Péages - Autoroutes : pourquoi un nouveau gel des tarifs serait une très mauvaise idée ?
Contraindre les sociétés d'autoroutes à s'asseoir sur leurs hausses tarifaires annuelles, c'est faire courir le risque à l'usager de payer encore plus cher les années suivantes ! Est-ce bien souhaitable ?Polémique, débat, nouvelle loi, Caradisiac clarifie la situation dans sa rubrique "Question de droit". Avec la collaboration de Maître Caroline Tichit, avocate spécialisée dans la défense des conducteurs.
Question de droit
Au 1er février 2017, les tarifs aux barrières des autoroutes devraient en moyenne augmenter de 0,76 %, selon les informations du Journal du Dimanche. Une augmentation une nouvelle fois bien supérieure à l'inflation proche de zéro (0,36 % exactement). Toujours selon Le JDD, cette hausse moyenne devrait même atteindre 1,197 % sur le réseau ASF !
L'association 40 millions d'automobilistes, qui dénonce "ce racket, plus violent d'année en année", a fait savoir ce mardi qu'elle avait réclamé à Ségolène Royal, la ministre de l'Écologie, de refuser la prochaine "hausse des tarifs des autoroutes". Mais attention, cette hausse tarifaire a beau paraître scandaleuse, un nouveau gel des prix aux péages, comme en 2015, pourrait se révéler fort préjudiciable aux usagers. En voici les explications…
La réponse de Caradisiac
Compte tenu des contrats, aux dires du ministre des Finances, "extrêmement avantageux, extrêmement bien faits" pour elles - que l'État a consenti à leur signer en 2002, 2004 et 2005, lors de leur privatisation -, les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) sont tout à fait fondées à augmenter, chaque année, leurs tarifs bien plus fortement que l'inflation. Si !
Aussi incroyable et injuste que cela puisse paraître en effet, en s'appuyant sur ces contrats "béton", les SCA peuvent réclamer des compensations à chaque hausse de leur fiscalité ou même encore à chaque investissement qu'elles ont dû concéder sur leurs réseaux. Or, ces compensations, "c'est l'augmentation des péages", comme l'avait également concédé Michel Sapin.
Et c'est malheureusement ce à quoi seraient exposés les usagers dans le cas où le gouvernement obligerait les SCA à geler leurs tarifs ! Ils en ont déjà fait la triste expérience, après le blocage des prix décidé de manière unilatérale - et tout à fait contraire aux contrats de concession - par le gouvernement en 2015. Du coup, les usagers vont devoir supporter les "rattrapages" des SCA, soit de futures hausses de prix encore bien plus lourdes que celles qui auraient dû s'appliquer sans cela. En l'occurrence, le gel de 2015 coûtera à l'usager environ 0,4 %, en plus des augmentations habituelles, entre 2019 et 2023.
En attendant, pourquoi les hausses sont-elles toujours supérieures à l'inflation ? Parce que, comme déjà évoqué, les SCA sont en droit de "se rattraper" pour bien d'autres raisons, comme par exemple la hausse de leurs impôts. En 2017, comme c'est d'ailleurs déjà le cas cette année, et comme ce le sera encore en 2018, les SCA feront ainsi supporter aux usagers la révision décrétée il y a deux ans de leur redevance domaniale, ce "loyer" qu'elles paient - comme d'autres - à l'État pour l'occupation du domaine public.
Tout ceci explique comment l'Autorité de la concurrence en est arrivée à conclure dans un avis rendu en septembre 2014 que "la rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes (...) est assimilable à une rente"… Quelles pourraient alors être les solutions à envisager pour espérer sortir de ce guets-apens ? Le blocage de 2015 devait justement servir à faire pression sur les SCA pour les contraindre à renégocier leurs contrats. Mais, à tort ou à raison, le gouvernement actuel n'est pas allé jusqu'au bout de ses intentions. Et au final, la situation n'a pas bougé d'un iota.
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