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Renault : les défis du prochain patron

Dans Economie / Politique / Industrie

Florent Ferrière

Le nom du nouveau directeur général de Renault devrait être annoncé dans les prochains jours. Si l'heureux élu ne va pas arriver à la tête d'un constructeur au bord du précipice, de nombreux chantiers l'attendent pour relancer une marque ralentie par les affaires depuis la chute de Ghosn.

Renault : les défis du prochain patron

Jean-Dominique Senard, président du Losange depuis un an, l'a laissé entendre lors de son passage au sommet de Davos : la nomination du nouveau directeur général de Renault devrait être officialisée dans les prochains jours. Luca de Meo, qui vient de quitter ses fonctions à la tête de Seat, est fortement pressenti.

Le nouveau directeur va prendre les commandes d'une marque à la situation paradoxale. Difficile de l'ignorer, le fonctionnement de Renault est très perturbé depuis fin 2018 et la chute de son ex-PDG Carlos Ghosn. Un tandem a pris la relève, Jean-Dominique Senard et Thierry Bolloré, respectivement président et directeur général, mais le premier a décidé de se séparer du second en octobre 2019 ! Les relations entre les deux hommes s'étaient dégradées… et Bolloré a aussi servi de fusible pour apaiser les relations avec Nissan.

Les ventes du groupe ont moins baissé que le marché mondial

Ajoutez à cela la fusion ratée avec Fiat, et on ne peut faire pire comme période ! Mais là où est le paradoxe, c'est que si côté gestion, 2019 a des airs d'annus horribilis, côté ventes, le bilan a été correct. Le groupe a livré 3,75 millions de véhicules dans le monde, soit une baisse de 3,4 % dans un marché global en recul de 4,8 %. En face, PSA a plongé de 10 % !

Reste qu'une fois encore, c'est la partie low-cost qui sauve la mise, avec la bonne forme de Dacia et Lada. La marque Renault est en recul de 6,9 %, et même 8,4 % si l'on met de côté les utilitaires. Le Losange pointe l'arrêt des ventes en Iran et la chute de marché très importants pour lui, notamment l'Argentine et la Turquie.

Mais la marque reste confiante, avec le renouveau de deux modèles clés en Europe (Clio et Captur), l'arrivée imminente d'hybrides simples et rechargeables, la bonne forme en Inde grâce au lancement réussi du minispace Triber ou encore les bons débuts du SUV coupé Arkana en Russie. 

En clair, le nouveau directeur ne va pas arriver en pleine catastrophe, d'autant que les projets en cours n'ont pas été stoppés, avec par exemple la commercialisation cette année d'un tout nouveau Kangoo et la préparation d'un ambitueux Kadjar 2 pour 2021. C'est d'ailleurs sûrement pour cela que l'état-major de Renault a pris son temps pour trouver la perle rare. Cinq mois d'une situation intérimaire, ce n'est pas banal ! Le futur patron ne va pas arriver aux commandes d'un train qui a déraillé. Mais il va devoir relancer une machine qui ne tourne plus à plein régime. Il trouvera d'ailleurs sur son nouveau bureau une bonne pile de dossiers. Plusieurs chantiers et défis l'attendent.

Relancer l'Alliance et la rentabilité

Il va déjà devoir participer à la reconstruction de l'Alliance avec Nissan et Mitsubishi. C'est bien sûr la tâche principale du président Jean-Dominique Senard, mais le nouveau DG sera un gros rouage de l'Alliance, plus que jamais cruciale pour l'avenir de Renault qui a vu Fiat filer vers PSA. Si l'Alliance se crashe, le groupe Renault redevient un petit acteur du marché mondial.

Il faudra notamment renouer les liens entre la France et le Japon, et remettre de l'ordre dans les projets communs. Si pour la future génération de modèles électriques, Renault et Nissan vont enfin partager les éléments techniques, en ce qui concerne l'hybridation, ils ont pris des chemins séparés et ont ainsi chacun leur technologie ! Une curiosité à ne plus reproduire.

Mais le grand rôle du DG, ce sera bien sûr de faire tourner le Losange, à un moment où l'industrie automobile connaît de profonds bouleversements. Il faut notamment gérer l'électrification des gammes. Bon point, elle est bien entamée chez Renault. Mais il faut l'accélérer sous la menace des amendes CO2 en Europe. Il faut aussi progresser sur les nouvelles technologies, notamment pour la conduite autonome. Sans oublier de manière plus globale la transformation d'un simple constructeur de véhicules à un fournisseur global de solution de mobilités. 

Tout cela demande de lourds investissements. Les résultats financiers seront d'ailleurs un des autres gros chantiers du nouveau DG. Les derniers n'ont pas été bons, ils ont d'ailleurs été reprochés à Thierry Bolloré lors de son départ. Le nouveau venu va donc devoir réussir la quadrature du cercle : poursuivre la transformation du Losange tout en améliorant la rentabilité, sans pour autant oublier les ventes, comme a pu le faire PSA. Sur ce point, Renault a un gros atout par rapport à son compatriote : une bien meilleure implantation à l'international. Reste au nouveau DG à trouver la solution à l'éternel problème de la Chine, où le Losange reste au ras des pâquerettes.

Que faire des Twingo, Scénic, Talisman, Espace ?

Côté gamme, le DG aura du pain sur la planche. Un très gros chantier l'attend pour l'ensemble du haut de gamme. Assurément, si on se fie au cycle de vie des modèles en cours, la réflexion a déjà commencé en interne. Mais le nouveau DG va assurément mettre son grain de sel pour déterminer l'avenir des Talisman, Espace et Koleos. Autre véhicule dont il faut songer à la suite, le Scénic. À l’opposé de la gamme, quel avenir pour la Twingo après la troisième génération, la fin de la collaboration avec Daimler étant actée ?

Côté utilitaires, la situation s'est aussi compliquée. Sur un marché où il est quasiment impensable d'être seul pour être rentable, Renault a perdu son associé Opel, qui a filé chez PSA. Récemment, il s'est lié à Fiat… qui va fusionner avec PSA, et pourrait donc rapidement lui tourner le dos.

La gestion de la gamme s'accompagne d'une gestion de l'outil industriel, avec notamment le sort d'usines françaises pénalisées par les ventes modestes de certains modèles. En tête de liste, le site de Douai, qui fabrique les Scénic, Espace et Talisman.

Tout cela semble très technique. Mais la priorité sera sûrement l'humain. Le nouveau patron devra d'abord remettre de la confiance parmi les salariés, qui ont envie de tourner la page Ghosn, dont les affaires de gros sous ont pu agacer. Il devra leur montrer que l'ex-Régie est de nouveau en ordre de marche et conquérante, après avoir traversé un long orage qu'elle espère terminé.

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