Vidéoverbalisation à Paris - Quelles infractions ? Où ? Peut-on les contester ?
Stéphanie Fontaine , mis à jour
La course aux PV s'intensifie depuis près d'un an sur Paris. En plus des agents de la Préfecture de Police, ce sont les agents municipaux qui se sont mis en effet à scruter les images des caméras de vidéosurveillance pour pister les infractions. Le nouveau service a été lancé l'année dernière à la mi-septembre. Selon les chiffres officiels, on est passé en quelques mois de plus de 300 à près de 600 PV "au vol" journaliers rien que par la mairie de Paris, soit plus de 900 en tout. Voici tout ce qu'il faut retenir de ce procédé avec Caradisiac.
Jusqu'en septembre 2018, seule la Préfecture de Police exploitait les images des caméras de vidéoprotection implantées un peu partout dans la capitale, pour pister les infractions routières "vidéoverbalisables", comme on dit dans le jargon des spécialistes, c'est-à-dire celles pour lesquelles des PV peuvent être ainsi dressés sans interpellation, soit "à la volée". Depuis le 17 septembre de l'année dernière, les agents de la mairie de Paris - ils seraient une vingtaine - s'y sont aussi mis, à la suite du changement de statut de Paris intervenu avec la loi du 28 février 2017.
De 300 à plus de 900 PV par jour en quelques mois !
À en croire alors les diverses déclarations officielles qu'on a pu entendre en marge de l'inauguration de ce nouveau service municipal, le rythme de ces "PV au vol" avait déjà presque doublé en quelques semaines. Pour toute l'année 2018, ce sont 119 193 PV - issus des caméras de vidéoprotection - qui ont été dressés rien que par les agents de la Préfecture de Police, contre 83 667 en 2017. A eux seuls, le rythme de verbalisations a donc progressé de 42%, avec une moyenne journalière de plus de 326 contraventions.
Or, du côté de la mairie de Paris, en quelques jours, les agents en étaient déjà à une moyenne de 200, et si l'on en croit Le Parisien, ils seraient même passés à une moyenne de près de 600 PV en début d'année 2019 ! À eux tous, on en serait donc globalement à plus de 900 contraventions par jour, alors que les déclarations d ela maire Anne Hidalgo laissaient à penser qu'elles tourneraient plutôt autour de 400…
Quelles sont ces infractions vidéoverbalisables ?
Il faut dire que le nombre d'infractions "vidéoverbalisables" a été multiplié à partir du 1er janvier 2017. C'est la loi dite de "Justice du XXIe siècle" qui a fait évoluer en ce sens le code de la Route alors qu'il n'y en avait que six jusque-là. En plus du stationnement (qui n'impose aucune interpellation), il y avait, selon l'article L121-3 du code de la Route, le non-respect des limitations de vitesse, des distances de sécurité, des voies de bus, des stops et des feux rouges. Aujourd'hui, quand on décortique les nouveaux textes en vigueur, on en est à une vingtaine d'infractions "vidéoverbalisables" (voir notre tableau ci-dessous).
Et à Paris, certaines priorités ont été données aux agents verbalisateurs. Pour ceux de la mairie, le curseur pointe sur le non-respect des sas à vélo, ces espaces réservés aux cyclistes devant les feux tricolores - loin d'être toujours respectés par les conducteurs de deux-roues motorisés -, les refus de priorité aux piétons, ainsi que l'utilisation illégale des voies de bus. Idem ou presque du côté du Préfet, qui a aussi décidé de surveiller de près "les encombrements des carrefours". Gare à ceux qui s'engageraient à un feu alors que la voie n'est pas complètement dégagée !
Quelles sont les peines encourues ?
La plupart des infractions pouvant être relevées sans arrestation sont punies d'une amende relevant des contraventions de la quatrième classe, ce qui signifie que leur montant forfaitaire est de 135 euros. En cas de paiement rapide (dans les 30 jours via Internet), ces amendes sont minorées à 90 euros. Quant à la perte de point(s), attention, elle est bien souvent au programme.
Voici tous les risques encourus dans le détail :
Infraction vidéoverbalisable | L'amende encourue (montant minoré) | L'amende maximale risquée* | Le nombre de point(s) pouvant être retiré(s) | Des peines complémentaires ? |
Excès de vitesse de moins de 50 km/h | de 68 à 135 € (de 45 à 90 €) | de 450 à 750 € | de 1 à 4 | Oui, en cas de dépassement de 30 km/h et plus |
Excès de vitesse de 50 km/h et plus | Pas d'amende forfaitaire. Jusqu'à 1 500 € | 6 | Oui | |
Encombrement des carrefours / le non-respect des SAS vélo | 135 € (90 €) / 35 € | 750 € / 150 € | - | Oui |
Stops et feux rouges grillés | 135 € (90 €) | 750 € | 4 | Oui pour le non-respect des stops comme des feux de signalisation |
Voies de bus non respectées | 135 € (90 €) | 750 € | - | Non |
Téléphone portable tenu en main | 135 € (90 €) | 750 € | 3 | Non |
Circulation en sens interdit | 135 € (90 €) | 750 € | 4 | Oui |
Ne pas céder le passage aux piétons | 135 € (90 €) | 750 € | 6 | Oui |
Ceinture non attachée conducteur / passager | 135 € (90 €) | 750 € | 3 / - | Non |
Chevauchement / franchissement d'une ligne blanche | 135 € (90 €) | 750 € | 1 / 3 | Oui |
Circulation sur bandes d'arrêt d'urgence | 135 € (90 €) | 750 € | 3 | Oui |
Non-respect des distances de sécurité | 135 € (90 €) | 750 € | 3 | Oui |
Dépassement sans clignotant ou avec danger ou par la droite | 135 € (90 €) | 750 € | 3 | Oui |
Ne pas se laisser dépasser (accélérer, ne pas serrer à droite) | 135 € (90 €) | 750 € | 2 | Oui |
Défaut de plaques d'immatriculation | 135 € (90 €) | 750 € | - | Oui |
Circuler à deux-roues sans casque | 135 € (90 €) | 750 € | 3 | Oui |
Stationnement très gênant (places réservées aux handicapés, sur les pistes cyclables, sur un passage piétons) | 135 € (90 €) | 750 € | - | Oui |
Stationnement gênant (livraison, en double file, devant un bateau, sur une aire piétonne, sur un trottoir pour un deux-roues) | 35 € (-) | 150 € | - | Oui |
Posséder un véhicule sans assurance | 500 € (400 €) | 3 750 € | - | Oui |
* au tribunal, en cas de contestation ou quand le principe de l'amende forfaitaire n'existe pas. |
Quelles sont les caméras utilisées ? Les axes surveillés ?
Puisque c'était rappelé dans le communiqué de la mairie de Paris, on pourrait croire que "le réseau de 900 caméras de la Préfecture de Police" est utilisé pour traquer ces infractions "vidéoverbalisables". Sauf que la Préfecture de Police a largement dépassé ces 900 caméras de vidéoverbalisation ! Selon la plateforme de diffusion de données publiques de l'État français, data.gouv.fr, qui a publié en début d'année "la carte d'implantation des caméras de vidéoverbalisation à Paris", on en serait à près de 1 340 désormais, sur les 39 000 mouchards (en comptant les caméras de la RATP et de la SNCF) en fonction dans la capitale.
Le chiffre communiqué dans un premier temps paraît donc obsolète. Selon le site de la mairie de Paris, lui-même, on en serait à "1 105". Reste que des axes bien précis sont privilégiés dans le cadre de cette chasse aux contrevenants. Lesquels exactement ? Jusqu’en 2015, il y avait "14 axes, couverts par 125 caméras" contrôlés par la Préfecture de Police (PP). Et depuis, on sait que cette dernière en a rajouté 34, ainsi que "8 carrefours définis comme accidentogènes", en sachant que la quasi-totalité des couloirs de bus est également couverte (voir le plan ci-dessous, ainsi que la liste de ces 48 axes dans le document PDF, à télécharger tout en bas de cet article).
Qu'en est-il avec le lancement de cette activité par la maire de Paris (MP) depuis ce mois de septembre 2018 ? On pourrait logiquement considérer que les 48 axes, 8 carrefours et la quasi-totalité des couloirs de bus (comme indiqué ci-dessus) représentent toujours la liste des lieux placés sous haute surveillance. La seule précision qui nous a été donnée, c'est que pour éviter que certains ne se fassent verbaliser deux fois pour la même infraction - une fois par les équipes de la PP, une autre par celle de la MP -, c'est qu'un partage du territoire avait été décidé. Une partie des caméras n'est donc plus gérée par la Préfecture de Police, mais par la mairie.
Des PV contestables ?
Le principe de la vidéoverbalisation, c'est de permettre aux agents de dresser des PV à distance, sans interpellation, comme dans le cadre du système des radars automatiques. Quand un véhicule est surpris en faute sur les images des caméras de vidéoprotection, c'est grâce à sa plaque d'immatriculation que le titulaire de la carte grise peut être retrouvé. C'est lui qui est alors destinataire de l'avis de contravention envoyé par La Poste. C'est donc plusieurs jours après les faits qu'il est mis au courant… Exactement comme pour le contrôle automatisé.
Comme dans le cadre de ce dernier, c'est donc une présomption simple de culpabilité qui pèse sur lui, en l'absence d'arrestation et d'identification du conducteur. Les mêmes règles s'appliquent ainsi :
- Si le destinataire de l'avis de contravention paie spontanément l'amende réclamée, cela signifie qu'il reconnaît sa culpabilité, et, si des points sont en jeu, ceux-ci lui sont retirés automatiquement de son permis.
- S’il ne reconnaît pas sa faute, il peut bien entendu contester l'avis de contravention. Pour ce faire, attention aux délais. Il faut aussi suivre scrupuleusement toute la procédure décrite avec l'avis reçu. Sans cela, cette contestation peut être déclarée irrecevable.
En cas de contestation, en tout cas, il y a généralement deux cas de figure :
1. Sans preuve de son innocence, ou "à moins qu'il n'établisse l'existence d'un événement de force majeure ou qu'il ne fournisse des renseignements permettant d'identifier l'auteur véritable de l'infraction", le contestataire restera la plupart du temps redevable pécuniaire. Autrement dit, il pourra certes échapper aux retraits de point(s), quand l'infraction reprochée le prévoit (voir notre tableau récapitulatif ci-dessus), mais pas au paiement d'une amende - souvent salée au tribunal.
2. S'il peut démontrer son innocence (via un certificat médical, une attestation d'employeur, un témoignage, un billet de train ou d'avion nominatif…), un contestataire, propriétaire d'un véhicule personnel, pourra être entièrement relaxé. Il n'aura ni amende ni retrait de point.
Pour connaître parfaitement vos droits, n'hésitez pas à consulter notre page (en cliquant sur le lien) qui rassemble tous nos précédents articles sur le sujet.
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