Renault cède certains bijoux de famille et crée la polémique
MIDI PILE. La marque au Losange s'apprête à céder une partie de sa collection d'art contemporain, suscitant la colère d'artistes qui crient à la trahison.
La semaine prochaine, la maison Christie’s procèdera à la vente d’une sélection de 33 œuvres issues de la collection d’art Renault. Seront ainsi proposées des créations signées notamment par Jean Dubuffet, Robert Rauschenberg, Niki de Saint-Phalle, Henri Michaux ou bien encore Victor Vasarely, lesquelles comptent parmi les 550 pièces accumulées depuis 1967 dans une démarche visant à rapprocher l’entreprise du monde de l’art contemporain. « Véritable passerelle entre le monde de l’art et celui de l’industrie, cette collection témoigne de l’attachement ancien et durable que porte Renault Group à ses racines françaises et de sa volonté de continuer à faire battre le cœur de l’innovation industrielle, technologique et culturelle en France », expliquait ainsi Renault dans un communiqué daté de 2021. Le fruit de cette vente, qui devrait rapporter entre 4 et 6 millions d’euros, permettra d’alimenter un fonds de dotation qui abritera la collection d’art et une sélection de voitures historiques de la marque...et dont il faut espérer que le tout finira par être ouvert un jour exposé au grand public!
Seulement voilà, cette perspective suscite une vive polémique (encore une!) animée par des artistes et des ayant droits des artistes dont les œuvres font l’objet de la vente. Dans une tribune publiée cette semaine par Le Monde, ceux-ci estiment que « Renault trahirait totalement son engagement envers les artistes si elle vendait les œuvres de sa collection. » Et ceux-ci d’ajouter que « ces œuvres devaient être mises à la disposition du personnel, dans les bureaux, les parties communes du siège et ses salles à manger, ou être prêtées à des institutions publiques pour être montrées au grand public lors d’expositions. L’esprit de ce mécénat était de constituer une collection indissociable, qui ne devait en aucun cas être revendue. C’est fort de cet engagement que les artistes ont contribué à ce projet novateur. » Dans ce contexte, le collectif considère que «prétendre vendre pour acheter du street art – c’est le projet de Renault – nous semble un tour de passe-passe inacceptable, qui mettrait à mal le concept même de mécénat industriel. Il faut arrêter cette dilapidation, et donc empêcher cette vente. » Et d’appeler les pouvoirs publics à intervenir, en forçant par exemple Renault à « confier ces œuvres à des musées français, qui pourront les accueillir et les exposer au plus grand public. »
On peut en effet se demander si l’entreprise, qui a connu des résultats historiques en 2023 avec un bénéfice net de 2,3 milliards d’euros, a réellement besoin des quelques millions que devraient lui rapporter l’opération menée par Christie’s, surtout avec des œuvres à l’estimation plutôt basse: «ce n’est pas très malin de mettre d’un coup sur le marché trente dessins de Michaux, estimés très bas, annoncés sans prix de réserve. Le message est clair : “On veut s’en débarrasser, baissez-vous pour les ramasser !” », déplore dans les colonnes du Monde Jean Frémon, de la galerie parisienne Lelong. « On vendait les œuvres à des prix qui tenaient compte du fait que cette collection était publique et qu’elle n’allait pas être revendue. »
Luca de Meo: "Nous sommes une marque populaire, qui est dans la rue."
Reste que la vente est parfaitement légale, et Luca de Meo expose les choses ainsi dans Le Monde : « On ne vend que 10 % de la collection pour pouvoir restaurer et protéger le reste. Ce qu’on a choisi de vendre, c’est ce qui n’est pas pertinent par rapport à l’histoire de Renault pour, précisément, la préserver. […] Les œuvres deviennent dès lors inaliénables, si mon successeur n’aime pas l’art, il ne pourra pas y toucher ».
C’est ainsi que les prochaines commandes de Renault s’orienteront sur le street art, à l’image de celle passée en 2023 à Jérôme Mesnager. Celui-ci avait en effet pu peindre ses « Hommes en blanc » sur l’une des façades du Bâtiment X, à Boulogne, siège « historique » de la marque. « Y a-t-il un art majeur et un art mineur ? C’est comme si on me disait : “Pourquoi écouter du rap quand on a Beethoven ?”,. Nous sommes une marque populaire, qui est dans la rue. Cela colle à 200 % avec notre histoire. », conclut Luca de Meo.
Si la perspective de vous offrir une partie de cette histoire vous intéresse, l’exposition aura lieu du 30 mai au 6 juin et la vente se tiendra le 6 juin à 17h. Quant à la vente en ligne des dessins d’Henri Michaux, elle s’étalera du 30 mai au 7 juin.
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