L'industrie pétrolière de la Province l'Alberta (Canada) fait parler d'elle ces derniers mois. Il faut savoir que l'extraction du pétrole bitumineux (dit non conventionnel) de l'Alberta engendre une pollution importante : elle rejetterait près de 20% plus de gaz à effet de serre que la production de pétrole conventionnel (extrait du sous-sol). L'année dernière, la Californie a indiqué qu'elle souhaitait ainsi bouder le pétrole bitumineux : le gouverneur Arnold Schwarzenegger a pour objectif de diminuer du quart les émissions de GES de son État d'ici 2020 et a souligné son souhait de faire baisser de 10% l'indice de carbone moyen des carburants consommés. L'article 506 stipule d'ailleurs : "Aucune agence fédérale ne peut signer de contrat visant à se procurer un carburant alternatif ou synthétique, incluant un carburant produit à partir de sources pétrolières non conventionnelles. Seule exception : s'il est prouvé que sa production émet autant sinon moins de gaz à effet de serre que le pétrole classique."
En janvier 2007, "Radio Canada" a révélé que le Canada pourrait multiplier par cinq sa production de sables bitumineux pour assurer l'approvisionnement en pétrole des États-Unis et que le développement accéléré des sables bitumineux de l'Alberta aurait un lien direct avec les besoins pressants des Etats-Unis en pétrole (voir article). En mars 2007, une étude de Statistique Canada effectuée pour le compte d'Environnement Canada a montré que l'Alberta était responsable de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada, soit 39 %, cette situation étant due au développement de l'industrie des sables bitumineux (voir article).
La dernière information en date qui a étonné analystes et écologistes : le gouvernement américain a finalement considéré le pétrole de l'Alberta comme trop polluant et il a interdit aux agences fédérales d'acheter tout carburant dont la production rejette trop de gaz à effet de serre, notamment celui issu des sables bitumineux. L'armée américaine, la CIA, le Service des douanes, le Service postal et la centaine d'autres agences du gouvernement américain sont aussi concernés par cette interdiction. Le président George W. Bush a ainsi ratifié le 19 décembre 2007 une loi énergétique, le "Energy Independence and Security Act of 2007". Le Congrès américain l'a aussi ratifiée le 4 janvier 2007.
Jean-Thomas Bernard, professeur d'économie à l'Université Laval, explique : "Le message que les États-Unis envoient est clair : le pétrole issu des sables bitumineux n'est pas considéré comme un produit haut de gamme. À plus ou moins brève échéance, cela signifie que les producteurs pétroliers de l'Ouest devront trouver des procédés de production plus propres. La pièce législative du gouvernement américain contient une précision d'importance : cette interdiction ne s'applique pas aux carburants qui, de leur production à leur livraison, émettent autant sinon moins de gaz à de serre que du pétrole traditionnel." Dan Woynillowicz, analyste pour l'Institut Pembina, met en avant : "Cela signifie que si l'industrie pétrolière de l'Alberta décidait d'exploiter les sables bitumineux de façon moins polluante, en faisant du captage et de la séquestration de carbone par exemple, elle pourrait à nouveau approvisionner les agences fédérales. Mais si, au contraire, les gouvernements du Canada et de l'Alberta s'entêtent à n'imposer aucune restriction environnementale aux producteurs pétroliers, ces derniers auront de moins en moins accès aux marchés internationaux."
Pierre-Olivier Pineau, spécialiste en énergie à HEC, précise : "L'importance de la décision de l'administration Bush de ratifier cette loi n'est pas autant économique que symbolique. Le concept mis de l'avant est extrêmement important : il ne faut pas s'occuper que des émissions provenant de la voiture, mais aussi tout au long du cycle de vie de la production du carburant. Cela dit, comment comprendre que le gouvernement américain lève le nez sur le pétrole canadien, compte tenu qu'il souhaite réduire sa dépendance à l'endroit de régions instables ? Il y a d'autres intérêts derrière cette décision. C'est par exemple une porte ouverte pour le forage pétrolier en Alaska. C'est aussi une excellente façon de faire passer une hausse des subventions accordées aux agriculteurs qui produisent de l'éthanol." Les Etats-Unis ont deux visages pour l'or noir et l'or vert...
(Source : La Presse Canadienne Photo : Radio Canada, acme, La Presse Canadienne)
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