Voitures électriques : les tortues vont l'emporter sur les lapins
Volkswagen s’est fixé pour objectif la vente de 2,5 millions de voitures électriques à l’échéance de 2025 en construisant, pour y parvenir, une usine de batteries. Une politique similaire à celle de Mercedes. Arrivés tard sur ce marché naissant, ils ont attendu que la technologie mûrisse. Et risquent de dépasser rapidement les pionniers du genre partis trop tôt. Comme Renault-Nissan et, surtout, Tesla.
La bonne vieille fable de La Fontaine n’en aura donc jamais fini de sévir. Et de servir, même pour départager les protagonistes de la bataille de la voiture électrique qui promet d’être saignante. Car les premiers partis ne seront peut-être pas tous à l’arrivée, alors que les prudents risquent de durer. Et de gagner.
Parmi ces derniers, on retrouve Mathias Müller, qui a tiré la dernière salve en date à Wolfsburg cette semaine. L’homme n’est pas (encore) au panthéon des stars de l’industrie auto, mais c’est le tout nouveau patron de Volkswagen, installé dans ce fauteuil plutôt inconfortable en plein dieselgate au mois de septembre dernier. Et l’homme n’a pas la réputation d’un grand comique, mais d’un gestionnaire rigoureux qui a fait gagner à Porsche, qu’il dirigeait auparavant, des parts de marché et beaucoup d’argent. Müller n’est pas Sergio Marchionne, le sémillant patron de FCA (Fiat – Chrysler) capable de lancer des déclarations à l’emporte-pièce et de s’en dédire dans la foulée. C’est le boss d’une boîte en pleine crise qui a déclaré ce jeudi que son groupe allait vendre 2,5 millions de voitures électriques d’ici 2025. Et pour y parvenir, il compte construire de toutes pièces une usine de batteries, élément de base s’il en est, d’une auto propulsée aux watts.
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Ghosn : précurseur, mais pas winner
Évidemment, le coup de la révolution électrique qui va tout écraser, on y a déjà eu droit, et dans les grandes largeurs. Notamment de la part de Carlos Ghosn. Le patron de Renault-Nissan expliquait en 2010 qu’il souhaitait vendre 1,5 million de voitures électriques à l’horizon 2016. Trois ans, un feuilleton d’espionnage et quelques milliards d’investissement plus tard, il a repoussé son objectif aux calendes grecques. Du moins à 2020, en expliquant que les infrastructures n’étaient pas prêtes et le marché non plus. Avant de changer de cap et de miser sur l’hybride qu’il se refusait il y a quelques années de considérer. Un pionnier, donc, mais qui s’est ravisé en passant une judicieuse marche arrière.
De l’autre côté de l’Atlantique, un autre pionnier est lui aussi persuadé depuis des lustres que l’avenir sera électrique ou ne sera pas. Elon Musk est à la tête de Tesla depuis qu’il a créé cette marque en 2003. Après les Model S et X, il compte bien enfoncer le clou avec sa Model 3 à venir. Sauf qu’elle sera en retard. Sauf que les superchargers qui alimentent ses autos seront payants pour les clients de son électrique démocratique. Sauf que 13 ans après sa création, Tesla n’est toujours pas rentable. Et si le turbulent Américain a toujours la confiance de ses investisseurs, ses partenaires commencent à le lâcher. Mercedes vient de cesser sa collaboration avec lui. Le constructeur apporte à la gamme de nombreux composants et, en échange, Musk lui fournissait les batteries et la chaîne de transmission de la Classe B électrique. Las. L’Allemand reprend ses billes et a décidé de fabriquer ses batteries tout seul. Dans une usine dédiée, tout comme Volkswagen.
Mieux vaut partir à point…
Ces unités de production de batteries maison marquent très certainement le début du vrai basculement du thermique vers l’électrique. Car Mercedes, comme Volkswagen, annonce, à terme, des autonomies de leurs modèles futurs de 500 km. Ils ruinent, au passage, l’un des arguments de Carlos Ghosn déplorant la pauvreté du réseau de recharge, puisque la proximité des bornes sera moins essentielle dans l’avenir. Mais ils ruinent également les ambitions d’Elon Musk dont les modèles S (à partir de 65 000 euros) ne dépassent pas 400 km. Une autonomie que la Model 3 n’atteindra même pas.
Mais peut-être que le patron de Tesla comme celui de Nissan–Renault sont partis trop tôt. Des lapins rapides et agiles que les tortues allemandes lentes et réfléchies vont dépasser dans les années à venir. En matière de voitures électriques, comme dans nombre de domaines, le premier à l’arrivée n’est pas forcément celui qui part le plus vite.
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