Michelin veut que vous changiez moins souvent de pneus (reportage vidéo)
Audric Doche, Pierre-Olivier Marie , mis à jour
Paradoxe : Michelin milite pour que les automobilistes conservent leurs pneus jusqu'à la limite d’usure. Une pratique sans danger pour la sécurité, et qui profite à la fois à l’environnement et votre portefeuille. Explications et reportage.
Soyons clairs, faible est la proportion d’automobilistes s’intéressant réellement aux qualités de leurs pneumatiques. Les plus avertis ont certes conscience qu’il existe un témoin d’usure permettant de déterminer l’état de dégradation des « morceaux de caoutchouc » constituant, sur la surface de quatre cartes postales, leur seul lien avec la route…mais dans les faits, bien difficile pour un usager de jauger de l’évolution des performances de ses pneus durant leur durée d’utilisation.
Et c’est ainsi que, poussés par des professionnels qui ont tout intérêt à privilégier les volumes de ventes (et perçoivent parfois des primes en ce sens de la part des fabricants), des millions d’automobilistes changent chaque année leurs pneus de façon prématurée, bien souvent avant la limite légale fixée à 1,6 mm.
Si cette limite était relevée à 3 mm, ainsi que certains manufacturiers le souhaitent, Michelin estime que « le remplacement prématuré des pneus entraînerait l’utilisation de 128 millions de pneus supplémentaires par an en Europe, soit 9 millions de tonnes d’émissions supplémentaires de CO2 chaque année. » Le cabinet EY (ex-Ernst&Young) assure pour sa part que le coût d’une telle mesuré s’élèverait pour les consommateurs à 6 milliards d’euros par an pour la seule Europe.
Du gâchis, alors même que la performance d’un pneu ne dépend pas uniquement de la profondeur de sa structure. Ainsi, un pneu de bonne qualité usé pourra assurer une meilleure sécurité qu’un pneu low cost neuf. Et cela, Caradisiac a pu le constater en participant à différents tests organisés sur le circuit Michelin de Ladoux (voir notre vidéo).
Ceux-ci nous ont permis de constater, volant en mains, que sur revêtement mouillé, les performances d’un pneu bas de gamme neuf ne seront pas meilleures que celles d’un pneu de bonne qualité ayant atteint la limite d’usure justifiant son remplacement, et ce tant en matière d’adhérence latérale que de freinage d’urgence.
Des tests réalisés par Michelin sous contrôle d’huissier ont également montré que l’exercice d’un ralentissement de 80 à 20 km/h sur revêtement mouillé prendrait 41,6 m avec des pneus haut de gamme usés (voiture blanche sur la photo ci-dessus) contre 45,3 m. avec des pneus low-cost neufs (voiture sombre). Soit 3,70 m d’écart, la longueur d’une petite voiture ! « A cela s’ajoute le fait que sur le sec, un pneu « usé » assure un meilleur freinage qu’un pneu neuf, tandis que ses besoins en énergie s’abaissent : des pneus usés font baisser la consommation. La dernière partie de vie d’un pneu est celle où il consomme le moins de carburant, et le tout est assorti d’un niveau sonore moins élevé. Bref, il faut aller jusqu’à la fin de vie du pneu ! » résume un porte-parole de Michelin.
Pour toutes ces raisons, Bibendum, que certaines mauvaises langues pourraient croire frappé de schizophrénie, plaide pour que les automobilistes fassent durer leurs pneus au maximum. Et au-delà, l’industriel milite pour que les tests de pneus, réalisés avec des modèles neufs, soient aussi à l’avenir réalisés avec des modèles en fin de vie afin de mieux juger de l’évolution de leurs performances. Ce qui revient à favoriser des manufacturiers proposant des produits haut de gamme, certes. Mais en changeant moins souvent de pneus, on peut aussi se permettre de choisir des modèles un peu plus onéreux.
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