PSA, de défenseur du diesel sans FAP, à sceptique sur l'électrique
Dans les années 80, PSA est le principal responsable de l'explosion de la voiture particulière à moteur Diesel en France. 40 ans plus tard, la voiture électrique pointe le bout de son capot, mais le patron en place est sceptique.
Certes, Carlos Tavares n'est pas Jacques Calvet, qui nous a quittés en début d'année. L'un est à la base un vrai passionné d'auto quand le second était surtout énarque, passant du monde bancaire à la voiture pour sauver le soldat PSA, alors en proie à des pertes colossales. Jacques Calvet affiche au milieu des années 80 un beau redressement du groupe français, dans le sillon de la périlleuse reprise de Chrysler Europe. Mais il doit, au départ, son bilan flatteur au succès énorme de la Pegueot 205. Et Jacques Calvet n'avait pas grand-chose à voir là dedans, puisque le projet était initié en 1977, et à son arrivée au pouvoir PSA en 1982, le "sacré numéro" est officiellement lancé.
Le diesel et le rapport Roussel
Il y a en revanche un fait marquant dans la longue carrière de Jacques Calvet : sa proximité avec le pouvoir politique, et son travail pour faire décoller le diesel en France. Une histoire pas si jeune pour Peugeot qui avait déjà mis une drôle de 404 à bulle sur l'anneau de vitesse de Monthléry. Une longue histoire d'amour qui va avoir des conséquences : d'environ 5 % au début des années 80, la part de marché du diesel en France explose et dépasse rapidement les 30 %. Pourtant, elle aurait très bien pu ne jamais aller aussi haut si les pouvoirs publics avaient écouté le professeur André Roussel.
Cet homme, qui est passé par le poste de Président du "comité de recherche scientifique pollution atmosphérique du ministère de l’Environnement", publie en 1983 un rapport intitulé "impact médical des pollutions d'origine automobile". André Roussel, qui préside l'écriture, fait alors un premier lien entre affections cardiovasculaires, cancer, et particules émises par le diesel. A cette époque, les FAP (filtres à particules) n'existaient pas, et le rapport recommande carrément de mettre un frein rapidement à l'essor du diesel en France, notamment pour les particuliers.
Le rapport tombe au pire moment : les modèles français à moteur diesel les plus populaires sont lancés (Peugeot 205 GLD la même année, par exemple), et Jacques Calvet a travaillé auprès du pouvoir pour faire en sorte de porter ce carburant, par des incitations fiscales à la pompe. Le double argument écologie (réduction du CO2 par rapport à un essence)/économie (consommation moindre) est imparable face au "maigre" argument de la santé publique avancé dans un long rapport, commandé à l'époque par la ministre de l'Ecologie.
Dieselgate, puis tout droit vers l'électrique
C'est pourtant bien la santé publique qui a mené à l'effondrement programmé du diesel sur les véhicules particuliers après que le groupe Volkswagen ait été pris la main dans le sac en train de gruger les tests d'homologation aux Etats-Unis. Depuis, de nombreux autres constructeurs ont été perquisitionnés par les enquêteurs, qui ont mis en lumière ce qu'André Roussel essayait timidement d'expliquer dans les années 80 dans son rapport. Trop d'oxydes d'azote, parfois trop de particules très fines, le diesel tue.
Mais il tuait nettement plus lorsque les Peugeot et Citroën de Jacques Calvet étaient dépourvues de filtres à particules (une (ré)invention PSA, justement, qui viendra bien plus tard). Le PDG de PSA avait simplement expliqué qu'un diesel était quoi qu'il arrive moins nocif qu'un essence non catalysé - la norme dans les années 80, et que c'était bon pour la balance commerciale du pays.
Aujourd'hui, PSA ne voit plus vraiment d'avenir à très long terme dans ses HDi. Le 2.0 180 est déjà en pré-retraite, et le groupe mise plutôt, et comme tout le monde, sur l'électrification de masse, mais à reculons.
Un PSA à batteries malgré lui ?
Il y a tout pile deux ans, Carlos Tavares fait une déclaration sur Facebook qui passe dans un premier temps pour une intox. Mais elle était bien authentique, et son auteur explique ceci : "le monde est fou. Le fait que les autorités nous ordonnent d'aller dans une direction technologique, celle du véhicule électrique, est un gros tournant. Je ne voudrais pas que dans 30 ans on découvre quelque chose qui n'est pas aussi beau que ça en a l'air, sur le recyclage des batteries, l'utilisation des matières rares de la planète, sur les émissions électromagnétiques de la batterie en situation de recharge ?".
Carlos Tavares ne voudrait pas que l'on découvre "quelque chose qui n'est pas aussi beau" dans 30 ans... tiens, par exemple, comme le diesel largement soutenu par son groupe dans les années 80 ? Comme rappelé en début de ce texte : "certes, Carlos Tavares n'est pas Jacques Calvet". Il est même, probablement, tout son contraire. Et on peut deviner, derrière ces affirmations, l'esprit bipolaire actuel du monde automobile et politique, oscillant entre volonté de maintenir l'économie et imposer des normes strictes aux constructeurs (voire impossible à respecter), décrié par celui qui s'est récemment mis au volant d'un prototype de course fonctionnant à l'hydrogène.
En cinq ans, et à la suite d'une "simple" affaire de scandale, tout doit changer. Et vite. Sans quoi les amendes vont pleuvoir pour les constructeurs qui ne seront pas dans les clous en matière de CO2. Le groupe Volkswagen avance de son côté des sommes faramineuses pour la R&D en faveur de l'électromobilité (plus de 60 milliards d'euros en 5 ans). Tout le monde s'y met, donc, et certains à "marche forcée" comme PSA qui a dégainé une gamme d'électriques et d'hybrides rechargeables. Mais ces autos auraient-elles vu le jour (si vite) s'il n'y avait jamais eu de dieselgate ? L'hybride rechargeable n'est-il pas le diesel de demain, avec de nouveaux scandales à venir ? Carlos Tavares n'est pas Jacques Calvet, et il n'a pas une Peugeot 205 dans les cartons pour faire un énorme coup commercial. Il doit simplement faire en sorte de maintenir une grande entreprise face aux décisions bruxelloises.
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