Essai vidéo - Porsche 911 S/T (2023) : travailler plus pour gagner plus
La plus chère et la plus légère de toutes les Porsche 911 n’est ni la plus performante, ni la plus sophistiquée. Et elle impose à son conducteur davantage de travail. Mais il y a une sacrée récompense à la clé…
Sommaire
Note
de la rédaction
18,2/20
Note
des propriétaires
En BREF
Version "puriste" de la 911
525 ch
1963 exemplaires
308 976€
Quelle est la meilleure de toutes les Porsche 911 ? On a déjà essayé de répondre -vainement- à cette question en prenant le volant de l’une de ses versions de base (911 T), de sa redoutable déclinaison tout-terrain (Dakar), de sa très radicale variante extrême (GT3 RS) et de sa mouture GT3 Pack Touring très appréciée des puristes avec son moteur atmosphérique caché sous une robe élégante et pouvant s’accoupler à une boîte manuelle. L’inédite 911 S/T, venant élargir encore cette gamme tentaculaire (et parfois un peu redondante) qui comprenait déjà quelques 26 modèles différents, jouit d’un statut particulier pour les Porschistes les plus intégristes : elle entretient la tradition des 911 spéciales en série limitée, celles que s’arrachent les collectionneurs et qui font le bonheur des spéculateurs avides de plus-values mirobolantes.
Ces intégristes se souviennent très probablement de la 997.2 GT3 RS « Quatre litres » de 2011, limitée à 600 exemplaires, dont le flat-six élargi atteignait pour la première fois la barre des 500 chevaux. Ou, plus récemment, la 991 R de 2016 équipée elle aussi d’un moteur atmosphérique de 4,0 litres crachant 500 chevaux et d’une boîte manuelle, mais avec une présentation extérieure plus discrète. Une machine vendue à l’époque 190 000€ et construite à 991 exemplaires seulement, qui a vite doublé sa valeur sur le marché de la collection…avant que le soufflet ne retombe un peu à la sortie de la GT3 Touring mécaniquement très proche quelques mois plus tard en série non limitée.
La plus légère des 911, mais pas la plus voyante
Faut-il considérer la 911 S/T comme une 991 R moderne ? Sa philosophie rappelle furieusement la recette de cette dernière : elle combine une carrosserie discrète (celle de la GT3 Pack Touring avec quelques différences comme au niveau des ailes avant) à la mécanique de la plus puissante des 911 atmosphérique, celle de la GT3 RS expulsant désormais 525 chevaux et 465 Nm. Le tout avec un effort d’allègement plus poussé que jamais pour une 911. Outre la présence en série des freins carbone-céramique, du pavillon de toit et du capot en CFRP des GT3 et Dakar, la S/T reprend aussi les portières en composite de la GT3 RS (-2 kg), se dote de roues en magnésium (-10,6 kg), d’une barre antiroulis en CFRP (-2 kg), d’une plaque de renfort de l’essieu arrière en CFRP (-2,1 kg) ou de tapis de sol plus fins (-2 kg).
L’auto gagne par ailleurs 6,5 kg grâce à la suppression du système de roues arrière directrices, ce qui permet d’utiliser une batterie plus petite de 40 Ah (-3kg) grâce à la moindre consommation en électricité sans ce train arrière directeur (notons au passage que ces roues motrices se connectent à un différentiel à glissement limité mécanique et non plus électronique). Sans oublier l’un des points les plus importants de la voiture, sa boîte de vitesse manuelle (basée sur celle de la GT3 Touring), disposant de rapports raccourcis et d’un embrayage entièrement revu. Grâce à un volant simple masse de 184 mm de diamètre au lieu de 240 mm, l’auto gagne 10,2 kg supplémentaires sur la balance (sachant que la transmission manuelle de la Touring faisait déjà économiser 17 kg par rapport à la PDK automatique à double embrayage). Surtout, cette boîte retravaillée (revendiquant 0,074 kgm2 d’inertie de masse de son embrayage au lieu de 0,207 kgm2 pour ceux que la donnée intéresse) promet des montées en régime rapides comme l’éclair. De quoi arriver à une masse à vide de 1 380 kg, en comparaison des 1 418 kg d’une GT3 Touring déjà riche d’options d’allègement ou des 1 435 kg de la très radicale GT3 RS forte de son pack Weissach. D’après les communicants de Porsche entendus sur le sujet, ce chiffre serait conservateur et en réalité, la S/T se rapprocherait davantage des 1 370 kg de la 991 R de 2016.
Pas pour les paresseux
Je dois avouer qu’après avoir longuement détaillé la fiche technique de cette 911 dont les méthodes radicales tranchent avec la sobriété de sa carrosserie, on sent quand même quelques papillons dans le ventre au moment de se glisser à bord de cet intérieur allégé mais superbe avec les finitions de notre exemplaire d’essai. Installé dans le meilleur baquet de Porsche (celui créé pour la 918 Spyder et réutilisé depuis dans de nombreux modèles ultra-sportifs de la marque), on évolue dans une cabine où le magnifique cuir Cognac (contenu dans le pack Héritage à 17 928€, aïe) côtoie un arceau tubulaire en carbone (option à 4 596€) et de simples lanières pour ouvrir les portières (comme dans la GT3 RS). Une fois le moteur démarré, le bourdonnement un peu bourru du flat-six s’accompagne de celui de la transmission, très audible au ralenti lorsque l’embrayage n’est pas en prise. Voilà, le ton est donné dans cette 911 au groupe motopropulseur à la mise au point particulière. Tâchons maintenant de voir s’il s’agit de la meilleure des 911.
Première enclenchée, on découvre une commande de boîte aux débattements raccourcis par rapport à la transmission manuelle de la GT3 Touring et celle des 911 de la série Carrera. Dans les minutes suivantes, les cinq 911 S/T rassemblées sur un parking du sud de l’Italie et conduites par des journalistes automobiles (dont la mienne) calent toutes lamentablement. Habitués que nous sommes aux boitotos des super-sportives modernes et à la commande confortable des rares 992 manuelles actuelles, on fait connaissance avec cette 911 pas faite pour les paresseux et demandant davantage de travail pour être manœuvrée. Intéressant ! Après cette courte et rafraichissante adaptation du jeu de jambes (notons une pédale de gauche extrêmement légère et la présence d’un « auto-blip » pour les nuls du talon-pointe comme moi), on traverse la ville pour rejoindre les routes secondaires de la Calabre promises comme magnifiques par l’équipe de Porsche.
Lors des premiers kilomètres, déjà, l’esprit de la S/T devient plus clair. Le plus beau moteur de la gamme Porsche ne donne ici pas autant de voix que sous le capot des fabuleux 718 GT4 RS et 718 Spyder RS récemment essayés sur Caradisiac. Plutôt que les hurlements presque douloureux pour les tympans à bord de ces deux machines, rendus possibles par la disposition très spéciale de leurs circuits d’admission du bloc (le même flat-six atmosphérique avec 25 petits chevaux de moins), on retrouve ici une bande sonore très similaire à celle de la GT3 RS (logique puisque les deux autos utilisent la même dose d’isolation sonore et exactement la même version du six cylindres). Les vocalises extraordinaires du plus bel instrument à pistons de la gamme Porsche restent donc bien au programme, mais avec une voix un peu plus feutrée par rapport aux deux sœurs « RS » de la famille 718 ou aux 911 GT3 et GT3 RS de la génération 991. Quant aux accélérations, elles stagnent à peu près au même niveau depuis la précédente génération des 911 GT3 (et la 911R). On n'achète de toute façon plus une 911 atmosphérique pour suivre les meilleures supercars en ligne droite, même si ce moteur idolatré par les puristes n'a jamais manqué de vigueur (0 à 100 km/h en 3,7 secondes et 300 km/h en pointe ici).
Plus que l’accompagnement sonore ou l’agrément de cette boîte de vitesses tant peaufinée par les ingénieurs de Porsche, c’est en fait l’amortissement de la S/T qui surprend le plus sur les chaussées tumultueuses de la Calabre. Dans cette région de l’extrême sud de l’Italie où les routes de montagne rappellent celles de la Corse avec un bitume en moins bon état, on traverse en permanence des portions bourrées de nids-de-poule mal rebouchés, des bosses parfois vicieuses et des déformations problématiques. Mais ici, rien ne semble perturber les évolutions de cette 911 à la mise au point singulière. Équipée de suspensions mécaniquement identiques à celles de la GT3 Touring mais avec une mise au point différente, elle paraît plus confortable dans ces conditions que les autres 911 et semble pouvoir tout encaisser sans jamais se désunir.
Cette impression de pouvoir compter sur un amortissement presque invincible, c’est le point de départ d’une longue chevauchée fantastique de virage en virage le long du réseau secondaire, dans laquelle la concentration et l’investissement physique augmentent au fil des kilomètres. Initialement, j’ai regretté de ne pas retrouver les sensations très spéciales que j’avais expérimenté en découvrant la 997.2 GT3 RS à une époque où la plus radicale des Porsche atmosphérique imposait la boîte manuelle. Je me souviendrai jusqu’à ma mort de cette commande dépourvue de la moindre inertie et du moteur qui, à pleine charge, continuait un instant à prendre des tours lors de chaque débrayage. En comparaison, la boîte de la S/T paraît moins radicale malgré ses débattements raccourcis et ces gros changements au niveau de l’embrayage. Mais n’exagérons pas : cette boîte spéciale contribue à rendre l’expérience de conduite passionnante et même vite étouffante. Car elle va avec un châssis dont le comportement dynamique surprend autant que la qualité d’amortissement. Pourtant privée des roues arrière directrices -ce fameux artifice permettant à toutes les 911 des séries « RS » de faire des miracles depuis la 991 GT3 de 2013- et affublée d’une direction ralentie (ratio de 15:1 contre 14:1 sur une GT3 Touring) la S/T paraît étrangement agile dans ce cadre si exigeant.
Avec en prime, une motricité vraiment difficile à prendre en défaut. Les Michelin Pilot Sport Cup 2 aident à cela, forcément, mais les qualités dynamiques de cette 911 conçue pour offrir « le meilleur plaisir de conduite possible sur la route » ne se réduisent clairement pas à sa monte pneumatique. Les virages s’enchaînent sans la moindre pause et la transpiration commence à mouiller le dossier du baquet. Il n’y a pas de molette pour régler les modes moteurs ici, seulement trois boutons permettant respectivement de raidir l’amortissement, de couper l’ESP et de couper à la fois l’ESP et l’antipatinage. ESC+TCS Off activé, les réactions de la machine libérée des béquilles électroniques paraissent si naturelles et prévisibles qu’on ne pense plus qu’à une seule chose : profiter de chaque seconde en essayant de tenir le rythme vertigineux que la S/T peut garder en toute sécurité. On joue du levier avec frénésie, craquant parfois la troisième quand la gestuelle devient trop brouillonne et que l’empressement passe avant la rigueur. Toucher le rupteur à 9000 trs/min par gourmandise, sentir le train avant férocement planté dans le bitume et la direction à la consistance parfaite, s’émerveiller de pouvoir compter sur une poupe bougeant à la moindre demande, pouvoir faire passer sereinement la puissance au sol tout en pouvant jouer gentiment avec le train arrière, tout cela se passe avec une boîte qui vous pousse en permanence à vous cracher dans les mains.
Vous perdriez à coup sûr moins de temps avec une PDK techniquement parfaite, mais l’alchimie délicate obtenue par les metteurs au point de Porsche sur cette S/T donne furieusement envie de sacrifier un peu d’efficacité. Comment se convaincre que ces qualités étonnantes de la S/T n’ont rien à voir avec une impression subjective erronée dans un cadre favorable ? Facile, il suffit de prendre le volant d’une GT3 Touring à boîte manuelle sur les mêmes routes après de longues heures de conduite de cette nouvelle 911. La commande de boîte paraît alors presque banale, la rapidité de la direction et les réactions de la voiture, totalement caricaturales et l’amortissement, moins conciliant. Elle semble aussi moins motricer alors qu’elle possède exactement les mêmes pneus ! Même les ingénieurs responsables du développement de la 911 S/T n’ont pas réussi à nous expliquer avec des chiffres et des mots précis ce qui permet à leur dernier modèle d’afficher de telles prouesses malgré un arsenal dynamique moins bon sur le papier. Il y a bien une petite dose de magie dans cette voiture sur la route, qui doit sans doute beaucoup à l’année et demie qu’ils ont passé pour en extraire le meilleur.
Chiffres clés *
- Longueur : 4,57 m
- Largeur : 1,85 m
- Hauteur : 1,27 m
- Nombre de places : 2 places
- Volume du coffre : 132 l / NC
- Boite de vitesse : Méca. à 6 rapports
- Carburant : Essence
- Taux d'émission de CO2 : 313 g/km
- Malus : 50000 €
- Date de commercialisation du modèle : Janvier 2019
* pour la version (992) COUPE 4.0 525 S/T.
Le bonus / malus affiché est celui en vigueur au moment de la publication de l'article.
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