Tesla face à des vents contraires
Après une période particulièrement faste durant laquelle elle a vu son cours de bourse s’envoler, la société d'Elon Musk traverse une phase délicate.
Retour sur terre progressif pour Tesla ? Le vent de folie spéculatif qui a entouré la firme ces derniers mois semble - un peu - se calmer. Ce lundi matin, le cours de l’action s’établit à « seulement » 599 dollars, soit une baisse de 32% par rapport au pic enregistré en janvier (883 $).
Certes, cela n’empêche pas la firme américaine d’afficher encore une valorisation boursière de 577 milliards de dollars, soit plus de deux fois mieux que le premier constructeur en volume, Toyota, avec ses 252 milliards. De plus, sur un an, la croissance du cours de l’action s’établit à 247%, un record dans le secteur automobile.
Mais il n’en demeure pas moins que la société d’Elon Musk traverse une phase un peu compliquée, qui s’explique finalement très bien.
La concurrence s’organise. Si Tesla a réinventé la mobilité électrique, dont la crise sanitaire mondiale aura servi de catalyseur de croissance, les autres constructeurs poussent progressivement leurs pions.
De la très prometteuse BMW i4, qui vise ouvertement l’insolente Tesla Model 3, aux Volkswagen ID.3 et ID.4 qui rencontrent un succès croissant en Europe, les constructeurs traditionnels rattrapent progressivement leur retard.
Aux Etats-Unis, le Ford F150 Lightning grille la politesse au Tesla Cybertruck sur le marché des gros pick-up électriques, enregistrant quelques 44 500 commandes dans les 48 heures qui ont suivi sa présentation.
Mercedes, qui étoffe progressivement sa gamme de SUV électriques, mais aussi Porsche ou Audi, ont eux aussi de grandes ambitions sur le créneau et proposent déjà des produits très convaincants. De même pour les Coréens Kia et Hyundai.
Les réseaux de charge concurrents s’étoffent. Tesla conserve encore une confortable avance en matière de mobilité longue distance grâce à ses Superchargeurs qui constituent un argument commercial extrêmement puissant. Mais là aussi les choses évoluent avec des réseaux de charge rapide ouverts à tous appelés à se multiplier.
Total, pour ne citer que lui, a prévu d’équiper 500 stations en Europe (dont 300 en France) en bornes haute puissance 175 kW d’ici la fin 2022. Les autres grands acteurs du domaine de l’énergie avancent eux aussi en ce sens, et tout ceci pourrait contribuer à détourner nombre d'électro-automobilistes du constructeur californien.
La manne des crédits CO2 ne sera pas éternelle. Quant aux bénéfices affichés récemment par la marque, ils apparaissent encore trop liés à des facteurs conjoncturels. Dans leur numéro du jour, Les Echos rappellent ainsi qu’ « au premier trimestre, sans les ventes de crédits CO2 et une plus-value sur le bitcoin, Tesla serait resté dans le rouge. »
Or, cette manne des crédits CO2, qui permettait à des constructeurs en retard sur l’électrification d’éviter de lourdes amendes en rachetant à Tesla une sorte de « droit à polluer », ne pourra aller qu’en se réduisant à mesure que les moteurs électrifiés gagnent toutes les gammes. Or, ces crédits CO2 ont tout de même représenté pour Tesla plus d'un milliard et demi de dollars de chiffre d'affaires l’an dernier.
La gigafactory de Berlin avance moins vite que prévu. Le 17 mai, visitant le chantier de sa future usine géante (objectif de 500 000 voitures par an) installée à Berlin, Musk est resté évasif sur la date de démarrage de la production: « je pense que s’il y avait moins de bureaucratie, les choses iraient mieux » , a-t-il déclaré à des journalistes présents.
A cela s’ajoutent de fortes résistances locales, notamment de la part d’activistes écologistes. L’inauguration, prévue pour le 1er juillet, a ainsi été repoussée à la fin de l’année, avec pour objectif à terme d’y produire la très attendue Model Y ainsi que des batteries.
Enfin, s’ajoutent une communication parfois illisible sur les mouvements de yoyo des tarifs des voitures, ainsi que les volte-face imprévisibles du patron, comme récemment sur le bitcoin.
De quoi déconcerter les investisseurs, qui pourront toutefois se rassurer en constatant l’excellente santé des ventes de la Model 3 à l’échelle mondiale (16ème voiture la plus vendue sur la planète l’an dernier), à quoi s’ajoutent les perspectives affriolantes qui s’ouvrent pour le SUV Model Y.
D’autre part, la marque conserve toujours une longueur (et même plusieurs) en matière de capacité de batteries et de logiciels embarqués, dont les mises à jour permettent de progresser à des vitesses insensées.
Début 2020, Herbert Diess, grand patron du groupe VW, résumait les choses ainsi : « ce qui m'inquiète le plus, ce sont les capacités des systèmes d'assistance. 500 000 Teslas fonctionnent comme un réseau de neurones qui collecte en continu des données et offre au client une nouvelle expérience de conduite tous les 14 jours avec des propriétés améliorées. Aucun autre constructeur automobile ne peut le faire aujourd'hui. » Or, avec des voitures appelées à devenir des smartphones roulants, ces derniers points sont absolument fondamentaux. Bref, inutile de trop s’inquiéter à court ou moyen terme pour Tesla.
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