Mondial de l'auto 2016 - Des absents et de jolis présents
"L'automobile doit-elle encore tenir salon ?" titrait le Monde à la veille de l'ouverture. Certes, il y avait beaucoup d'absents chez les constructeurs. Mais on retiendra surtout les présents. Petit tour avec un bloc-notes.
Renault TreZor
Ouch ! C'est tout ce qui m'est venu à l'esprit en voyant le concept-car Renault. Ensuite, j'ai cherché des adjectifs et il ne m'est venu que des banalités : sculpturale, aérienne, sublime… rien qui suffise.
Il y a de l'idée et des idées dans cette auto, comme la juxtaposition de surface de tôle subtilement martelée et d'autres lisses, le logo serti dans un appendice caudal qui semble aspiré par le vent, les ouïes en "nid d'abeille" qui s'ouvrent et se ferment au milieu du capot - ce serait tellement mieux qu'une calandre - et même le pare-brise panoramique qui rappelle une ancienne Corvette. Renault présente son TreZor comme l'annonciation du futur style de la marque. De la marque Alpine ? Non loin de la bête grise et rouge, les Kadjar et Koleos avaient l'air de Laurel et Hardy à qui on aurait présenté Ava Gardner. On n'a pas forcément envie qu'ils fassent des enfants…
DS E.Tense
Quel est ce machin vert avec une calandre en grillage à lapins chez DS ? A première vue, on y voit de l'Audi R8 mais après en avoir fait le tour, on n'y voit plus rien du tout et surtout on a mal aux yeux. Mal aussi pour sa carrosserie lacérée, déchirée. Pourquoi tant d'aérations pour un moteur électrique ? Le comble, c'est l'absence de lunette arrière qui lui fait un dos de crapaud au repos. Une caméra remplace le rétroviseur central mais il y a quand même deux minuscules rétros extérieurs.
A côté de ce monstre, la DS4 n'ose pas respirer -ça lui ferait pourtant du bien de souffler un peu tant elle a l'air crispée et gonflée- la DS3 ne ramène pas sa fraise et la DS5 a l'air de regarder ailleurs. Toutes les trois commencent à faire leur âge et si le but du jeu était qu'on ne regarde pas leurs rides, c'est subtilement réussi : on ne les voit pas du tout. Une autre façon de faire eut été de présenter un concept-car annonçant la future DS3…
Citroën CExperience
C'est le bazar chez Citroën, je ne sais pas ce que fabrique Carlos T, mais il n'aurait jamais dû laisser passer ça. Cette CExperience avait sa place chez DS à la place de la DS E.Tense qui, elle, ne déparerait pas à la section "bizarreries" du musée des chevrons, qui n'en manque déjà pas. Il y a de la C6 dans ce musculeux mufle et ce long capot joliment galbé. On aime ou pas les phares planqués façon lance-missiles derrière une trappe latérale dont l'ouverture doit faire office d'aérofrein, on sourit à la vue du pare-chocs arrière évoquant celui mal remonté sur les fesses de la première Ford Ka.
Pourtant l'ensemble évoque furieusement ce que pourrait être une nouvelle grande et majestueuse Citroën. Mais c'est trop tard pour la C6, alors que chez DS, il serait grand temps de sortir une grosse bagnole de la tranchée, sus aux germains. Surtout, que vient faire cette ostentatoire berline dépourvue d'airbumps sur le stand des voitures essentielles ? Nouveau changement de stratégie ? DS n'est plus la marque de luxe ? Citroën a des nostalgies ?
BMW X2 et Audi Q5
Par ses proportions élancées et sa silhouette raisonnablement basse, le premier évoque davantage les breaks surélevés comme l'ancien Subaru Forester ou le premier X1 que le gros SUV lourdingue. On est loin du premier X6 et de son obésité insolente.
Lourdingue, le Q5 l'est ostensiblement, ce que cachaient bien ses premières photos. Le regard aiguisé de ses nouveaux phares à Led et la jolie ondulation de son pli de tôle latéral - on dit encore "trait de gouge" ? - cachent bien l'embonpoint qu'il a pris. Sur les photos, mais pas en vrai.
Il faudrait établir un nouveau critère dans la conception des SUV : quand le client ne peut pas essuyer une merde de pigeon au milieu du toit sans dégonfler les pneus, c'est qu'il faut abaisser la silhouette.
Peugeot 5008
Quand on aborde la calandre du nouveau 5008, dans sa version GT, on réalise pleinement que le SUV n'est pas une mode, c'est un état d'esprit. Celui d'une époque où il n'est plus question de voyager en famille - ça, c'était au temps du gentil monospace - mais de se protéger en famille. Le SUV, c'est le "Save Us Vehicle" Cette calandre, en photo, elle est massive. En vrai, elle fait peur. Ce n'est pas une entrée d'air pour le moteur, c'est une gueule prête à dévorer quiconque ferait obstacle, une insulte à la sécurité des piétons et aux lois de l'aérodynamique.
Un peu plus loin, sur le stand d'en face, le nouveau Renault Koleos a l'air presque timide malgré sa dégaine d'Audi Q7. Comparée à cette martiale proue, la poupe du Peugeot semble copiée sur une keï car japonaise des années 90, étrangement maniérée, presque chichiteuse.
Alfa Romeo Giulia
Absent à Genève, je ne l'ai découverte qu'au Mondial de Paris. C'est fou comme c'est devenu original une berline tricorps, totalement snob et parfaitement dandy à l'heure ou tout le monde veut péter plus haut qu'un Q7. Et tant qu'à se distinguer du troupeau des baroudeurs de centre commercial, autant choisir la plus belle du salon, ce que la Giulia, digne descendante de la 156, est incontestablement… en l'absence de la Mazda 6. M'installer à bord, ou plutôt y descendre m'a rajeuni de 25 ans. Ces compteurs façon moto des années 80, cet étrange plastique qui, bien que richement moussé, réussit par son grain grossier et sa teinte grisâtre à ressembler au plastoc dur d'un vieux 4X4 Toyota, rappellent que le génie italien ne va pas sans maladresses et c'est pour ça qu'on l'aime. Je ne dirais pas que l'Alfa est mal finie, au contraire (en fait je n'en sais rien, je n'ai pas essayé d'arracher la console centrale et je m'en tamponne) mais on peut aimer ce fier contre-pied à la sempiternelle rigueur germanique. Dans une Peugeot ou une Citroën, on se demande de quel côté du Rhin est né le designer.
Pour m'y installer, j'ai dû en expulser une ravissante hôtesse qui s'y reposait, le regard perdu dans les Abarth du stand d'en face. C'est vrai qu'elle est reposante cette rare et jolie voiture.
Suzuki Ignis
Un SUV, ça devrait toujours être comme cela, avec un canoë sur le toit. Et surtout le canoë plus long que la bagnole… Elle est friponne la nippone avec sa bouillé au carré, son habitacle sans chichis et sa fiche technique de micro-citadine : 885 kg pour 3,70 m et 5,2 l / 100 km en ville. Vu comme ça, le 4x4, c'est frais et sympathique et surtout, c'est susceptible de se faufiler dans un chemin où l'on n'oserait pas poser les roues avant d'un Kodiaq, le nouveau VAB tchèque. Juste un détail imbécile : les pneus taille basse de la version Trekking. Il ne faut jamais avoir pincé un flanc et crevé dans un chemin creux puis planté le cric dans la boue en dévers pour imaginer une monte pareille.
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