Sécurité routière - Les radars malades du Covid 19 ?
Après les 30 000 morts du Covid, il ne sera pas simple de vouloir nous sauver la vie sur la route.
On ne connaît toujours pas le nom du remplaçant d’Emmanuel Barbe, l’ancien délégué interministériel à la Sécurité routière, nommé en février préfet des Bouches du Rhône. Pour l’heure, c’est David Julliard, son adjoint, qui occupe le bureau dans la Grande Arche de la Défense. Cinq mois que ça dure et le bonhomme est toujours adjoint. De personne et les candidats n’ont pas l’air de se bousculer. L’est-il lui-même ?
Pas sûr car la sécurité routière, dans les mois qui viennent, ça ne va pas être une sinécure. Pourtant, suite aux deux mois de confinement, 2020 pourrait battre le record du plus faible nombre de tués sur la route depuis la création des statistiques de sécurité routière. Et déjà avant, la tendance n’était pas mauvaise : après cinq années de légère remontée, le nombre de tués sur la route avait baissé de 5 % en 2018 et était resté stable (-0,3 %) en 2019 malgré la flambée – au sens combustion - des radars.
Depuis le début des années 2000 et l’avènement du Mesta 210 et de la tolérance zéro, la France n’est plus parmi les cancres de l’Europe. Avec 48 décès par million d’habitants, nous sommes dans le milieu du peloton, entre la Suède (22 décès pour un million) et la Roumanie (96) même si, dans la dernière décennie, le nombre de tués a moins diminué en France (-19 %) qu’en Europe (-23 %).
Le « meilleur système de santé au monde » a failli
Non, ce qui va rendre la gestion de la sécurité routière très compliquée dans les mois qui viennent, ce sont les conséquences morales, et bientôt judiciaires, de l’épidémie de Covid.
D’abord, la démesure des chiffres : quasiment 30 000 décès en trois mois à comparer aux 3 400 morts par an sur la route. Au plus fort de l’épidémie, le décompte hebdomadaire des seuls hôpitaux pesait plus lourd que le bilan d’une année de crash et collisions.
Ensuite, la légitimité : comment l’État peut-il sanctionner des fautes le plus souvent vénielles – 50 % des excès de vitesse inférieurs à 5 km/h – quand il a à ce point accumulé bourdes, erreurs et manquements.
Comment retirer ou suspendre des permis de conduire, ce qui revient souvent à confiner à domicile, après cet interminable confinement général qui a résulté de l’incapacité de l’Etat à protéger autrement sa population ?
On peut bien dire que peu de pays s’étaient mieux préparés ou ont mieux géré la pandémie, il reste des faits accablants : le non-renouvellement, et pire la destruction des stocks de masque constitués lors de l’épidémie de grippe H1N1 de l’hiver 2009-2010, les retards et errements administratifs dont le refus d’autoriser les laboratoires vétérinaires à participer aux tests de dépistage ou les acheteurs de la grande distribution à effectuer des achats de masques, l’incapacité à organiser la coopération avec les cliniques privées souvent restées vides à côté d’hôpitaux publics surchargés. Sans parler des décisions ou déclarations stupides, scabreuses ou scandaleuses de ministres et hauts fonctionnaires. Pour le pays se vantant de posséder le « meilleur système de santé au monde », le fiasco est avéré.
Les radars sont-ils vraiment des pompes à fric ?
D’un autre côté, et c’est ce qui pourrait au contraire relégitimer l’action de l’État au bord de la route, l’épidémie de Covid a fait la démonstration que l’argent ne gouverne pas le gouvernement.
Le simple fait d’avoir mis l’économie du pays au tapis pour sauver 30 000 ou 100 000 vies – on ne le saura jamais – prouve que pour nos ministres, la vie a plus de valeur que la finance.
Et, pour moi, que l’expression « radar pompe à fric » que je lisais encore vendredi dans un communiqué de 40 millions d’automobilistes est plus qu’imbécile, véritablement ignoble. Pour l’heure, la facture du Covid se monte à 500 milliards d’euros à mettre en rapport avec le milliard que rapportent les radars.
Revenons sur ce qu’il vient de se passer.
Bon an mal an, il meurt 600 000 personnes en France et, s’il ne rebondit pas cet automne, le Covid aura, en 2020, fait grimper ce chiffre de 5 %. Sans le confinement la hausse aurait été de +10 ou 20 % et il n’aurait pas manqué de cyniques pour faire remarquer que l’immense majorité des décès concernant des personnes âgées, malades ou fragiles, leur temps était quoi qu’il arrive compté. En poussant le cynisme dix crans plus loin, certains auraient noté qu’une telle hécatombe de pensionnés valait toutes les réformes des retraites.
Ce n’est donc peut-être pas pour remplir « les caisses de l’État » que l’on nous flashe, nous prune et nous met à l’amende, mais peut-être, il faut l’envisager, pour sauver des vies, nos vies. Mais comment nous en convaincre ?
Il faudra d’abord comprendre pourquoi, dans notre immense majorité, nous avons accepté de renoncer à l’une de nos libertés les plus essentielles, celle d’aller et venir. Alors que presque aussi majoritairement dans les sondages, nous avions rejeté la diminution de 10 km/h de la vitesse sur route. Ne plus du tout nous déplacer, pas de problème ; nous déplacer un chouïa moins vite, pas question…
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