Un rêve s'est réalisé...
Depuis toujours, j'en ai rêvé en la croisant dans la rue, du jour où je pourrais enfin m'offrir la plus belle berline du monde.
Ce jour là est arrivé, il y a quelques mois. Et depuis, chaque jour que je monte à son bord, et je prends conscience du bonheur que j'ai, de pouvoir profiter au quotidien de cet écrin royal.
Certes le prix de ma voiture, inférieur à 10 000€, pourrait paraître accessible au plus grand nombre. Mais qui prend vraiment le temps de concrétiser ce genre de rêve, même s'il nous est pleinement accessible? Combien de fois faisons nous des choix par raison, en dépit de la passion qui nous anime? Combien préféreront acheter une citadine neuve pour sa garantie, sa soi-disant fiabilité et facilité d'entretien en laissant passer l'objet de leur convoitise, et qui pourtant est à portée de leur main?
Pour ma part j'ai fais le choix inverse en pleine conscience, celui de vivre mon rêve au quotidien. Et j'en suis tellement satisfait !
Assez philosophé, on découvre le félin :
La mienne date de 1993, c'est une Jaguar Sovereign, de la génération XJ40. Elle est équipée de quatre phares ronds, et cela j'y tiens. C'était la condition sine qua non, ce qui pour moi fait l’identité de chaque véritable Jaguar XJ.
Sa couleur, Kingfisher Blue, fait en réalité plutôt penser à du vert. Une couleur profonde qui sied merveilleusement bien à cette belle anglaise. L'intérieur est en cuir Magnolia, une couleur claire, proche de l'ivoire qui contraste bien avec l’extérieur plus sombre ainsi qu'avec les boiseries qui égayent l'habitacle.
Malgré une utilisation peu intensive (105 000km en 24 ans), elle a été repeinte il y a quelques années, car les peintures d'origines se ternissent au soleil. De même, les boiseries, qui garnissent la planche de bord et les contre-portes on tendance à fissurer sous ses rayons. L'apothéose étant le ciel de toit se décollant de son support pour venir s'écrouler lamentablement sur les appuie-têtes telle une tenture grecque chahutée par les vents.
Ces quelques menus défauts cosmétiques, résolu temporairement avec des épingles de couture pour le ciel de toit, n’engagent en rien la fiabilité du reste ni le plaisir d’utilisation, mais permettent simplement d’identifier quelques failles de la belle. En effet, la perfection n’existe pas en automobile même pour la plus belle berline du monde.
Pour le reste, elle est superbement conservée. L'intégralité des équipements de confort fonctionne, on peut citer :
- climatisation automatique
- régulateur de vitesse
- système audio Alpine avec lecteur cassette et chargeur 6 CDs
- vitres et rétroviseurs électriques
- sièges avant à réglages électrique, y compris les appuies-têtes et les coussins lombaires
- ordinateur de bord
- verrouillage centralisé à télécommande et alarme antivol
- ABS
-...
Tout ces équipements vont au bénéfice du confort. Cela permet d'utiliser la voiture au quotidien car elle est toujours très à la page dans ses prestations. Il ne lui manque peut-être que le téléphone en bluetooth, le GPS, le thermomètre extérieur ainsi que les capteurs de pluie et luminosité. Mais soyons honnêtes, tous ces gadgets, on peut aisément s'en passer !
Même l'éclairage d'origine halogène, est extrêmement performant, au point que des phares xénon seraient purement superflus.
Concernant le confort, on saluera le dessin des "fauteuils", absolument parfait. Les moquettes sont très épaisses et offrent un confort phonique remarquable, encore amélioré par les surtapis en épaisse laine "lambswool".
La finition est somptueuse, à faire pâlir les austères berlines germaniques, même modernes. Ici on ne parle pas de vulgaire plastique, fût-il moussé et étalé à tous les étages. On respire les matières nobles, le cuir, le bois, la laine, le métal… Les assemblages sont millimétrés et le tout se tient bien dans le temps.
Jusqu'en bas des contre-portes on profite d'un cuir d'une qualité remarquable, qui n'a pas vieilli malgré son quart de siècle. Les seuls incursions de plastique sont sur les boutons de commande (commodos, radio, clim...) ainsi que la casquette de la planche de bord, constituée d'un plastique moussé qui a remarquablement bien vieilli. Pour le reste, ce n’est que matière noble et travail artisanal.
L'ambiance à bord est confortable, feutrée et lumineuse. Simplement remarquable et tellement agréable!
Cela permet d'envisager la route, même longue, avec une sérénité appréciable.
Les kilomètres ne s’avalent pas, ils se dégustent. Et sans fatigue, car le moteur, un six cylindres en ligne de 4.0 litres de cylindrée, sait se faire oublier. On l’entend démarrer, ensuite il est inaudible.
Seulement, en cas de brusque accélération, le félin sort les griffe et le moteur monte dans les tours vaillamment tout en laissant échapper un feulement rauque des plus agréable à l’oreille.
Et c’est encore plus vrai en mode sport, qui n’en n’a pas que le nom. Il permet de catapulter la belle anglaise vite et bien, à des vitesses désormais prohibées. L’aiguille du compte-tours se permet alors de flirter avec la zone rouge tandis que la vitesse augmente irrémédiablement et que la poussée franche se fait sentir en vous enfonçant dans le cuir des fauteuils.
Tout cela se passe évidemment dans le plus grand des conforts, la boîte de vitesse ZF égrenant comme à son habitude les quatre rapports sans le moindre à-coups.
Certes, quatre rapports, c’est un peu court de nos jours, mais à 90 km/h le moteur est stabilisé à 2000 tr/min et ne perturbe en rien le silence de roulement. Egalement, cette boîte bien conçue est équipée d’un mode supprimant le premier rapport afin de faciliter le démarrage sur les sols enneigés. Un petit plus appréciable pour la sécurité.
La conduite sur route humide se fait sans appréhension pour autant qu’on ne se prenne pas pour Fangio. D’autant que l’unique balai d’essuie-glace avant n’est pas des plus pratique pour maintenir au mieux la visibilité. En revanche ce qui aide, ce sont les fonctions désembuage, dégivrage et déshumidification des vitres qui se montrent très utiles et même indispensables en hiver comme sous une météo pluvieuse.
Au chapitre de la sécurité, on notera désormais quelques lacunes : L'absence d'antipatinage et d'ESP invite à la plus grande prudence sur route détrempée. Au gentlemen driver de prendre conscience qu'il pilote une propulsion de cinq mètres de long qui n'est pas équipée de garde-fous électroniques.
De toute manière, ce modèle, malgré son dynamisme appréciable et étonnant, n'est pas fait pour les spéciales de rallyes. Elle préfère la conduite paisible mais peut maintenir sans problème des vitesses très soutenues.
Ce sera avant les virages et les ronds-points qu'il faudra se rappeler que les lois de la physique sont toujours présentes !
Il convient donc de la chausser de bons pneus, car c’est l’élément essentiel de la sécurité à bord. Le seul élément reliant constamment la voiture à la route…
Egalement, on note la présence d'un seul airbag, pour le conducteur. Ce défaut ne me dérange pas, la carrosserie est très épaisse, bien rigide et renforcée et saura protéger les occupants en cas de nécessité. Chaque pièce de la belle est en noble métal, y compris les poignées de portes, glacées en hiver et brûlantes en été.
Pour ce qui est de la maintenance, les versions 93-94 permettent de voyager rassuré. Leur fiabilité est au top pour la génération XJ40. Certes des pépins électroniques ou électriques sont toujours possibles (cela reste une anglaise qui a désormais un peu d’âge!), mais la probabilité est bien moindre que pour les modèles précédents à l’électronique un brin fantaisiste.
Concernant les moteurs, tous s’abreuvent uniquement au sans plomb et majorité des modèles sont équipés de six en ligne, tous très fiables et robustes sur ce modèle. A part peut être le 2.9 un peu juste pour tirer le noble carrosse. On trouve également quelques exemplaires équipés du saint Graal des moteurs, le V12 6.0.
Pour ce qui est du 4.0 qui équipe la mienne, sa réserve de puissance semble inépuisable et dans presque toutes les configurations il tourne au ralenti, ce qui est gage de longévité. L’absence de vibrations montre également son équilibre parfait. Il se contente d’une consommation moyenne de 11.5 litres au 100 km, ce qui paraît très respectable vu le poids de la voiture, la cylindrée du moteur et la boîte auto à quatre rapports.
Son entretien est classique, vidange moteur fréquemment, boîte et pont tous les 48 000km ou deux ans, différents points de graissages à faire fréquemment, vérification d’allumage… Rien d’extraordinaire pour un mécanicien pro, rien non plus de trop coûteux lorsque la mécanique est utilisée comme il se doit. On paie principalement des filtres et des litres d’huiles…
De plus l’accès au moteur est aisé pour les six en lignes, ce qui facilite le travail. On ne pourra pas en dire autant de sa majesté V12 qui semble être rentré au chausse-pied sous le long capot.
Ces moteurs ne disposant ni de turbo, ni de vanne EGR, ni de volant moteur bimasse ou d’autres joyeusetés modernes du genre, il sont tout à fait capable d’atteindre les 300 000km sans la moindre faille.
Une petite particularité du modèle étant la suspension arrière hydraulique qui coûte cher en réfection. Au choix on peut également et sans difficulté la remplacer par une suspension classique, pour un coût d’opération beaucoup plus classique. Et cela maintien tout de même un niveau de confort et une tenue de route au dessus de tout reproche.
Autre détail qui a son importance, les pneus. A sa sortie, la belle anglaise était souvent chaussée de pneus en taille métrique qui sont aujourd'hui introuvables, ou alors à des prix prohibitifs. Cela oblige à acheter d'occasion un jeu de roues 16" en provenance des Jaguar XJ40 Sport ou Jaguar XJ6 X300.
Ne seront pas plus chanceux les propriétaires de voitures équipées de roues d'origines de 15". Ces pneus ne sont plus fabriqués également ce qui oblige là encore à chercher un jeu de roues de taille supérieure.
Egalement, il est dommage que nombre de concessions Jaguar ne veuillent plus entretenir ce modèle sous prétexte que leurs techniciens sont désormais formés à l’informatique, et non à la mécanique.
Malgré ces menus détails, je suis pour ma part très satisfait de cette voiture qui est devenue addictive pour moi, comme pour mon entourage. On ne prend pas la route, on prend la Jaguar. C'est devenue un membre de la famille, tout comme la 2CV qui dort à ses côtés et qui la toise de ses vingt ans supplémentaires.
Et le comble dans tout cela aujourd'hui, c'est que c'est la 2CV qui tient la cote, tandis que la Jaguar XJ40 maintien péniblement sa déjà très faible valeur marchande. Qui a dit qu'une Jaguar était un produit de luxe?
Pour conclure, c'est pour moi la rare berline qui me permet de rouler tous les jours dans une berline d’ultra-luxe pour un coût raisonnable et procure à chaque fois la même satisfaction lorsque l’on monte à son bord… un petit quelque chose qui donne l’impression de posséder soi-même une petite part des joyaux de la Couronne !
Au global je confirme que ce qui se dit sur la morsure du félin… on achète la première Jaguar… qui ne sera sûrement pas la dernière !