Marché automobile : la grande braderie
Vendredi, c'était black friday : soldes monstres chez les concessionnaires avec des tarifs imbattables : les mêmes que n'importe quel jour ouvrable de l'année… Au fait, c'est quoi, un tarif ?
Il n'y a pas si longtemps, un achat bien négocié, c'était - 5 ou 10 % et les tapis de sol offerts. Avec l'autoradio en prime, on sablait le champagne. Aujourd'hui, en France, selon le site comparateur de prix Kidoui, une voiture neuve se vend avec un rabais moyen de 23,4 %. Un chiffre trop précis pour être honnête, mais qui reflète une réalité : un prix "catalogue" ne signifie plus rien et il faut être fou pour l'inscrire en haut d'un chèque. Sauf à acheter une Dacia ou une Ferrari, c'est autour de 10 % sur une nouveauté ou un modèle très demandé, et jusqu'à 45 % sur une fin de série d'un modèle pas très populaire.
Drôle d'époque où une voiture se brade davantage qu'un smartphone et où les prix de l'immobilier sont plus prévisibles et fiables que ceux des autos. Le plus amusant est que les constructeurs font comme si rien n'avait changé. Sur les tarifs, on continue de voir l'incontournable option peinture métallisée à 140 € ; comme si le client allait ajouter bien sagement ce montant à l'addition. Sauf à la choisir comme un grille-pain - "donnez-moi le rouge avec un bandeau chromé"- acheter une voiture devient une expérience surréaliste.
La voiture à la carte, une pure arnaque
D'abord, il faut choisir le moteur. Pas simple d'ajouter quelques billets de 200 € quand on sait que quinze ou vingt chevaux en plus ou en moins ne tiennent souvent qu'à la programmation d'un boîtier électronique éventuellement assorti d'un réglage du turbo. Passons au choix de la finition qui conditionnera celui des options. En gardant présent à l'esprit qu'il est moins coûteux de choisir la version du dessus que d'agrémenter celle du dessous des quelques options comprises dans l'autre. Ah, les options… Ces interminables tableaux en petits caractères avec des (1) des (2) et des (3), des * des ** et des***. On s'y esquinte les yeux, on coche pour se faire plaisir puis on décoche pour tenir son budget, tout ça pour qu'au final, il s'avère que la même - ou presque - auto s'affiche à -20 ou -30 % sur le site d'un mandataire ou sur le parc du concessionnaire du patelin d'à côté.
Quand on connaît l'énorme surcoût en termes d'organisation de chaîne, de stock, de logistique, d'approvisionnement de ce nombre incalculable de combinaisons - certains constructeurs se vantent d'en proposer des milliers - on comprend immédiatement que la voiture "à la carte" a un coût et que le simple fait de poser sur le bureau du vendeur un bon de commande détaillé pour l'usine vous transforme instantanément en pigeon. Comme au restaurant, il est toujours moins cher de piocher dans le menu du jour : choisir une voiture "en stock".
Des occasions "zéro kilomètre"…
Car une voiture, ça ne coûte pas cher à fabriquer ! Combien ? C'est un secret de polichinelle. Disons qu'une voiture à 17 000 ou 20 000 € prix catalogue revient, sortie d'usine, à environ 5 000 €.
C'est ce que l'on appelle le coût marginal de fabrication, autrement dit le prix de revient de l'unité supplémentaire produite, hors coûts de conception, d'industrialisation, de commercialisation, de publicité, etc. C'est de ce hiatus que vient l'élasticité des prix : mieux vaut les baisser de 20 % pour en vendre 30 % de plus et faire tourner l'usine plutôt que de ralentir les chaînes.
Dans le jargon, on appelle ça "pousser de la tôle" et pour ce faire, les directions commerciales peuvent aller très loin. Comme obliger les concessionnaires à acheter et immatriculer des voitures qui n'ont pas de client, ce qui permet au passage de bomber le torse en gonflant les chiffres trimestriels. Cela donne des "VD", véhicules de démonstration qui ne démontreront jamais rien et deviendront des "occasion 0 km" à des tarifs très avantageux. Tout cela participant au fait qu'une voiture neuve perd jusqu'à la moitié de son prix catalogue en deux ans, ce qui en fait le pire investissement imaginable. Et que pour en vendre malgré tout, il faut faire semblant de brader, donner à tout prix - c'est le mot - l'impression au client qu'il fait une bonne affaire. Pour les vendeurs comme pour les acheteurs, la promotion est une drogue hautement addictive.
La vérité des prix : chiche ?
Alors, pourquoi ne pas aligner les grilles tarifaires sur les montants réellement pratiqués et afficher ainsi des prix solides et compétitifs ? Pour continuer de faire casquer le prix fort aux papys et mamys qui font encore le chèque sans marchander ni brandir les offres de la concurrence ? Ils se font rares… Pour ne pas brader inutilement des voitures qui ont du succès et peuvent encore se vendre sans trop de promotion ? Même le Peugeot 3008, un des plus gros succès français de ces dernières années, se solde à -15 % et plus chez les mandataires.
La vérité des prix, c'est le serpent de mer du commerce automobile, l'aggiornamento que tout le secteur appelle de ses vœux mais que personne n'ose mettre en œuvre.
Qui tirera le premier ?
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