Le vélo électrique, un véhicule écologique, vraiment ?
Les ventes de vélos électriques continuent de progresser, malgré un marché morose. L’objet en lui-même est vendu comme la solution économique et écologique aux déplacements urbains. Pourtant, en y regardant de plus près, c’est loin d’être aussi glorieux qu’il n’y paraît.
Cela fait maintenant cinq ans que cette rubrique "nouvelles mobilités" a été lancée sur Caradisiac. L’idée était de parler d’engins permettant de se déplacer. Mais à aucun moment, au cours de cette demi-décennie, il n’a été question d’écologie. Jusqu’à aujourd’hui.
Car le vélo à assistance électrique s’est offert une belle image d’engin vert, propre, écologique, respectueux de l’environnement ces dernières années. Il a même droit à des aides pour motiver les citadins et autres à adopter une « mobilité douce ». Pourtant, en y regardant de plus près, il est très loin d’être aussi « vert » qu’il n’y paraît. Car au prix souvent délirant s’ajoute une réparabilité qui frôle le zéro, et on ne parle même pas d’émissions de CO2.
Les moteurs : chasse gardée des fabricants, impossibles à réparer
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les moteurs de vélos à assistance électrique sont de véritables boîtes à secrets. Comprenez que les différents acteurs (pour ne pas dire tous les principaux, comme Bosch et Shimano, par exemple) rendent, par leur politique, leurs moteurs irréparables. Le moteur est alors remplacé. L’ancien est renvoyé. Outre l’empreinte carbone de cet échange, le coût est important. Tant et si bien qu’une fois leur moteur hors service, les VAE finissent à la benne, et les parties vendables se retrouvent sur des sites d’annonces entre particuliers.
Car les revendeurs et même les réparateurs de vélos électriques n’ont pas accès aux pièces OEM. Autrement dit, ils n’ont pas le droit de réparer ces moteurs. D’autant que la loi impose une garantie de deux ans sur les réparations. Sans accréditation et pièces officielles, cette garantie n’est pas valable.
D’ailleurs, lors de notre visite de la chaîne d’assemblage des moteurs Yamaha en France, nous avions constaté une technologie plutôt basique à l’intérieur, avec des engrenages en polycarbonate (matériau adapté à la réduction du poids et des coûts de production). À la question : « Est-ce réparable ? Y a-t-il un entretien préconisé ? », la réponse était : « La règle implicite dit que le moteur doit durer la vie du vélo » sans avoir besoin d’entretien.
Allons bon, la vie du vélo, voilà qui est flou. Mais force est de constater que ces moteurs sont généralement très résistants. Ce qui n’enlève rien au problème.
La durée de vie variable des moteurs de VAE
Oui, certains possèdent un VAE depuis des années. Oui, il fonctionne toujours. Mais c’est voir le problème sous le mauvais angle. La vie d’un véhicule est liée à plusieurs facteurs : le temps, le nombre de kilomètres parcourus, l’utilisation qui en est faite et le ménagement de la mécanique, l’environnement dans lequel il est utilisé et, bien évidemment, l’entretien de la mécanique. Or, le moteur d’un VAE ne s’entretient pas et, comme nous l’avons mentionné plus haut, ne se répare pas.
Il va donc enchaîner les kilomètres. La limite légale des 250 W oblige les constructeurs à réduire le poids et à optimiser le rendement. Dans l’histoire de l’industrie, augmenter le rendement en réduisant le poids se traduit par deux possibilités : augmenter le coût et réduire l’espérance de vie. Pour le coût, c’est clairement visible sur les étiquettes.
Pour la durée de vie, cela dépend des constructeurs.
Bosch bénéficie d’une bonne réputation, ce qui n’est pas le cas de Bafang. Mais nous n’avons malheureusement pas de chiffres à communiquer. Et pour cause, relevée par le site Bike Europe, une analyse de Velotech a pointé du doigt le manque de données permettant d’établir des analyses poussées. Il est déjà difficile d’établir un classement des parts de marché. Seul le constructeur Yamaha a accepté de fournir des informations. Rien d’étonnant : Yamaha nous avait également conviés à l’inauguration de sa chaîne de production dans les Hauts-de-France, avec l’accès aux pièces en cours d’assemblage. Le constructeur japonais affiche une réelle transparence.
La batterie à 100 patates
La batterie est l’autre élément clé d’un VAE. Retirez-la et vous obtenez, pour la majorité des vélos du marché, une enclume à rouler. Sachant qu’à la différence du moteur, la batterie est un consommable. Il faudra donc fatalement la changer, et la note fait mal.
Ainsi, une batterie Powertube Bosch de 400 Wh (0,4 kWh) est revendue autour des 600 euros. Soit un coût au kWh de 1 500,00 euros, quand une batterie Shimano de 504 Wh coûte 644,37 € TTC.
À titre de comparaison, dans le secteur automobile, le coût d’une capacité d’un kWh de chimie NCM est de 107 euros. Pour la chimie LFP, il revient à 94 euros.
Ainsi, une batterie de remplacement de chimie NCM de 80 kWh coûterait 8 560 euros HT, soit 10 272 euros TTC. En appliquant le barème des batteries de vélo, ce montant serait de 120 000 euros pour Bosch et de 103 000 pour Shimano.
Et non, faire des batteries pour un vélo n’est pas plus compliqué que pour une automobile, c’est même l’inverse : les technologies de charge sont dépassées et les BMS (Battery Management System) sont basiques.
Que fait l’Europe ?
C’est une question qui mérite d’être posée. Pendant qu’Apple se voit contrainte par la Commission européenne d’ouvrir son écosystème aux accessoires tiers, les constructeurs de vélos ne permettent pas l’adaptation de batteries génériques ou la réparation des moteurs. D’ailleurs, ils sont exemptés de l’indice de réparabilité (voir lien officiel) imposé par la loi anti-gaspillage du 1er janvier 2021.
Votre vélo électrique est ainsi lié à la durée de production de sa batterie et de son moteur, sans aucune alternative possible. Et son achat est même financé en partie par l’État et les régions.
Mis à part Yamaha pour certaines références et Valéo, les moteurs les plus vendus (Shimano, Bosch, Bafang) sont produits en Chine. Quant aux batteries, elles viennent toutes de là-bas.
Des composants de plus en plus complexes
Avec l’arrivée des boîtes de vitesses automatiques, le vélo s’est doté d’une solution confortable, si tant est qu’utiliser un shifter pour passer les vitesses soit compliqué.
Cette solution s’ajoute à la trop longue liste de solutions propriétaires dont la pérennité est liée à l’existence de l’entreprise et à sa capacité à la produire.
Certains constructeurs intègrent même la batterie au cadre, la rendant ainsi inamovible, et multiplient les pièces spécifiques propriétaires, coupant tout recours à un quelconque fournisseur alternatif.
Enfin, l’arrivée de système connecté et de traceur GPS verrouille un peu plus le système.
Des vélos au prix des motos
Les vélos électriques sont hors de prix. Pourtant, leurs versions musculaires, elles, sont abordables, quand elles existent.
La marque Yuba nous permet de comparer cela. En effet, le constructeur propose un vélo de type long tail en version musculaire, et exactement le même en version électrique. Ce dernier est doté d’un moteur Shimano Steps d’entrée de gamme délivrant 40 Nm de couple et d’une batterie modeste de 400 Wh.
La version musculaire coûte 999 euros, tandis que la version électrique est vendue 2 999 euros !
Nous pourrions contester en indiquant que, sur la version électrique, les freins à disque sont désormais hydrauliques. Mais cela ne justifie en rien le prix.
Aussi, en voyant des promotions « Black Friday » engendrant des remises de -50 %, nous nous doutons que la marge est faramineuse. Car pour rappel, seules les soldes permettent de vendre à perte.
Une empreinte carbone qui rend le vélo plus polluant que l’automobile ?
Nuançons les propos derrière cet intertitre provocateur. Si vous disposez d’une voiture électrique, alors rouler avec en France (en utilisant de l’électricité nucléaire) au quotidien pour des petits trajets pollue moins qu’utiliser un VAE, dont la conception des pièces est réalisée en Chine.
Car la voiture est un achat déjà réalisé. Le vélo s’ajoute.
Si l’empreinte carbone de la production et de l’utilisation du VAE est inférieure à celle de l’utilisation de la voiture pour ces trajets faits à vélo, alors le vélo sera un choix plus vertueux.
Mais c’est en réalité l’inverse, et la pollution engendrée par l’utilisation d’une voiture électrique est inférieure à cet ensemble production + usage du VAE. Surtout lorsque la durée de vie de celui-ci est liée à celle de sa batterie ou de son moteur. La batterie du vélo sera à remplacer avant que le vélo ne prenne l’avantage sur l’automobile.
L’idée ici n’est pas de vendre de la voiture électrique, mais de rétablir quelques ordres de grandeur. Un concept essentiel trop souvent oublié.
Des alternatives crédibles
Il existe bien des alternatives plus écoresponsables (pour utiliser un terme qui irrite, mais qui définit clairement le concept). Le constructeur français Radior, par exemple, réalise la fabrication complète de ses vélos en France. Seules les cellules des batteries sont faites en Asie. Les moteurs ne sont pas réparables, mais leur production n’est pas réalisée à l’autre bout du monde. Les prix restent élevés pour le commun des mortels, et le marché est une niche.
Il y a également la solution du reconditionné. C’est le cas de Rutile Bike, qui propose à la vente des vélos restaurés. Côté écologie, c’est noble, dans la mesure où cela ne nécessite pas un effort financier démesuré. Mais c’est surtout le côté économique qui est mis en avant.
D’ailleurs, le marché de l’occasion a le vent en poupe. Pour le vélo, il est estimé à 30 % des ventes. En rendant les moteurs facilement réparables et les modèles compatibles avec des batteries de constructeurs tiers, la part serait plus grande. Il reste toutefois une remarque pertinente : les batteries de vélos électriques sont une cause majeure d’incendies graves. Cependant, les modèles concernés sont souvent importés et ne répondent pas aux normes européennes. En 2023, Axa Prévention indiquait que 52 incendies causés par des vélos avaient été recensés.
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