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Navettes et autres engins roulants autonomes : collectivités et entreprises prêtes à saisir les opportunités

Dans Flottes auto / Mobilité pro

Louis-cyril Tharaux

Le début 2020, avec pour toile de fond la crise sanitaire liée au Covid-19, semble avoir donné bien involontairement un coup de projecteur mondial sur la conduite sans chauffeur. De la Chine aux États-Unis en passant par la France, nous vous proposons un tour d’horizon de quelques-unes des initiatives actuellement menées sur le champ du véhicule autonome, aussi bien au service de collectivités et d’établissements publics que d’entreprises.

Navettes et autres engins roulants autonomes : collectivités et entreprises prêtes à saisir les opportunités

Alors que la pandémie du coronavirus oblige chacun d’entre nous à la distanciation sociale à plus ou moins long terme, alors qu’elle contraint les entreprises et administrations qui maintiennent ou reprennent leurs activités à protéger plus que jamais leurs employés de tout risque de contamination, le segment du véhicule autonome pourrait bien connaître un coup d’accélérateur inattendu et s’engager de façon anticipée dans un développement technologique d’envergure.

C’est du moins ce que laissent présager, depuis le début mars à l’échelle mondiale, les dernières applications en date dans le domaine de la conduite sans chauffeur.

Coup de projecteur mondial via l’angle sanitaire

Au cours des semaines passées, plusieurs pays ont en effet concrétisé leurs avancées concernant l’usage du véhicule autonome en conditions réelles. La Chine notamment, à travers un exemple symbolique. Dans la ville de Wuhan, premier foyer de l’épidémie, mais aussi dans d’autres mégalopoles chinoises, des mini-fourgonnettes autonomes (2,4 mètres de long, de large et de hauteur ; 100 km d’autonomie et une vitesse moyenne de 20 km/h) de la société Neolix ont été utilisées à des fins sanitaires par les autorités locales. D’une part pour nettoyer les rues, et d’autre part pour fournir des produits de première nécessité tels que des masques et des repas aux patients, au personnel médical des hôpitaux ou encore aux habitants confinés.

L’innovation française n’est pas en reste en termes d’usages pratiques dans le domaine de la santé. Illustration des minibus autonomes électriques conçus par la start-up lyonnaise Navya, que l’on peut notamment croiser à Jacksonville, en Floride. Là-bas, depuis la fin mars, la municipalité utilise quatre « Autonom Shuttle » de Navya pour transporter en permanence des échantillons de dépistage du Covid-19 entre différents bâtiments d’une clinique locale. Ils sont escortés par une voiture de surveillance, de sorte que le véhicule suive le bon itinéraire et qu’il ne soit pas gêné dans sa progression.

Au cœur de l’épidémie, beaucoup de municipalités chinoises ont utilisé les mini-fourgonnettes de la start-up Neolix pour répondre à leurs problématiques sanitaires.
Au cœur de l’épidémie, beaucoup de municipalités chinoises ont utilisé les mini-fourgonnettes de la start-up Neolix pour répondre à leurs problématiques sanitaires.

Des robots au service des aéroports et de l’industrie

Navya est l’une des références sur le marché du véhicule autonome. L’entreprise est également connue pour son tracteur autonome nommé AT135. Il est assemblé en partenariat avec le groupe Charlatte Manutention, et destiné aux sites industriels ou aéroportuaires. Depuis novembre dernier, l’Autonom Tract de Navya est notamment présent sur les pistes de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Truffé de radars et d’un champ de vision à 360°, il est capable de progresser sur le tarmac de façon indépendante, en tant que transporteur à bagages. Il est programmé pour s’arrêter automatiquement à l’approche des avions. Après quoi, c’est un agent de piste « en chair et en os » qui prend le relais sur les derniers mètres pour déposer la cargaison dans les soutes.

Pendant ce temps, sur certains sites industriels, de drôles d’engins communicants ont fait leur apparition dernièrement. C’est le cas des TwinswHeel, conçus par Soben, une PME installée dans le département du Lot. Ces véhicules de poche électriques sont montés sur deux, quatre ou six roues. Leur design rappelle selon les variantes celui de R2-D2, l’un des héros de la saga Star Wars. Ils se déplacent sur demande et peuvent transporter sans effort des charges lourdes (jusqu’à 500 kg) d’un bout à l’autre d’une usine. Parmi les clients de Soben figure la SNCF, qui utilise des modèles de TwinswHeel dans ses ateliers de maintenance.

L’Autonom Tract de Navya est actuellement testé à l’aéroport de Toulouse-Blagnac.
L’Autonom Tract de Navya est actuellement testé à l’aéroport de Toulouse-Blagnac.

Des machines communicantes pour livrer des colis

Dans les mois à venir, d’autres TwinswHeel vont entrer en fonction à Montpellier. La métropole occitane fait partie des 16 territoires régionaux retenus en 2019 par l’État (dans le cadre d’un investissement global de 42 millions d’euros) pour promouvoir la mobilité durable par le biais de véhicules autonomes. Les TwinswHeel peuvent monter sur des trottoirs et franchir des marches de 15 cm. Au cœur du chef-lieu de l’Hérault, ils auront pour vocation d’assurer la livraison du dernier kilomètre, sous le contrôle d’un opérateur, à une vitesse de 6 km/h. Ils seront chargés d’acheminer des colis aux commerçants et des produits frais aux restaurateurs du cœur historique et piétonnier, respectivement pour le compte de La Poste et du groupe de logistique STEF.

Les secteurs de la livraison et de la distribution font précisément partie des activités les plus attentives à l’évolution du véhicule autonome. Deux raisons principales à cela. D’une part, les fourgons de livraison traditionnels, jugés souvent polluants et a minima encombrants par les collectivités locales, sont de plus en plus soumis à des restrictions d’accès aux centres-villes. D’autre part, beaucoup d’enseignes de livraison peinent à recruter suffisamment de personnel. Les véhicules autonomes représentent dès lors une alternative étudiée de près.

Les TwinswHeel de la société Soben vont acheminer dès cet été des colis et produits frais aux restaurateurs et commerçants du centre historique de Montpellier.
Les TwinswHeel de la société Soben vont acheminer dès cet été des colis et produits frais aux restaurateurs et commerçants du centre historique de Montpellier.

La commande que viennent de passer les groupes Alibaba et JD.com illustre cette tendance. Séduits par l’efficacité de la flotte Neolix à Wuhan, ces géants chinois de l’e-commerce ont signé des contrats records avec la start-up, portant sur un total de 200 robot-vans. Objectif : répondre à l’explosion de leurs ventes en ligne tout en évitant le plus possible d’envoyer leurs équipes de livreurs au contact de leur clientèle.

De son côté, la start-up américaine Nuro a obtenu début avril le feu vert pour déployer, une fois la période de confinement levée, ses voitures de livraison autonomes sur certaines routes publiques de Californie.

Des navettes intégrables à l’offre de transport

Les véhicules autonomes démontrent également qu’ils peuvent être efficaces au service des sociétés de transport. On savait déjà quelques grands projets en phase de concrétisation dans ce sens, notamment celui des flottes de taxis autonomes imaginées par Tesla ou Google. Des annonces aux retombées médiatiques fortes qui ne doivent néanmoins pas faire oublier l’enjeu que représente le véhicule autonome pour le secteur des transports publics.

Prenons le cas de la France, où l’intégration des véhicules autonomes à l’offre de transport collectif existante s’amplifie mois après mois. C’est la volonté des principaux acteurs du secteur (RATP, Keolis, Transdev entre autres), qui multiplient les tests en circulation réelle à Paris comme dans plusieurs agglomérations de province. Cet essor est soutenu par le ministère des Transports et les collectivités territoriales. Il se concrétise en partenariat étroit avec des constructeurs et équipementiers automobiles traditionnels (tels que Renault, PSA ou Valeo) ou de jeunes pousses spécialisées dans l’intelligence artificielle.

Arval, loueur de véhicules longue durée, a choisi d’expérimenter les navettes autonomes d’Easy Mile (exploitées par la RATP) pour transporter ses collaborateurs.
Arval, loueur de véhicules longue durée, a choisi d’expérimenter les navettes autonomes d’Easy Mile (exploitées par la RATP) pour transporter ses collaborateurs.

La RATP, qui travaille d’ores et déjà avec Easy Mile mais aussi Navya dans le déploiement du véhicule autonome, vient par exemple de s’associer à l’entreprise israélienne Mobileye, experte dans les dispositifs d’aides à la conduite. Il s’agit pour elle de tester dès l’été prochain un service de navettes autonomes aptes à transporter des voyageurs (pour le prix d’un ticket de métro) et à circuler en plein trafic, sur un parcours urbain d’1,5 kilomètre au sein du 13e arrondissement de Paris. Durant cette phase transitoire, un agent de la RATP sera présent à bord de chaque appareil.

L’établissement public présidé par Catherine Guillouard multiplie ainsi les possibilités de décliner le véhicule autonome à destination du grand public, y compris à travers un futur projet de bus sans chauffeur. Parallèlement, elle entend répondre aux besoins des professionnels. Pour preuve, en duo avec Easy Mile, elle inaugure ce printemps une navette réservée aux collaborateurs du loueur de véhicules longue durée Arval. Le but ? Leur permettre de relier la gare RER de Rueil-Malmaison au siège de l’entreprise. L’expérimentation doit durer un an. Dans un second temps, plusieurs autres sièges sociaux présents dans cette zone d’activité pourraient bénéficier à leur tour de ce service de navette sans conducteur.

Vers une intégration à part entière des véhicules 100 % autonomes sur la route

Quel que soit l’enjeu, qu’il s’agisse de livrer des colis, de transporter des hommes, du fret ou encore d’assurer le nettoyage de rues, les véhicules autonomes semblent peu à peu démontrer toute l’étendue de leur savoir-faire. Dans les années à venir, nul doute qu’ils occuperont dans certains pays une place prépondérante au sein des parcs roulants des entreprises, des établissements publics et des collectivités, en soutien à l’humain, à la fois pour des missions internes et externes.

Reste cependant à légiférer en faveur de leur déploiement commercial sur route. Les règles de circulation varient pour l’heure d’un pays à l’autre. La Chine et certains états des États-Unis, par exemple, bénéficient à ce jour d’une réglementation plus souple, qui leur permettent déjà de faire circuler des véhicules autonomes de niveau 4 (sur une échelle de 5) sur la voie publique. En Europe, le barème défini par l’OICA (Organisation internationale des constructeurs automobiles) est le même, si ce n’est que le cadre juridique est plus strict, ce qui freine en partie les élans des constructeurs.

Dès 2022, la France autorisera les modèles de niveaux 3 et 4 à circuler

Ceci n’empêche pas plusieurs pays de débloquer peu à peu certains freins législatifs. En France spécialement. Les voitures autonomes de niveau 3 et 4 seront autorisées à circuler sur les routes à partir de 2022, avait annoncé le président de la République lors du Mondial de l’Auto 2018. La loi Pacte et la Loi d’Orientation des Mobilités, promulguées l’an dernier, sont venues appuyer cet engagement. L’article 12 de la loi LOM en particulier, qui autorise le gouvernement à recourir à des ordonnances pour faire évoluer le Code de la route en fonction des progrès du véhicule autonome (dans le strict respect des conditions de sécurité).

À partir de 2022, les véhicules autonomes de niveau 3 et 4 seront autorisés à circuler sur les routes françaises.
À partir de 2022, les véhicules autonomes de niveau 3 et 4 seront autorisés à circuler sur les routes françaises.

Cette démarche de l’État pourrait permettre, au cours de la décennie à venir, aux engins terrestres sans chauffeur de se faire une place progressive et à part entière sur les routes françaises, au-delà de leur implication sur les sites privés (aéroports et industries entre autres), et au-delà des phases d’expérimentation actuellement menées, avec ou sans opérateur à bord, dans le domaine des transports en commun.

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