Procès Citroën - Polestar : pourquoi tant d'acharnement ?
Après avoir attaqué la filiale électrique de Volvo en France, l'accusant de plagier son logo, Citroën entend bien bouter la marque suédoise de l'Europe tout entière. Une bataille judiciaire étonnante puisque les deux marques ne jouent pas du tout dans la même division. Et si cette rivalité dépassait le simple cadre de logos semblables ?
L'annonce est tombée la semaine passée : non seulement Citroën maintient son accusation de plagiat envers Polestar en France, mais attaque le Suédois au niveau européen. Car depuis 2020, et le début de l'affaire, la filiale de Volvo se déploie partout sur le vieux continent, sauf dans l'hexagone à cause de ces démêlés judiciaires, mais reste présente sur les autres marchés ou Citroën est aussi de la partie, ce qui, apparemment, froisse le constructeur plaignant.
Voilà déjà quatre ans que cette confrontation occupe les avocats des deux marques. Une affaire qui a débuté au printemps 2018, sur les bords du lac Léman. Cette année-là, sur le stand Polestar du salon de Genève, trône un magnifique coupé hybride rechargeable, le Polestar 1, qui non seulement annonce le lancement de la toute nouvelle marque, mais qui dévoile, sur sa calandre, le logo tout nouveau qui va désormais servir d'emblème à ce tout nouveau constructeur qui n'était auparavant que la division sportive du Suédois Volvo.
Mais à une centaine de mètres seulement du stand Polestar, se dresse un autre stand, français celui-là et qui affiche, sur son fond rouge habituel, un autre logo, celui des chevrons, qui a quelques similitudes avec celui du Suédois. Sur ce stand, un homme fait les 100 pas. C'est Arnaud Belloni et il est furieux. Le directeur du marketing et de la communication, patron de l'image des chevrons ne décolère pas. Devant les journalistes qu'il croise, il tempête, accuse et menace Polestar de les traîner devant les tribunaux. Ce qui sera fait une petite année plus tard.
Entre Citroën et Polestar, difficile de se tromper
En 2022, Arnaud Belloni a changé d'écurie, il occupe le même poste chez Renault, mais l'affaire se poursuit sans lui, et donc, depuis la semaine passée, englobe toute l'Europe. Du coup, l'on est en droit de se demander pourquoi Citroën s'acharne autant sur Polestar. Car après tout, la marque française est plutôt généraliste, alors que la Suédoise est ouvertement premium. Certes quelques éléments graphiques des logos se ressemblent, mais la différence entre celui de Polestar (censé symboliser l'étoile polaire, du nom de la marque) et celle de Citroën est suffisamment dissemblable pour qu'aucun client ne se trompe, à supposer qu'il s'en trouve un seul à même d'hésiter entre un petit C3 Aircross à 18 850 euros et un coupé de luxe Polestar 1 à 155 000 euros. Impossible de confondre l'une et l'autre, sauf par une nuit de brouillard nordique,
Alors à quoi bon dépenser des centaines de milliers d'euros dans ces démêlés judiciaires ? Le jeu consiste bien évidemment à tenter d'empêcher Polestar de déployer ses autos en Europe mais, on l'a dit, son absence ne changerait strictement rien pour Citroën qui ne verrait pas ses ventes exploser sans la présence de l'étoile polaire.
Polestar n'est jamais arrivé en France et pour autant, les parts de marché des chevrons ne s'en trouvent pas améliorées. Les vraies raisons de cette longue affaire sont donc à chercher ailleurs, dans le groupe Stellantis bien sûr, mais aussi dans des politiques de protectionnisme européen qui ne disent pas leur nom, et pourquoi pas, dans des rivalités sino-chinoises.
Citroën se battrait-il pour DS ?
Car dans la galaxie Stellantis, figure une autre marque qui quant à elle, se situe au rayon premium, qui elle aussi affiche des ambitions électriques et qui elle aussi use des chevrons dans le graphisme de son logo (avec la complicité assumée de Citroën dont elle est l'émulation). Il s'agit de DS, et sa patronne, Béatrice Foucher, ne saurait voir d'un mauvais œil ce bâton dans les jantes de Polestar lancé par son ex-maison mère. Quant à l'Europe elle-même, qui a tenté de freiner durant des années l'incursion des autos chinoises sur son territoire, elle ne peut être que ravie qu'une action puisse contrecarrer quelque peu l'extension de l'empire du milieu dans l'automobile sur son territoire.
Une bataille entre Chinois ?
Car au-delà de son passeport suédois, Polestar est bel et bien chinois, puisque, comme Volvo, il est détenu par le groupe Geely. Mais ce n'est pas le seul Chinois engagé dans cette bataille. Car de son côté, le rival de Geely, l'énorme Dongfeng est actionnaire de Stellantis. Il a bien l'intention de se désengager du groupe d'ici la fin de l'année mais il pesait encore un certain poids au moment de la décision de poursuivre une marque de son rival en 2019. Autant dire qu'il n'avait aucune raison de s'y opposer.
Malgré tous ces enjeux, ces multiples intérêts et ces multiples soutiens, l'action engagée par Citroën a-t-elle une chance d'aboutir ? Rien n'est moins sûr. Car la justice n'est liée ni aux Chinois, ni à Stellantis, ni à l'Europe. Les chevrons, les vrais et uniques, si l'on en croit Citroën, ont déjà été débouté deux fois par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIOP). Mais avec la foi du charbonnier, la marque continue et a saisi le tribunal de Bruxelles qui examinera sa plainte à la rentrée. La foi peut soulever des montagnes, mais elle ne cache pas forcément des plagiaires qui ont sciemment emprunté le logo historique de Citroën.
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