à satiété : les transports figurent parmi les secteurs qui polluent le plus, ils sont responsables d'un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Dont acte. Mais quelle solution de substitution ? Les batteries. Et l’exemple mis à l’honneur a été la Norvège.
La Norvège compte le plus grand nombre de voitures électriques rechargeables par habitant au monde. « Quand vous achetez une voiture électrique dans la capitale, Oslo, vous pouvez rouler sur les terrains aménagés en bordure des routes, ce qui vous permet d'éviter les bouchons », a expliqué John Mikal Kvistad, diplomate norvégien chargé des relations avec l'Iran. « Les taxes sont extrêmement faibles pour les voitures électriques, donc c'est aussi une acquisition très intéressante pour le porte-monnaie, » assure-t-il.
Avec l’électricité, on peut aussi inciter les populations à privilégier l'usage du vélo et des transports collectifs. Les trains électriques sont considérés comme une option des plus durables. Jean-Pierre Loubinoux, directeur général de l'Union internationale des chemins de fer a d’ailleurs précisé que le Turkménistan, avec l'ensoleillement dont il jouit, peut développer l'énergie solaire pour qu'elle puisse être utilisée pour faire circuler des trains.
Sauf que le solaire n’est pas ce qui permettra d’alimenter à court terme la forte demande en électricité qui pointe à l’horizon. En revanche, les centrales nucléaires sont prêtes à répondre et à produire. Un paradoxe insupportable pour une âme écologique militante qui ne peut se résoudre à encourager la propulsion électrique tout en reconnaissant que le nucléaire honni soit la seule façon réaliste de développer des moyens de locomotion équipés de batteries à charger.
Enfin, d'après un rapport remis au Secrétaire général de l'ONU en octobre, les besoins en investissements pour développer les transports durables dans le monde pourraient représenter jusqu'à 2 000 milliards de dollars par an. Wu Hongbo, Secrétaire général adjoint des Nations Unies pour les affaires économiques et sociales a précisé : « pour ce qui est des pays développés, ils doivent investir 3 % de leur PIB chaque année pour faire évoluer leurs infrastructures. Mais les finances publiques – nationales et internationales mises ensemble – ne devraient pas suffire ; donc cela nécessite de faire appel au secteur privé ».
Cette mobilisation financière privée permettrait de réduire les coûts opérationnels dans les transports et ferait économiser jusqu'à 70 mille milliards de dollars d'ici 2050. Elle sera donc recherchée. Sans doute un bienfait, mais il ne faudra pas oublier que le secteur privé n’a pas pour vocation un altruisme ductile. Il aidera à l’intérêt général mais pensera avant tout au sien. En traitant par exemple avec un Turkménistan aux préoccupations assez éloignées du bien-être du citoyen planétaire au vu de sa manière à agrémenter le sort quotidien de sa propre population.
Résumons : une réunion de l’ONU affirmant ses valeurs universelles dans une dictature qui les bafoue ; un appel à la propulsion électrique sur la base encore onirique de l’énergie solaire en s’entêtant dans le déni d’une énergie nucléaire seule à pouvoir développer ce type de propulsion à court terme… Autant dire que la cause n’est pas gagnée.
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