Fin de la prime à la conversion sur les diesels: le gouvernement en plein patinage!
Pierre-Olivier Marie , mis à jour
D'un côté, la ministre de l'écologie qui déclare qu' aucun diesel ne pourra plus prétendre à la prime à la conversion à partir du 1er janvier prochain. De l'autre, sa collègue chargée de l'Industrie qui lui rappelle la nécessité de se mettre d'accord sur un calendrier avant de faire de grandes annonces. Débats fumants en perspective.
Mise à jour du 13/10 à 22h15. Superbe exemple de cacophonie gouvernementale! Quelques heures après l'annonce de Barbara Pompili de la fin prochaine de la prime à la conversion sur le diesel, sa collègue Agnès Pannier-Runnacher, ministre de l'Industrie, s'est voulue moins intransigeante sur le dossier.
Sur le plateau de Public Sénat, elle a rappelé la nécessité d'adopter une forme de "neutralité technologique" sur les façons de réduire les émissions de C02, qui sont la priorité des priorités. "Dans une grande ville, il est probable que le véhicule diesel ne soit pas le mieux adapté. [...] Dans les campagnes, il émet moins de particules et moins de CO2." (ou en tout cas c'est nettement moins génant, NDLR). Et la ministre de rappeler que le diesel représente 35 000 emplois industriels, et qu'il serait intéressant de s'accorder sur le calendrier des annonces (retrouvez son intervention dans la vidéo ci-dessous). Bref, en voilà deux qui ne feront pas voiture commune pour se rendre au prochain conseil des ministres, et en tout cas pas dans une voiture diesel!
Article publié le 13/10 à 12h00. Le diesel, technologie en sursis. Lundi 12 octobre, alors qu’elle dévoilait le plan de déploiement de 100 000 bornes électriques d’ici la fin 2021, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a officialisé la fin de la prime à la conversion sur le diesel à compter du 1er janvier 2021. Ainsi, « seul l’achat d’un véhicule électrique, hybride rechargeable ou classé Crit’Air 1 (ce qui exclut d’office le diesel) pourra donner droit à la prime à la conversion. » Cela signifie aussi que les véhicules Crit’Air 2, c’est-à-dire les modèles essence immatriculés avant le 1er janvier 2011, n’y seraient plus éligible non plus.
Je m’y étais engagée : à compter du 1er janvier 2021, la prime à la conversion sera réservée aux véhicules les moins polluants et ne concernera plus les modèles diesel. C'est une question de cohérence de notre politique de lutte contre la pollution de l’air.
— Barbara Pompili (@barbarapompili) October 12, 2020
Certes, l’annonce n’a rien de surprenant sur le fond. Les pouvoirs publics sont engagés dans une stratégie de « verdissement » du parc automobile, avec l’objectif annoncé de voir un million de véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation à la fin du quinquennat. Il y a donc une forme de cohérence pour une ministre qui déclarait le 27 juillet au micro d’Europe 1 qu’il fallait arrêter de subventionner les modèles carburant diesel, qui ne sont pas des « véhicules d’avenir » selon ses termes.
Le gazole représente encore un tiers des ventes
« Le gouvernement a une stratégie d’entonnoir qui a pour but de nous amener progressivement à une élimination des voitures thermiques. Mais derrière ça, on anéantit la filière diesel, et une technologie pourtant plus vertueuse en matière d’émissions de CO2. On se souvient d’ailleurs qu’en 2019, le ministre de l’économie Bruno Le Maire avait annoncé que l’IFEN allait procéder à une étude indépendante sur la pollution réelle du diesel, et on en attend encore le résultat » regrette Fabrice Godefroy, expert mobilité et environnement pour l’association 40 millions d’automobilistes, interrogé par Caradisiac. « Selon les données dont nous disposons, le diesel est aujourd’hui meilleur que l’essence sur les oxydes d’azote et particules. »
Si les diesels ne sont pas des « véhicules d’avenir », ils sont encore bien des modèles du temps présent. Ils représentent encore 57% des transactions sur le marché de l'occasion et, selon les propres données du ministère de la Transition écologique, la part de marché du diesel s’élève encore bien à 30,8 % sur les neuf premiers mois 2020 (33,8 % en 2019), contre 49,1 % pour l’essence (- 9,7 points).
En d’autres termes, près d’un tiers du marché français du neuf carbure encore au gazole, technologie qui reste la plus adaptée pour les gros rouleurs et les familles qui ont besoin de véhicules volumineux. Des véhicules volumineux qui - bonne nouvelle ! - échappent provisoirement au malus au poids, mesure recommandée par la Convention citoyenne sur le climat et un temps envisagé dans le cadre de la loi de Finances 2021 avant d’en être écarté in extremis.
Malus au poids en suspens
Mais la ministre de la Transition écologique garde la porte ouverte pour l’avenir. « À titre personnel, je l'ai déjà défendue dans l'Hémicycle», déclarait fin septembre Barbara Pompili, interrogée sur RMC et BFMTV. «La Convention citoyenne sur le climat a proposé des mesures, et moi mon rôle, c'est de faire en sorte qu'on puisse les mettre en œuvre».
Rendez-vous à la rentrée 2021 pour en reparler. Mais à quelques mois de la présidentielle, la mesure ne serait pas la plus efficace d’un point de vue électoral. Ce type de considération explique aussi pourquoi Bercy a annoncé ce mardi matin qu’il n’y aurait pas de changement de la fiscalité sur l’essence SP 95-E10 et SP 95-E5, qui figurait pourtant au programme des débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2021.
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