La Denza Z9 GT, chinoise, peut-elle faire trembler les premium et sportives allemandes ?
Manuel Cailliot , mis à jour
On commence à bien connaître la marque chinoise BYD, mais son émanation premium baptisée Denza, elle, est parfaitement inconnue chez nous. Elle débarque en Europe et donc en France avec un premier modèle baptisé Z9 GT, une grande berline qui ambitionne de rivaliser avec les modèles premium, voire sportifs, allemands. Avec des arguments ? Oui, et plutôt !

Les Français acheteurs potentiels de voiture commencent à connaître la marque chinoise BYD (Build your Dreams), qui a investi notre marché en juin 2023, et commercialise entre autres les modèles Dolphin, Atto 2 et 3, Seal, Seal U, Han ou Tang. Eh bien figurez-vous que, tel Lexus pour Toyota, ou Infiniti pour Nissan, la marque possède sa sous-marque "premium" (ou plutôt sur-marque en l'occurrence), baptisée Denza (pour Diverse, Elegant, Novel, Zenith et Aspirational).
Apparue en 2010 dans l'Empire du Milieu, Denza a commercialisé là-bas son premier modèle en 2014 (la Denza 500). D'abord coentreprise Daimler/BYD, Denza passe à 100 % dans le giron de BYD en 2022. Et cette année, c'est avec une ambition palpable (et démesurée) que la griffe luxueuse du constructeur de Shenzen se lance sur le marché européen et donc français.
Contre toute attente, le premier modèle n'est pas un SUV, mais une grande berline routière, la Z9 GT, concurrente des BMW Série 5/i5 et 7/i7, Mercedes Classe E/EQE et S/EQS ou autres AMG-GT Coupé 4 portes 63 S e-Performance, Volvo ES90, voire Porsche Panamera Turbo S-Hybrid ou Taycan Sport Turismo.

Le discours marketing de lancement prêterait presque à la moquerie. On a vraiment l'impression que la marque lance la 8e merveille du monde. L'argumentaire est outrageusement dithyrambique : style et élégance intemporels, technologie révolutionnaire, inspiration des formes "soie dans le vent", "10 fois meilleure que la concurrence historique", tout cela est bien à la mode chinoise et prête à sourire.
Mais il y en a, du côté de Munich, Stuttgart ou Ingoldstadt, qui vont plutôt rire jaune (sans mauvais jeu de mots), à la vue de la fiche technique de la Z9 GT, et sa qualité de réalisation. Qui sans mentir, nous ont bluffés, comme c'est souvent le cas avec les dernières productions chinoises, comme la Xiaomi SU7 récemment découverte.
Un style finalement plus consensuel qu'original
Mais commençons par le style, qui n'est pas si impressionnant. Signé du bureau de style BYD, mené par un Allemand, Wolfgang Egger (ancien de chez Alfa Romeo et Audi), il n'est certes pas désagréable, et même plutôt dynamique et acéré. Mais il n'affiche aucune originalité particulière. C'est assez consensuel, avec des inspirations européennes oui, allemandes sans aucun doute, on peut même lui prêter de loin et de 3/4 arrière des traits de Porsche Panamera ou de Taycan Sport Turismo. Voire d'Alfa Romeo Brera !

La face avant arbore de longues optiques à double étage, qui s'étirent très largement sur les ailes, une petite calandre en partie basse, et un long capot nervuré. On apprendra à reconnaître le nouveau logo de Denza, qui figure en 3D en son centre un sablier, censé représenter "l'intemporalité de l'élégance du design de la marque" (sic).

Le profil semble très étiré, et pour cause ! Car côté gabarit, si la hauteur est contenue à 1,50 m, la longueur ne fait pas dans la demi-mesure, avec 5,18 m pour la version électrique, et même 5,20 m pour la version hybride rechargeable (nous reviendrons plus tard sur la technique). C'est autant qu'une Mercedes Classe S, ou qu'une Audi A8, et bien plus qu'une Panamera (5,05 m) ou qu'une Taycan (4,96 m). Quant à la largeur, il faudra compter 2 petits mètres entre les rétros (repliés...). Un beau bébé donc, dont le poids n'a pas été officiellement communiqué, mais qui nous a été annoncé autour de 2,9 Tonnes.
Ce profil affiche en tout cas d'énormes jantes de 20 ou 21 pouces, des poignées affleurantes, le logo Denza enchâssé dans le montant arrière, et une singulière pièce en plastique noir, qui part de l'aile avant pour se prolonger dans les portières et le bouclier arrière, séparant en deux la partie basse de l'auto. Les portes sont sans encadrement, et s'ouvrent et se ferment toutes électriquement (probablement une option), comme le hayon, qui porte deux gros feux dont la signature lumineuse est en forme de sablier, là encore référence à l'intemporalité du design. Ils sont surtout assez massifs, tout comme le béquet de toit, qui intègre en son centre deux caméras, pour la rétrovision et les aides à la conduite.

Cette poupe est en tout cas assez massive, manque par conséquent de finesse et n'est pas très originale. Un peu comme l'ensemble du style, à notre sens. Mais on se gardera d'en juger péremptoirement, car la Z9 GT pourrait aussi plaire. Elle n'est ni plus ni moins classique que sa concurrence, exception faite de la baroque et outrancière Série 7/i7 de BMW... Et globalement, s'inscrit plus dans la lignée des shootings brake que des grandes berlines.
Un habitacle impressionnant de qualité et de technologie
Quand on pénètre à bord, on reste tout d'abord scotché par la qualité de réalisation et des matériaux. C'est bien simple, Denza se réclame d'un statut premium, et ce n'est pas usurpé. C'est même en certains endroits plus qualitatif que chez Audi ou Mercedes. Pas un cm2 de cet habitacle n'est fait de plastique dur. On retrouve du cuir surpiqué, du cristal pour les boutons et interrupteurs, du bois, des plastiques moussés jusque dans les recoins les plus cachés.

Décidément, les chinois sont impressionnants à ce niveau, nous l'avions déjà constaté chez BYD ou Xiaomi. Tout aussi impressionnante est l'enfilade d'écrans qui compose la planche de bord. Devant le conducteur, une dalle de 13,2 pouces, qui trouve son homologue en face du passager. L'écran multimédia central fait 17,3 pouces (et ne pivote pas à la verticale comme ceux des modèles BYD). Et sur notre version dotée des rétroviseurs caméras, deux autres écrans viennent se poser sur les contreportes, tandis que le rétroviseur central peut lui aussi afficher ce qui se passe derrière sur un écran. Si on compte bien, cela fait six écrans. Et il faut y ajouter un septième qui sert aux passagers arrière pour les réglages des sièges et de la climatisation.
La sellerie parlons-en. Elle est en cuir, chauffante, ventilée, massante et on peut étendre le siège passager, et en options les sièges latéraux arrière, en mode "lounge", électriquement.

L'espace à l'arrière est proprement royal (merci l'empattement de 3,13 m !) et permet d'étendre les jambes comme dans son salon, l'accoudoir central peut cacher un réfrigérateur, tout comme d'ailleurs l'accoudoir avant. On peut descendre à - 6 °C, ou au contraire garder au chaud ses dumplings porc/champignon. Les sièges latéraux, comme à l'avant peuvent être électriques, chauffants, ventilés et massants, tandis que deux miroirs de courtoisie permettront de garder un œil sur son brushing ou son maquillage.

Par contre, le volume de coffre (non communiqué) semble réduit, par rapport au gabarit de la bête. Il ne semble pas y avoir plus de 450 ou 480 litres. Au moins dispose-t-on d'un petit espace, mais peu haut, sous le plancher. Et les sièges arrière sont rabattables électriquement depuis la malle quand l'option est souscrite. Pas de coffre sous le capot avant pour les modèles présentés lors de cet événement, car c'étaient tous des hybrides rechargeables. La version 100 % électrique en dispose, mais son volume n'a pas été communiqué (voir portfolio).

Bien sûr l'équipement semble pléthorique. Nous avons évoqué déjà pas mal de fonctions de confort, mais on peut ajouter la conduite autonome de niveau 2 voire 3, la sélection de modes de conduite, l'affichage tête haute, les deux emplacements de recharge par induction, le micro dans la boîte à gant pour les soirées/trajets karaoké (les chinois adorent), la sono signée du spécialiste français Devialet (20 haut-parleurs), les caméras 360°, l'ouverture/fermeture de toutes les portes électriquement "soft close", le double toit panoramique occultable, la climatisation quadri-zone, etc., etc.
Deux motorisations et des performances de supersportive
Côté technique, cette nouvelle Z9 GT sera disponible, vous l’aurez compris, en deux versions : la première est 100 % électrique, animée par 3 moteurs, un à l’avant et deux à l’arrière, qui développent conjointement 965 ch. Elle abat le 0 à 100 en 3,4 secondes, et dispose d’une batterie de 100 kWh de capacité, qui lui offre une autonomie de 630 km selon le cycle d’homologation chinois CLTC, très optimiste. En norme WLTP européenne, cela devrait correspondre à 500 km environ.

La deuxième est hybride rechargeable. En plus des trois moteurs électriques, un peu moins puissants, elle dispose d’un moteur thermique 4 cylindres de 207 ch qui sert de générateur pour la batterie de 38,5 kWh de capacité, qui permet une autonomie en 100 % électrique de 201 km selon le cycle chinois, probablement plutôt 150 km en cycle WLTP. La puissance cumulée est de 870 ch dans son cas.
Les performances sont plus que consistantes dans les deux configurations, puisque le 0 à 100 est abattu en 3,4 s en électrique et 3,6 secondes en hybride rechargeable.
Par contre le constructeur n’a pas communiqué sur les puissances de recharge, mais les informations concernant les versions chinoises donnent 270 kW maximum pour la version électrique et 82 kW pour l’hybride rechargeable.
Une plateforme qui offre des possibilités assez incroyables
Enfin côté châssis, Denza démontre tout son savoir-faire, et celui du groupe BYD. La nouvelle plateforme utilisée, baptisée e3, ou e "cube", intègre tout ce qui se fait de mieux aujourd’hui, dans une architecture dite CTB (cell to body, ou batterie intégrée au châssis). Elle est capable de rivaliser avec les meilleures propositions premium ou sportives allemandes. Ainsi on trouve des trains roulants évolués (double triangulation à l'avant et train multibras à l'arrière, une suspension pneumatique capable de s’adapter au profil de la route, de changer de hauteur (voire de sauter !) mais aussi des roues arrières directionnelles.
Elles peuvent braquer de 10 degrés dans un sens ou dans l’autre (comme la Mercedes EQS en option) et donnent à cette berline de 5,20 m de long une maniabilité de twingo avec un rayon de braquage de 4,62 m. Mieux, elles autorisent, en braquant dans le même sens que les roues avant, de rouler "en crabe". Nous avions déjà vu cela sur le dernier Hummer électrique. Une fonctionnalité peu utile mais toujours amusante à voir.

Et mieux encore, en combinant le braquage et la possibilité des moteurs arrière de tourner dans des sens différents, une roue en arrière, une roue en avant, la Z9 GT peut pivoter sur elle-même, à la manière d'un compas, et "glisser" du train arrière. Cela permet par exemple de se garer en plongeant dans la place en marche avant puis en faisant pivoter l’arrière. Ou bien encore de pouvoir passer des épingles très serrées, sans avoir besoin de faire de manœuvres en marche arrière. Gadget, c’est certain, mais encore une fois, c’est amusant et impressionnant à voir en action.
Un comportement dynamique... dynamique !
Nous avons par ailleurs pu prendre le volant de la bête quelques minutes sur circuit fermé, avec une version Hybride rechargeable. Parfaitement insuffisant pour se faire une idée, évidemment, mais pour des premières petites impressions, pourquoi pas. On peut d'ores et déjà dire que oui, la Z9 GT accélère fort et a de l'allonge. Nous avons pris près de 200 km/h sur la ligne droite du circuit de Vairano (propriété du bien connu magazine automobile italien Quattroruote).
Le freinage est à l'avenant, avec un système qui pince des disques avant comme arrière perforés via des étriers fixes à l'avant 6 pistons (manifestement en option, toutes les autos ne les avaient pas), avec vigueur et mordant.

Quant aux suspensions pneumatiques, elles sont effectivement confortables et maintiennent correctement la caisse en mode Sport+. Correctement mais pas parfaitement. Reste que le train arrière semble très mobile, et que le comportement est typé propulsion. Les roues arrière directrices donnent enfin une agilité remarquable à l'auto, qui tourne dans un mouchoir de poche malgré son gabarit éléphantesque.
Et oui, le test de freinage automatique d'urgence fut un succès.
Le seul gros défaut, comme d'habitude avec ce type d'auto, réside dans l'inertie due au poids aussi pachydermique que le gabarit. Mais c'est moins criant que parfois. Nous aurons à cœur de confirmer ou d'infirmer ces sensations lors d'un véritable essai, avec des versions européennes (ici des modèles en configuration chinoise), et sur route ouverte. Mais il est clair qu'on est très loin de la maîtrise dynamqiue d'une Porsche Taycan, ou d'une Mercedes-AMG GT Coupé 4 portes 63 S e-Performance.
Bien sûr, toutes ces prestations qui sont excellentes sur le papier ne pourront être jugées qu'à l'aune du tarif qui sera pratiqué en France. Et il est pour le moment inconnu. Car s'il est trop élevé, ce qui pourrait être le cas, vu les prix des modèles BYD déjà loin d'être bradés, et qu'il faut y ajouter un malus au poids conséquent, cela pourrait tuer toutes velléités de conquête. Car contrairement aux modèles allemands, l'image de marque est inexistante, le réseau de distribution et d'entretien à monter (probablement adossé au réseau BYD qui compte une cinquantaine de points de vente), la fiabilité et l'approvisionnement en pièces incertains. Et ce n'est clairement pas ça qui fera vendre. Un prix canon, lui, peut-être...
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