Opel-PSA : les curieux mystères d’une folle semaine
Tout se termine bien. Les différents protagonistes du rachat d’Opel par PSA n’y voient plus d’inconvénients. L’affaire devrait être bouclée rapidement et annoncée dans les prochains jours. Pourtant, la stratégie mise au point a été bousculée par des fuites. Et l’hostilité des autorités allemandes à l’annonce du rapprochement ressemble plus à une posture qu’à une véritable incrédulité. Retour sur les quelques jours durant lesquels Carlos Tavarès a éteint les incendies.
Moins d’une semaine après les premières révélations, le rapprochement d’Opel et PSA semble sur les rails et pourrait être officiellement annoncé jeudi au cours de la publication des résultats annuels de Peugeot-Citroën. Angela Merkel n’y voit plus d’inconvénient, le Premier ministre Bernard Cazeneuve s’est chargé de convaincre son homologue britannique Tereza May (concernée au travers de Vauxhall) qui s’est déclarée partante : tout le monde semble ravi de ce rachat (car c’est bien de cela qu’il s’agit) du blitz par le lion.
Pourtant, l’opération, qui se présente désormais sous les meilleurs augures, a plutôt mal commencé. Le plan de négociations, et de communication, qui devait se dérouler comme sur des roulettes, être révélé cette semaine au monde avec l’adoubement des différents actionnaires et gouvernements allemand et anglais, a connu quelques ratés liés à ces satanés médias qui ne jouent jamais le jeu de la com', ces ingrats.
Reuters, le grain de sable dans le plan de com
En l’occurrence, c’est une simple dépêche de l’agence Reuters, tombée mardi matin, qui a mis le feu aux poudres. « Selon des sources proches du dossier », ainsi que l’on désigne les fuites en interne, PSA aurait des vues sur la filiale de General Motors, indique l’agence anglaise.
Tout le monde tombe des nues, et toute la presse mondiale assaille les porte-parole de la Grande Armée, siège de Peuget-Citroën, légèrement en panique. En plus, selon plusieurs témoins, le patron est à Lisbonne à ce moment-là. Il n’est pas de retour sur ses terres natales pour profiter d’un week-end prolongé, mais pour présenter son nouveau SUV 5008. Le temps de sauter dans le premier avion, de retourner à son bureau, et le voilà qui, par l’entremise de son porte-parole, officialise les pourparlers avec Opel en début d’après-midi.
Carlos Tavarès, pompier de service
Sauf que dans l’intervalle, le syndicat allemand IG-Metall et la chancellerie à Berlin sont eux aussi saturés de coups de fils de journalistes sollicitant une réaction. Et voilà Carlos Tavarès obligé de se transformer en pompier de service pour tenter d’enrayer l’incendie des hostilités. Car IG-Metall comme Angela Merkel affirment tomber des nues.
Le patron de Peugeot s’en est donc allé à Berlin dès le mercredi pour calmer la chancelière. Laquelle s’est déclarée « vigilante, mais pas hostile » dès que Carlos est sortie de son bureau. Les syndicats allemands n’ont pas été en reste dès le lendemain en se disant « ouverts à une discussion constructive ».
Quant aux syndicats français, qui auraient pu s’inquiéter du désir d’expansionnisme du boss, et des suppressions de postes toujours possibles en cas de fusion-acquisition-restructuration, ils ont eu, eux aussi, leur lot de surprises au cours de cette folle semaine du chamboule-tout automobile. Jeudi, PSA a annoncé 200 millions d’investissement dans l’historique usine de Sochaux. Une annonce tombée à pic et qui a redonné le sourire à FO comme à la CGT.
La curieuse incrédulité des autorités allemandes
Tout le monde semble donc ravi de l’offensive PSA menée au cours de cette semaine. La bourse applaudit, les syndicats approuvent, les politiques laissent faire et les industriels concernés (PSA, Opel, Dongfeng, General Motors) ne semblent pas décontenancés. Reste que les cafouillages du début de l’affaire posent quelques questions. Il est évident que les tractations en vue de ce rachat - pour une somme qui devrait atteindre 2 milliards d’euros, dont la moitié serait consacrée à la reprise des dettes accumulées, selon l’agence Bloomberg - ne pouvaient se faire sans l’accord des différents conseils d’administration concernés. L’État français, ainsi que le chinois Dongfeng qui y sont présents, étaient donc au courant depuis le début.
Mais dans ce cas, comment expliquer la stupeur du gouvernement allemand ? Bercy aurait-il caché aux équipes de Merkel les négociations en cours ? Les dirigeants d’Opel se seraient-ils abstenus d’informer Berlin et Volker Bouffier, président du Land de Hesse où se trouve le siège d’Opel ? Difficile à imaginer au pays où l’automobile est considérée comme une priorité nationale, où la chancelière use de tout son poids pour que les normes européennes basculent en faveur des constructeurs germaniques.
Le fait que l’Allemagne vit une année électorale, qu’au mois de septembre prochain ses citoyens choisiront les 630 députés du Bundestag, ne saurait interférer sur la posture des politiciens d’Outre-Rhin au cours de la semaine passée. L’on ne saurait imaginer qu’ils aient pu s’offusquer faussement d’une menace sur leur industrie, qu’ils aient pu hurler aux pertes d’emplois hypothétiques pour séduire leurs électeurs. L’on ne saurait.
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