Les automobilistes sont-ils réacs ?
La réponse à ce titre provocateur est bien entendue négative. Pour autant, il se trouve que les problèmes du moment, des ZFE, aux 80 km/h, en passant par les radars, le tout électrique et son prix à payer, trouvent un écho plus que favorable dans les médias d’extrême droite et au Rassemblement National que l'on traite généralement de réactionnaires. Une tentative de récupération facilitée par l’abandon de ces sujets par les partis modérés, hormis le parti communiste.
Les automobilistes français en ont gros. Des hausses de tout, des péages au carburant en passant par le prix des autos et les empêcheurs de rouler en rond qui prennent la forme de ZFE ou de directives européennes à venir, la râlerie est sensible. Surtout du côté de la France des « oubliés », cette France périphérique apparue en 2018 revêtue de gilets jaunes qui, d’ailleurs, étaient descendus sur les ronds-points pour protester, au départ, contre une taxe sur les carburants. Même si, à ce moment-là, le sans-plomb était loin de frôler les deux euros comme il semble le faire actuellement.
L’inflation, les yoyos du prix du baril, la guerre en Ukraine, les pénuries de semi-conducteurs ou le climat sont autant de raisons qui peuvent expliquer les hausses de prix de tout ce qui est nécessaire au déplacement ? Elles ne suffisent pas à endiguer le sentiment d’injustice de cette France « qui roule au diesel et fume des clopes » comme la définissait Benjamin Griveaux en 2018. Une France de ceux qui conduisent, contre ceux qui se font conduire, des simples citoyens contre ceux d’en haut, avec voiture et chauffeur.
Zemmour et Le Pen : les seuls à vouloir l'interdiction immédiate des ZFE
C’est surtout le sentiment de ne pas être entendu qui nourrit ce ressentiment et cette injustice. Un fossé entre les conducteurs et les élites qui n’échappe pourtant pas à tous les politiques. C’est notamment le cas du RN et de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour. Aux questions posées par la ligue de défense des conducteurs, ils sont les seuls à s'être exprimé pour la suppression immédiate des ZFE, au moment de la cmpagne pour la présidentielle. Et depuis, l’extrême droite a continué à s'engouffrer dans la thématique automobile, au-delà des zones à faible émission, faisant donner les médias proches de ses idées. C’est ainsi que le magazine Causeur a affiché en Une, « arrêtez d’emmerder les automobilistes». De son côté, Valeurs actuelles n’est pas en reste, n’hésitant pas à titrer « qui veut la peau de la bagnole ».
Les autres médias et les partis traditionnels ? Coincés entre une volonté légitime de sauvegarde de la planète et un ressentiment qu’ils sentent monter, ils se contentent de compter les points et de s’exprimer à demi-mot pour ne fâcher personne. De leur côté, les associations de défense des automobilistes l’avouent : ils rencontrent des échos favorables du côté très à droite de l’échiquier politique.
Les associations sont entendues
C’est ainsi qu’Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de défense des conducteurs explique qu’ « en soumettant nos propositions aux partis politiques, ce sont les seuls qui nous prêtent une oreille attentive ». Pour autant, elle et l’association qu’elle représente, se défendent de toute appartenance politique. Même position de la part de 40 millions d’automobilistes. Son délégué général Pierre Chasseray se défend dans les Échos, en justifiant le fait que son mouvement « rassemble et défend des sympathisants de tous les courants, de tous les partis. On m'en voudrait de faire autrement et de m'affilier. En revanche, quand une proposition de loi est déposée par le RN et qu'elle va dans le sens des automobilistes, je n'ai pas le droit de ne pas la saluer. »
Le RN a trouvé dans cette grogne des automobilistes un parfait os à ronger, car il sait que cette France rurale ou périphérique, cette population qui souffre à chaque fin de mois, qu’elle roule au diesel ou au sans-plomb, forme le ferment de son électorat. Pour autant, selon les observateurs, un nouveau parti semble prêter une oreille attentive à cette grogne, c’est le parti communiste de Fabien Roussel. Lui qui déclarait récemment que les "Français roulent tous en hybride puisqu’ils consacrent la moitié de leur budget à payer leur essence et l’autre moitié à régler leur note d’électricité », semble avoir pris conscience du phénomène depuis la campagne de la présidentielle au cours de laquelle il était resté évasif sur le sujet.
Reste que si les opinions extrêmes de part et d’autre de l'hémicycle sont les seules à s’emparer de cette thématique, et que les partis modérés s’en lavent les mains, la problématique, et l'adhésion qu'elle suppose, dépassera la seule sphère automobile pour devenir un véritable souci démocratique. Mais c’est un autre débat.
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