Voiture électrique : comment éviter la casse sociale ?
La conversion à la voiture électrique s’accélère chaque jour d’avantage. Mais pour quelle efficacité environnementale et avec quels dégâts sociaux ? Une ONG et un syndicat viennent de se pencher sur la question et il semble urgent d’infléchir le cap.
Un passionnant rapport que celui produit par l’improbable attelage de la fondation Nicolas Hulot et de la branche métallurgie de la CFDT.
Écolos et métallos se sont associés pour réfléchir à comment concilier automobile propre et préservation des emplois.
Le résultat intitulé « Comment relever le défi d’une transition juste. Notre scénario pour l’emploi et le climat » diffère totalement de ce que produisent habituellement révolutionnaires verts et syndicalistes apocalyptiques sur la voiture électrique.
Le scénario sur lequel écolos et métallos sont tombés d’accord consiste à trouver le moyen de sauver à la fois la planète et l’emploi.
Où seront les emplois de la filière électrique ?
Ce qu’ils contestent, c’est l’électrification à marche forcée qui est en cours et ne laisse le temps ni de convertir les salariés aux nouveaux métiers ni aux sous-traitants de s’adapter. Au risque d’une nouvelle purge de 100 000 emplois comme celle qu’a connu l’industrie automobile française dans les années 2000 et 2010, à l’apogée des délocalisations. Une purge dont, cette fois, elle ne se relèverait pas.
Déjà, on constate que l’actuel plan de relance de l’industrie automobile initié en 2020 sert d’avantage à des délocalisations qu’à des relocalisations. Déjà, des fonderies ferment ici et là, non que l’on n’ait déjà plus besoin de carters ou de blocs cylindres, mais pour les produire ailleurs, moins cher.
De fait, l’État subventionne par milliards la modernisation technologique et industrielle de nos constructeurs, mais sans réelle garantie de relocalisation ni de formation ou conversion de leurs salariés.
Où seront les emplois promis par la filière électrique ? Il n’y aura pas d’airbus de la batterie et les deux seules giga-factories prévues en France (contre huit en Allemagne) ne compenseront pas l’hémorragie programmée dans le secteur mécanique.
Et encore moins l’effondrement de tout l’écosystème de la bagnole à pétrole, qui, de la métallurgie à la mécanique en passant par les raffineries, la chimie des lubrifiants et jusqu’aux mécaniciens de nos ateliers, promet une explosion du chômage.
Course à l’obésité et au moins disant.
Le bilan écologique prévisible de l’évolution en cours n’est pas plus reluisant. En 2030, telles que sont parties les choses, avec 50 % de voitures électriques et 50 % d’hybrides presque toutes rechargeables, la moyenne CO2 du marché automobile s’établirait en réalité autour de 50 g/km, bien au-dessus des objectifs affichés et de ceux que l’urgence climatique commande.
Bref, ce que la CFDT et la Fondation Hulot récusent, c’est l’électrification réglementairement imposée par l’Europe mais dont les modalités sont soumises aux seules lois du marché. Et qui verrait les constructeurs s’approvisionner ou délocaliser leurs fabrications au moins-disant sans la moindre considération sociale.
Le tout alimentant une production qui poursuivrait sa course à l’obésité avec des électriques embarquant de plus en plus de kWh de batteries - chinoises ou allemandes - faute d’assez de bornes pour les recharger et des hybrides rechargeables entretenant la fiction purement fiscale de leur sobriété tout en consommant davantage qu’un diesel. Une telle électrification du parc automobile, gloutonne en ressources et en énergie, il ne faut pas être expert pour comprendre qu’elle n’aurait rien d’écologique.
Une conversion plus progressive.
C’est ce désastre humain et ce fiasco environnemental que le tandem écolo-métallo propose d’éviter. Quitte à écorner un peu le dogme de la voiture électrique apostolique et universelle. Étonnamment, le marché automobile 2030 que recommande leur rapport ne comporterait que 60 % de pures électriques (et 40 % d’hybrides conventionnelles) soit des ventes moins électrifiées que dans les programmes affichés par certains constructeurs repentis du diesel.
Cela permettrait aux fonderies et ateliers de mécanique une conversion plus progressive et garantirait aux ménages un accès préservé à des véhicules polyvalents à tarifs raisonnables : les hybrides dont on sait aujourd’hui qu’à 3 ou 4 l/100 km, elles ont un meilleur bilan CO2 que la plupart des hybrides rechargeables, trop peu souvent rechargées et qui consomment par conséquent près du double.
Et pour 2035, la projection envisage non pas un marché du neuf 100 % électrique comme le réclament aujourd’hui la plupart des écologistes, mais, grosse nuance « la fin de production des motorisations dépendantes de carburants fossiles ».
Une nuance qui ouvre la voie à bien des alternatives plus ou moins thermiques comme les hybrides flexfuel carburant à l’E85 déjà au catalogue de quelques constructeurs et promises à un bel avenir avec les agro-carburants de deuxième génération ou les moteurs à méthane de biomasse et autres gaz ou liquides renouvelables, des énergies qui par définition sont locales et ont un gros potentiel de création d’emplois.
Reste à espérer que ce revigorant document saura se frayer un chemin jusque dans les cabinets ministériels et nourrir la réflexion de ceux qui nous gouvernent.
À supposer que la politique industrielle du pays soit encore soumise à une quelconque gouvernance…
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