Par peur de l'avenir, les constructeurs se plongent dans le passé
Les anciens modèles sortent du musée et pullulent sous forme de concept cars ou de modèles de série. Mais pourquoi les constructeurs regardent-ils en arrière au lieu d'aller de l'avant, au risque de rater la marche du futur ?
Comment transformer (habilement) du vieux en neuf ? Appeler le designer Ora-Ïto à la resecousse pour qu'il revisite la R17.
Ce n’est plus une bouffée de nostalgie, c’est une avalanche rétromaniaque. Depuis quelque temps, l’automobile, surtout française, semble avoir totalement oublié l’accélérateur pour ne conserver que les rétroviseurs. La R17, comme la SM sont ressorties du musée chez Renault et chez DS. Chez les Italiens de Stellantis, on ne cherche même plus à inventer de nouveaux noms de voitures : on pioche dans le dico des autos du temps jadis, avec une Panda électrique au dessin proche de celui de 1980.
Du coup, le prochain Mondial de l’auto risque de prendre des allures de Rétromobile. Et encore, par chance, Citroën ne prévoit pas dans ses tablettes d’exhumer le C15 et la Visa. Quant à Renault, si la R5 e-tech est dans les starting-blocks et que la 4L suivra, on ne trouve nulle trace de Fuego dans ses projets. Quoique, méfions-nous de ce que l’avenir du passé ressuscité nous réserve.
C'est dans les vieux tubes qu'on fait les meilleures pubs
Et le néorétro ne s’arrête pas au nom ou au design des autos. Les pubs en sont également victimes, notamment dans le groupe Renault, encore lui. Dans le spot destiné à nous vendre le nouveau Symbioz, l’ex régie a exhumé l'improbable Propaganda, un groupe des années 80 et son tube p:Machinery. Pour son nouveau Dacia Duster, le même groupe a utilisé la chanson « Vivre » de Michel Berger, qui nous a quittés en 1992.
Mais au fait, pourquoi l’industrie auto s’ingénie-t-elle tant à regarder en arrière ? Pour une raison très simple : l’automobile est un truc de boomer. Du moins dans l’acception moderne du terme boomer, qui désigne les quinquas et les sexagénaires. La moyenne d’âge de l’acheteur d’une auto neuve est aujourd’hui de 55,3 ans. Ces clients supposés sont nés à la fin des années 60. Ils ont connus les R17, R15 et R5, ont peut-être fait vroumvroum sur le tapis du salon avec les miniatures Norev de ces autos. Un peu plus tard, ils ont guinché et flirté sur Propaganda et écouté Michel Berger sur des K7.
Alors Renault et ses publicitaires jouent sur cette corde sensible et régressive, allant jusqu’à comparer ses autos électriques à un circuit Scalextric dans une autre pub, pour l’ensemble de sa gamme e-tech, en apostrophant les téléspectateurs, au cas où ils n’auraient pas saisi le message. « Souvenez-vous à quel point vous aimiez les voitures électriques », concluait le spot.
C'était tellement mieux avant ...
Autant de subterfuges qui sont censés pousser les clients vers les showrooms. Mais ce regard dans le rétro que jettent les marques automobiles est aussi une manière de se rassurer elles-mêmes et de se souvenir elles aussi du bon temps ou tout allait mieux. Une époque ou aucun organisme français ou européen ne leur tapait sur les doigts parce que leurs bons vieux moteurs à explosion polluaient tout ce qu’ils pouvaient. Une époque aussi ou les normes de sécurité restaient dans un tiroir. On dénombrait plus de 16 000 morts sur la route en 1972, contre un peu plus de 3 000 aujourd’hui ? Dramatique, mais la bagnole restait reine.
Finalement cette nostalgie bien partagée arrange tout le monde, les constructeurs comme leurs clients. Pour le moment en tout cas. Car quelles seront les références des générations à venir ? Des R5 qui ont fait rêver leurs parents mais pas eux. Des SM dont ils n’ont jamais entendu parler ? Quand le style n’innove plus, quand le panthéon de l’auto ne se renouvelle pas, il disparaît. Et une certaine forme de la passion de l’automobile avec elle.
On a beau nous expliquer que la voiture est toujours indispensable aux Français, sauf que leur machine à laver leur est tout aussi nécessaire. Sans pour autant qu’ils vouent un culte à Whirlpool ou Candy. Et quand les boomers auront disparu, le syndrome électroménager guettera l’industrie automobile, si elle ne parvient pas à oublier son âge d’or et continuera à refuser d’aller de l’avant.
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